A la troisième chambre de la Cour d'appel de Rabat, l'audience d'une affaire de pédophilie en cours a été reportée au 18 juillet. Les avocats de la partie civile veulent en faire un dossier qui changera la procédure dans des cas similaires, pour protéger des droits des victimes de manière effective. Un jeune homme de 24 ans a été appelé mercredi à la barre. Il comparaît publiquement devant la troisième chambre de la Cour d'appel de Rabat pour des faits de pédophilie. Du regard, il cherche parmi l'assistance ses victimes présumées, deux frères et leur sœur, tout en mettant au défi les parents au fond de la salle. Après une requête des avocats de la partie civile, l'audience est reportée au 18 juillet prochain pour parachever la préparation du dossier. Avec des amis venus «le soutenir», le prévenu, lui, quitte le tribunal comme il y est venu : sans escorte apparente et sans dispositif garantissant qu'il restera loin des enfants. Un suspect qui pourrait sévir encore Depuis août 2017, les parents des victimes présumées ont découvert que ces derniers auraient fait l'objet de sévices sexuels de la part du suspect, fils des propriétaires chez qui la famille louait son logement. S'en suit alors une enquête policière, des allers-retours chez les médecins dont le constat confirme la version des faits des enfants (notamment par les blessures anales constatées), ainsi qu'une procédure devant le juge d'instruction. Le certificat médical joint au dossier fait état de blessures et de plaies anales chez l'un des trois enfants Celui-ci estime que les éléments de preuves sont assez suffisants pour poursuivre le prévenu en état d'arrestation. Dix-huit jours plus tard, le concerné retrouve sa liberté, dans l'incompréhension générale. Les parents plaignants, qui ont déménagé pour mettre les enfants à l'abri d'une nouvelle agression, sont rattrapés par le jeune homme qui revient marquer sa présence jusqu'en bas de leur domicile. Le certificat médical de la sœur victime présumée fait état de blessures vaginales et de l'hymen En effet, le père plaignant a précédemment indiqué à Yabiladi que l'agresseur continuait à jouir de la liberté de ses mouvements. Pour leur part, «les enfants ne sortent presque plus de la maison, maintenant que l'année scolaire vient de se terminer», nous confie la mère des victimes présumées. «Je vis une dépression aiguë et sans l'aide des psychologues qui nous soutiennent, je ne sais pas si j'aurais pu garder l'espoir de vivre et d'aider mes enfants à se relever, après ce qui s'est passé», ajoute-t-elle encore à la sortie du tribunal. Une révision des procédures s'impose Hatim Arib, chargé du dossier depuis la comparution du suspect devant le juge d'instruction, nous explique la nécessité que «les éléments retenus contre des prévenus dans le cadre de ces affaires tiennent compte des éléments scientifiques apportés comme preuves, car il est important de ne pas se tenir uniquement à des témoignages ou à des aveux». A la sortie du tribunal, mercredi, l'avocat fait part à Yabiladi de son «incompréhension» en voyant le prévenu être poursuivi en état de liberté, «d'autant plus que lors de la phase de l'information judiciaire, le concerné a reconnu s'être fréquemment retrouvé à huis clos avec les enfants et avoir été en promiscuité avec eux (...) en l'absence des parents». Il souligne, par ailleurs, que «c'est sur la base de tous ces éléments-là qu'a été décidée la continuité des poursuites en état d'arrestation». Cette décision n'ayant eu aucun effet, les avocats de la partie civile veulent formuler une requête «pour que les audiences soient fermées». Me Arib nous en donne plusieurs raisons : «C'est un procès qui concerne des enfants mineurs en bas âge (4, 6 et 8 ans, ndlr) et il faut en tenir compte. Cela est censé tout changer dans les procédés. On ne peut pas montrer des enfants publiquement de la sorte, comme n'importe quel majeur qui assiste à son procès au tribunal. Dans la forme actuelle des choses, c'est le cas des plaignants et ils ne sont pas du tout protégés.» Ainsi, l'avocat souhaite que le traitement de ce dossier «pose les jalons d'un changement des procédures liées aux éléments de preuve, dans le cadre de telles affaires, où l'on se base généralement sur des aveux et des témoignages». Pour notre interlocuteur, «cette formule est insuffisante pour réhabiliter des victimes de pédophilie dans leurs droits, d'autant plus que ce ne sont pas des actes qui sont commis au vu et au su de tous. Un pédophile choisit évidemment le moment et l'endroit où il ne serait pas pris en flagrant délit, ce qui rend impossible l'obtention de témoignages ou d'aveux». En attendant la prochaine audience, fixée pour le 18 juillet prochain, la situation des victimes présumées et du suspect reste inchangée, ce qui expose les enfants aux menaces réelles d'une nouvelle agression.