Les compétences des femmes au sein du gouvernement ou toute autre entité politique sont souvent mise à rude épreuve. Généralement doutées dans leurs capacités à mener à bien des missions de grande ampleur, elles restent spectatrices d'un phénomène auquel elles n'ont pas contribué. C'est un point qui revient systématiquement lorsque l'on parle de parité et d'égalité entre les sexes, et ce dans tous les domaines : les compétences des femmes. Ira-t-on dire que le sexisme qui prévaut dans les mœurs, au Maroc et ailleurs, n'est que l'héritage de l'histoire et des traditions qui l'ont jalonnée ? Fort possible. Les actrices de la vie politique sont aujourd'hui unanimes et témoignent de ce fossé qui les sépare des hommes et de ce sentiment de devoir toujours «faire plus» pour prouver qu'elles sont bel et bien à la hauteur de leurs confrères. Des compétences, toujours des compétences… Les compétences sont donc une notion fréquemment répétée lorsque l'on évoque les femmes et leur participation dans la vie politique. Cette tendance s'inscrit dans les mentalités, les traditions et les mœurs du Maroc, qui donne toute latitude aux hommes, selon Saida Kouzzi, associée fondatrice de l'association Mobilising for Rights Associates (MRA) et Fatna Afid, militante au sein de l'Association des femmes pour l'égalité et la démocratie et coordinatrice nationale de la Marche mondiale des femmes. «On n'exige aucune compétence des hommes pour participer à des institutions publiques. En revanche, on exige quelque chose de plus des femmes alors qu'il existe beaucoup d'hommes incompétents. Dans ce cas, conformément au principe d'égalité, une femme incompétente aurait aussi droit à une place dans le gouvernement. Le fait que les femmes ne soient pas considérées comme ayant un droit authentique et naturel de faire partie des institutions, qu'elles soient compétentes ou pas, est dérangeant», assure Saida Kouzzi. Pour Fatna Afid, la question des compétences ne devrait même pas se poser : «Pourquoi parler de compétences ? Nous avons au Maroc des centaines de femmes issues de grandes écoles et titulaires de diplômes supérieurs en droit, en droit constitutionnel, en sociologie et dans tous les domaines. La Cour constitutionnelle n'est composée que d'une seule femme à cause de ces mentalités, pas par manque de compétences. Alors que lorsqu'il s'agit d'un homme, ce critère de compétence ne se pose pas.» …qui ne sont pas souvent vérifiées «Effectivement, le problème reste présent mais néanmoins le fait de n'avoir qu'une seule femme peut valoir bon nombre d'hommes, d'ailleurs la femme que Sa Majesté a nommé à la Cour constitutionnelle peut valoir une centaine d'hommes. Par conséquent, je pense qu'il faut regarder les compétences et les qualifications et voir ce que la personne est capable de faire. Dans les gouvernements passés, donc pas uniquement les gouvernements Benkirane avec Bassima Hakkaoui en ministre de la famille mais le gouvernement précédent avec Nouzha Skalli, ministre de la femme, je pense qu'il est quand même correct de dire que même sa présence n'a pas forcement apporté grand chose à la cause des femmes ; ce qui est déplorable pour une féministe. C'est une question d'adhésion aux valeurs et des actions que mènent ces femmes qui devraient refléter l'égalité des sexes et les valeurs des droits de l'Homme. Donc un homme au ministère de la famille qui mettrait en place des lois contre les violences… serait mieux dans ce cas», rétorque Saida. «Depuis 15 ans, nous n'avons pas encore atteint ce tiers dans la représentativité féminine pour lequel nous militons. Il n'y a qu'une seule femme dans le tableau des ministres. Il n'y a donc aucune évolution, au contraire c'est un recul. Et ce recul est flagrant notamment par les postes occupés, elles sont 8 secrétaires d'état et une seule en fonction ministérielle». Un fait qui mène Fatna à réfléchir sur «les actions qu'elles mèneront, qui sont ces femmes ? Nous ne les connaissons pas à part Hakkaoui et Charafat. Nous avons des femmes très présentes politiquement or elles n'ont pas été nommées, d'où la question des critères de négociations. Des négociations qui finalement se finissent par les choix du roi. Le roi est la voix du pays et du peuple donc c'est un cercle vicieux puisque l'on revient à nouveau aux mentalités et à la société», conclut la militante associative. Serait-ce réellement un problème de compétences, de mentalités de la société, de faille au sein des partis politiques ou encore de manque de communication lors des négociations ? A en croire nos interlocutrices c'est un peu de tout. Au total, 39 membres et 6 partis composent ce nouvel exécutif, lesdits partis ne sont aucunement représentatifs de la place de la femme dans la politique. Un rôle dénigrant du statut de la femme et la réduisant face à ses collaborateurs hommes. La nouvelle équipe gouvernementale compte donc 5 femmes de plus mais qui ne sont en réalité réduite à une seule qui occupera un ministère ; un pas en avant ? La convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) et le Pacte des droits économiques et sociaux ne suffisent pas aujourd'hui à assurer une place à la femme marocaine dans les différentes institutions politiques.