L'annonce de la suppression du secrétariat d'Etat chargé de l'Eau au gouvernement El Othmani a provoqué une crise sans précédent entre le PJD et son principal allié. Mohamed Zineddine et Abdessamad Belkebir nous livrent leurs analyses. Une nouvelle crise de l'exécutif secoue, depuis quelques jours, la coalition gouvernementale de Saâdeddine El Othmani. A l'origine de ces tensions, la suppression du secrétariat d'Etat chargé de l'Eau et le limogeage de Charafat Afilal, du Parti du progrès et du socialisme (PPS). Mais alors que le parti du Livre a publié son communiqué incendiaire, signe de son mécontentement, et a convoqué son Conseil national, le 22 septembre, pour trancher dans le cadre d'une mesure décidée par le roi à l'initiative du chef du gouvernement, le Parti de la justice et du développement (PJD) vit lui aussi au rythme de cette crise, qui sera au menu de son conseil national le 15 septembre prochain. Une crise de confiance entre El Othmani et Benabdellah ? Quelles répercussions de cette crise ? C'est la question que nous avons posée à Mohamed Zineddine. Pour ce professeur de droit constitutionnel et de sciences politiques à l'Université Hassan II de Casablanca, «cette crise entre le PJD et son allié principal réitère l'absence de confiance entre les deux partie». «Ce n'est pas la première fois que le PPS est visé. Cela a été le cas avec le départ de Nabil Benabdellah et de Houcine El Ouardi du gouvernement», nous rappelle-t-il. «Cette crise est reportée en attendant des solutions politiques. Il faut savoir que la majorité est à la base hétérogène. Mais il n'y a pas d'alternative pour remplacer ce gouvernement qui subit un affaiblissement systématique.» Mohamed Zineddine Pour le spécialiste, un éventuel départ du PPS du gouvernement d'El Othmani reste «logique», même si le parti du Livre «en payera très cher le prix». «Mais le gouvernement en général n'a pas d'alternative», poursuit-il. «Cela menace la synergie au sein de la majorité et réitère le manque de confiance en la personne du chef du gouvernement», nous déclare-t-il. Autre point soulevé, la méthode d'El Othmani pour la suppression du secrétariat d'Etat chargé de l'Eau. «Si la relation entre Benabdellah et Benkirane (ex-secrétaire général du PJD, ndlr) a été marquée par la complicité et les consultations fréquentes, celle avec El Othmani ne ressemble guère à cela», nous dit-il. «Même lorsqu'il n'était pas secrétaire général du PJD ou chef du gouvernement, El Othmani considérait que les fauteuils ministériels accordés au PPS devaient correspondre à sa taille naturelle», rappelle Mohamed Zineddine. PJD : Une session extraordinaire du conseil national, capitale pour l'avenir d'El Othmani Ce dernier insiste aussi sur les relations dégradées entre le PJD et le RNI d'un côté et entre le PJD et l'USFP d'un autre. Des indicateurs de «la fragilité de la coalition menée par Saadeddine El Othmani», conclut-il. Un affaiblissement du PJD à travers son alliance avec le Livre De son côté, le politologue Abdessamad Belkebir considère que la crise actuelle au sein de la majorité démontre que l'alliance PJD-PPS serait visée. «Il ne faut pas oublier que le PPS a toujours soutenu le PJD, et Benkirane en personne dans le cadre d'une relation qu'on ne peut expliquer», rappelle-t-il. Une alliance ayant constitué une force pour les deux formations politiques. «Benkirane a su prouver que les islamistes du Maroc sont ouverts, au point de s'allier avec l'ex-parti communiste, plus vieux parti politique du Maroc», enchaîne notre interlocuteur. Abdessamad Belkebir rappelle aussi que «le PJD a profité de cette alliance, si on ajoute à cela la relation personnelle formée entre Nabil Benabdellah et Abdelilah Benkirane» avant de qualifier l'alliance politique de «solide». «Pour ceux qui souhaitent affaiblir le PJD, il faut le faire soit à travers des partis comme le PAM ou le RNI, soit en lui créant une crise interne, soit en séparant entre le parti et son bras idéologique (le MUR, ndlr) ou encore en visant l'alliance PPS-PJD. Certains poussent le PPS à claquer la porte du gouvernement.» Abdessamad Belkebir Le politologue souligne aussi le vocabulaire du communiqué incendiaire du PPS, qui «différencie à deux reprises entre 'le parti d'El Othmani' et le PJD, lorsqu'il évoque la Lampe sous Benkirane». «Cela peut être lu comme un argument pour rester au gouvernement, puisque le PPS anticipe en évoquant ceux au sein du PJD qui tiennent toujours à l'alliance entre le Livre et la Lampe», conclut-il.