En perte de vitesse dans différents sondages, Marine Le Pen fouille dans les fondamentaux de l'extrême droite pour tenter de se maintenir. La présidente du Front national, dans une lettre adressée aux 577 députés français, appelle à la suppression de la binationalité. Pour la candidate à la présidentielle de 2012, la double nationalité «peut conduire à des contradictions majeures et à de graves dérives» en France. Aux Français binationaux, Marine Le Pen propose de choisir entre l'«allégeance : [à] la France ou [à] un autre pays». Selon la candidate à l'élection présidentielle de l'année prochaine, «la multiplicité des appartenances à d'autres nations contribue aujourd'hui, et d'une manière de plus en plus préoccupante, à affaiblir chez nos compatriotes l'acceptation d'une communauté de destin, et par là-même à miner les fondements de l'action de l'Etat.» S'inspirant de la situation en Libye, la présidente du FN affirme que la binationalité peut même impacter sur la politique extérieure de l'Etat : «peut-on raisonnablement penser que la France aurait demandé une intervention en Libye si nous avions compté le même nombre de binationaux franco-libyens sur le sol français ?» Avant de faire le rapprochement avec l'Algérie, pays qui compte le plus grand nombre de binationaux en France soit près de 4 millions. «Comment ne pas trouver potentiellement explosive une situation qui verrait la France intervenir sur le territoire algérien, qui plus est sous la bannière de l'OTAN, avec la présence massive de citoyens tiraillés par leur double allégeance ?» Marine Le Pen oublie de tout évidence que même si ces citoyens n'avaient que la nationalité française, ils garderaient l'identité émotionnelle de leur pays d'origine. Patriotisme sincère ? La sincérité du patriotisme des binationaux est également remise en cause dans la missive de la chef de file de l'extrême droite française : «l'échec patent de la double nationalité s'est affiché jusque dans diverses rencontres sportives récentes, à la suite desquelles de jeunes Français binationaux ne brandissaient pas notre drapeau tricolore, mais la bannière d'une autre nation. Ces soirs-là, nombre de nos compatriotes furent légitimement choqués.» Marine Le Pen s'attaque enfin au droit de vote des binationaux en France et dans leur pays d'origine : «comment peut-on accepter que les mêmes citoyens participent, en raison de leur pluri-appartenance, à des élections majeures dans des pays différents ?» Une manière pour elle de contrer le vote des Français d'origine immigrée, qui serait tout sauf favorable à sa candidature. Des 20, voire 21% d'intentions de votes, qu'elle récoltait encore au mois d'avril, ne reste plus aujourd'hui, selon un sondage TNS-Sofres pour Le Nouvel Observateur et I-Télé publié le 25 mai, que 19% ou 20% des voix. Une enquête BVA pour RTL, parue mardi 26 mai, lui donnait entre 19 et 17%. La présidente du FN tente certainement de se recentrer sur les fondamentaux de sa formation d'extrême droite pour ne pas sombrer progressivement à l'approche des échéances électorales. Elle n'est toutefois pas la première à mettre la question de la bi-nationalité sur la table. Même s'il n'avait pas demandé de «suppression», Claude Goasguen, député-maire UMP et rapporteur de la mission d'information parlementaire sur le droit de la nationalité, s'était récemment déclaré favorable à une «limitation» du droit à la double nationalité.