Un cas de «censure» qui serait passé inaperçu sans l'indignation de l'un des invités, le politologue Abdessamad Belkebir, qui a tenu à médiatiser l'affaire. Jeudi soir, l'émission en direct Wajhan Li Wajh (Face-à-face) de France 24, devant parler de la situation interne du PJD a été tout bonnement annulée sans explication aux téléspectateurs. L'invité et une source de la chaîne parle de censure alors que du côté des autorités marocaines, le silence est de mise. Détails. Même au Maroc, la censure a la peau dure alors que les formes ne manquent pas. Jeudi, annoncée en grande pompe aux téléspectateurs des deux rives de la méditerranée, l'émission en direct Wajhan Li Wajh (Face-à-face) de France 24 n'a finalement pas eu lieu. La chaîne basée à Paris ne donne aucune explication à ses téléspectateurs. Dans les coulisses, on se rend compte qu'il s'agit d'un nouvel épisode du vieux bras de fer opposant la chaîne française aux autorités marocaines. Mais, puisque ces échauffourées répétitives ne touchent pas que les parties concernées, c'est l'invité de l'émission, l'universitaire, politologue et ancien parlementaire Abdessamad Belkebir qui rompt le silence, dénonçant «la censure» qui a visé sa personne. «C'est scandaleux. Le Maroc enregistre un recul dans tous les domaines», nous déclare-t-il vendredi soir. «C'est honteux. Pour une dizaine de minutes d'intervention ? Tout cela pour empêcher les gens de prendre connaissance de ce qui se passe à l'intérieur du PJD ? Et à la fin, ils accusent le PJD d'être derrière tout cela. C'est du n'importe quoi !», nous confie-t-il. Notre interlocuteur d'ajouter : «on ressent qu'on est dans un pays du tiers monde lorsqu'on censure des programmes comme ça, sans dire un seul mot sur la raison». Mais qu'est ce qui s'est réellement passé jeudi à Rabat, au point que France 24 baisse les bras en annulant son émission ? C'est la question que nous avons d'abord posé au politologue et l'un des principaux intervenants. «C'est le studio qui a refusé de m'accueillir. Les responsables de France 24 qui voulaient que je participe à ladite émission me l'ont rapporté», nous explique-t-il. En effet, l'émission qui voulait aborder la crise interne au sein du Parti de la justice et du développement a choisi l'ancien député de l'Union socialiste des forces populaires pour décrypter les événements qui se déroulent dans la maison interne du parti de la Lampe. El Othmani et Laâraj ne seraient pas au courant, selon Belkebir «Auparavant, France 24 m'a contacté pour d'abord savoir ce que je pense du PJD et ce qu'il vit actuellement. J'ai donc exposé mon analyse. Ils m'ont ensuite rappelé après 15 minutes pour me demander si je serai disponible pour une émission en direct», raconte Abdessamad Belkebir. Mais l'émission ne sera finalement pas tournée. «On nous a dit à la fin que le studio n'est plus disponible et on a dû partir jusqu'à un autre chez 2M pour faire le direct, sauf que celui-ci n'était pas disponible non plus. C'est mon nom qui est interdit de toutes les télévisions au Maroc et ce n'est pas la première fois. C'était soit arrêter l'émission, soit se voir l'autorisation de tournage retirée pour de bon.» Le politologue affirme ensuite que cette «censure est due à [ses] positions politiques et idéologiques». Il nous informe aussi avoir «contacté jeudi Abdelilah Benkirane, secrétaire général du PJD pour l'informer de la situation» et explique que la raison est le fait que «l'émission allait aborder la situation interne de son parti». «Il a ensuite contacté Saâdeddine El Othmani, le chef du gouvernement qui m'a à son tour appelé hier (jeudi, ndlr)», enchaîne-t-il. Un coup de fil durant lequel le chef du gouvernement aurait exprimé son «indignation», poursuit notre source. «Il m'a affirmé avoir contacté le ministre de la Culture et de la communication, qui n'était pas informé de cet incident, pour demander une explication. Le ministre ne lui a toujours pas répondu et je ne pense pas qu'il répondra», conclut-il. Un «embargo» imposé par le ministère de la Culture et de la communication ? Contacté par Yabiladi vendredi soir, une source à France 24 nous affirme que la décision de l'annulation émanerait bel et bien du ministère marocain de la Culture et de la communication. «Ce qui s'est passé jeudi c'est que l'émission voulait faire un face à face sur les luttes intestines au sein du PJD, entre le courant des ministrables et le courant pro-Benkirane et la polémique. Nous avons donc invité monsieur Belkebir qui était partant, et un autre intervenant», raconte notre source. Celle-ci d'expliquer la volonté de la chaîne de prendre deux studios pour le tournage. «Les invités étaient d'accord, mais à un moment le ministère de la Culture et de la communication a demandé à notre prod' (production, ndlr) de l'informer sur le sujet. Le sujet révélé, ils nous ont dit "non, vous n'aurez pas les studios". C'est la production de l'émission qui a reçu des e-mails du ministère de la Culture et de la communication. L'émission ne pouvant être tournée nous étions obligés de l'annuler.» Notre source nous fait remarquer que le ministère marocain de tutelle ne serait pas à ses débuts. «Ce qui se passe, c'est qu'ils doivent être d'accord sur l'invité. Quand ce n'est pas OK, ils refusent de mettre le studio à notre disposition. La semaine dernière, on avait presque le même cas : on a dû changer un intervenant pour avoir le OK, et finalement on était parti demander à 2M de nous prêter son studio pour avoir deux duplex et faire le face à face. Hier (jeudi, ndlr) on a rien pu avoir», poursuit notre source. Et celle-ci de conclure : «Malheureusement, on souffre à cause de cela. On est une chaîne disposant d'un grand public au Maghreb et on veut couvrir l'actualité du Maroc mais ce n'est pas facile». Yabiladi a tenté de joindre en vain ce vendredi le ministre de la Culture et de la communication, Mohamed Laâraj ainsi qu'Abdelillah Tahani, le directeur de la communication et des relations publiques.