Le procès dans l'attentat d'Argana entame la phase décisive des plaidoiries, jeudi 6 octobre. Les victimes attendent de connaître la vérité mais ne réclament pas la peine de mort pour le principal auteur. Elle sera décisive. La seconde phase de l'affaire Argana sera consacrée aux plaidoiries, à commencer par celle de la partie civile représentée par les avocats des victimes. Ensuite, ce sera au tour du réquisitoire du parquet général et des avocats des accusés. L'audience du 6 octobre, qui débutera à 14h au tribunal antiterroriste de Salé, risque donc de se prolonger plusieurs heures et de réserver des surprises. Le dernier mot reviendra au juge, mais les victimes confient d'ores et déjà leur intention de rejeter la peine de mort. Elle sera probablement revendiquée par le parquet général étant donné la gravité des chefs d'inculpation qui pèsent sur les neuf prévenus : « constitution de bande criminelle dans le cadre d'un projet collectif visant à porter gravement atteinte à l'ordre public, meurtre avec préméditation, détention et fabrication d'explosifs et appartenance à un groupe religieux interdit ». Pour les victimes, la peine de mort contre le cerveau présumé de l'attentat, Adil El Othmani, et son présumé associé, Hakim Dah, ne répond pas à leur attente au procès. « Les victimes veulent seulement que la justice leur dévoile la vérité, qu'elle leur déclare qui est le responsable de l'attentat », affirme Me Abderrahim Jamaï qui représente les victimes françaises. Abolie en France, mais toujours inscrite au Maroc au Code pénal, cette condamnation sera soumise, dans le cadre de la réforme de la justice, à l'unanimité d'un collège de juges. Le veto d'un seul de ces magistrats invaliderait la condamnation. Les victimes ne veulent pas en arriver là et le font savoir par le biais de leurs avocats, eux aussi militants abolitionnistes. « J'ai convaincu tous mes clients que je ne suivrai pas le parquet général dans son réquisitoire s'il demande à la Cour la condamnation à la peine capitale. Mes confrères français et suisse sont du même avis », déclare Me Omar Abouzzohour qui représente également les familles des victimes françaises, mais aussi suisses. Faire leur deuil, trouver enfin un semblant de soulagement, c'est ce que cherchent les familles des victimes. Toutes se sont constituées partie civile, à l'exception des familles britanniques et hollandaises. Elles tiennent à faire acte de présence à chaque audience pour rappeler cette douleur atroce que leur a causée l'attentat d'Argana. Elles ont, par ailleurs, le droit de demander des indemnités comme le stipule la loi, mais le montant exact n'est pas encore dévoilé. Toutefois, les avocats des accusés avancent d'ores et déjà qu'il s'agit d'une somme « faramineuse ». « Ce serait aux alentours de 140 millions de dirhams. C'est beaucoup trop ! », s'exclame Me Mohamed Sadouk, qui représente quatre des neufs prévenus. Les avocats des accusés tenteront de disculper leurs clients, prenant pour base les aveux des suspects qui auraient été, selon ces derniers, extorqués sous la pression, les menaces et la torture. « Les victimes veulent seulement que la justice leur dévoile la vérité ». Me Abderrahim Jamaï Les avocats vont jusqu'à réclamer l'annulation de «toute la procédure judiciaire pour vice de forme». « On confond souvent le procès pénal avec le civil. Même si les accusés ont nié, ce sont les éléments du dossier : preuves matérielles et déclarations des témoins qui agissent sur la conviction du juge. Rien n'empêche les accusés de mentir, ils n'y sont pas contraints parce qu'ils ne prêtent pas serment », rappelle Me Abderrahim Jamaï. Et de souligner qu'il reste difficile pour les suspects de démentir « des propos qu'ils ont signés chez le juge d'instruction et en présence de leurs avocats ». « Personne ne peut douter de l'impartialité de la Cour, et aucune partie ne peut prétendre que le procès n'est pas équitable. Toutes les formalités édictées par les articles allant de 298 à 305 de la procédure pénale sont respectées à la lettre », soutient Me Omar Abouzzohour. Pour ce dernier, avocat au barreau de Marrakech, le procès aboutira à la condamnation des accusés, bien qu'ils aient tout nié devant la cour. « Leurs déclarations avec beaucoup de précision devant le juge d'instruction sont irréfutables. Aucun des accusés ni leur défense n'ont interjeté appel pour demander l'annulation de l'instruction ou la procédure devant le juge d'instruction dans le cadre de l'article 223 du Code de la procédure pénale », précise cet avocat. Presque tous les accusés ont dénoncé la torture et les mauvais traitements en détention. « Si leurs avocats le démontrent par des preuves, il faudra entamer la procédure qui s'impose. Nous plaidons pour que la justice et la torture soient bannies », revendique Me Jamai. Une remarque toutefois laisse ce bâtonnier perplexe : « Les accusés n'ont pas tous déclaré avoir été victimes de torture ».