Cela fait exactement un an que la convention de financement de la stratégie gouvernementale de l'égalité (Icram) a été signée avec l'UE pour un montant de 45 millions d'euros, soit près de 500 MDH. Bassima Hakkaoui, ministre de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, en a donné les détails, vendredi à Rabat lors d'un point de presse. Sur fond d'une nouvelle Constitution qui donne naissance à l'Instance de la parité (art 19 et 164), l'égalité entre les hommes et les femmes est ainsi consacrée comme une des bases du Maroc de demain. La ministre parle d'un travail tous azimuts qui concerne tous les départements ministériels sans exception. Aujourd'hui, la feuille de route est prête pour sa mise en application après plusieurs étapes franchies, notamment l'adoption en Conseil de gouvernement, le 6 juin dernier, et l'adoption du décret portant création du Comité ministériel de l'égalité, le 27 du même mois. Icram se décline dans 8 domaines, 24 objectifs et 150 dispositions. Ce qui amène la ministre à dire que l'aspect opérationnel de la stratégie a été ainsi privilégié, et puisque charité bien ordonnée commence par soi-même, Hakkaoui a entamé une restructuration de son département, qui a permis de mettre en place une direction de la femme. Deux autres dispositions ont retenu l'attention. Primo, l'intégration du genre dans le projet de loi organique des finances, qui exigera à chaque département d'avoir présent à l'esprit le rôle de la femme lors de la préparation budgétaire ainsi que durant tout le processus de la mise en place des politiques sectorielles. Secundo, l'assimilation du genre dans le système du recensement national de la population, qui se fait tous les dix ans. Ceci, dans la mesure où les caractéristiques socioprofessionnelles et matrimoniales propres à la femme seront d'une grande importance pour la préparation des politiques de promotion du rôle de la femme dans le développement et dans la création de richesses. Aujourd'hui, tout un arsenal juridique et institutionnel est en train d'être mis en place autour de l'approche genre. La dynamique participative aura été respectée. Ainsi, le département de Hakkaoui aura reçu pas moins de 90 mémorandums de propositions au sujet de l'instance de la parité. Il est à ne pas perdre de vue, également, que subsistent le Conseil consultatif de la famille et de l'enfance, créé en vertu de l'article 32 de la Constitution et le projet de loi contre la violence à l'égard des femmes. La ministre s'est aussi attardée sur le rôle majeur que jouera le fonds de garantie pour accompagner l'entreprise féminine qui, précise-t-elle, sera lancé concomitamment à la mise en application du programme gouvernemental. Pour veiller à la bonne application de tous ces engagements, un comité technique de suivi et de contrôle sera créé, tandis qu'un système informatique dédié permettra d'accélérer la cadence en matière de suivi et d'évaluation des étapes franchies. Enfin, la société civile n'est pas en reste. Une enveloppe de 2 millions d'euros a été consacrée au partenariat avec les associations, dont plusieurs avaient critiqué le manque de concertation avec les ONG lors de la préparation du programme. Sur un registre purement politique, l'actuel gouvernement a été à maintes reprises critiqué en raison de l'absence de femmes dans ses rangs. Le fait qu'il n'y ait qu'une seule femme ministre, en la personne de Hakkaoui, représente une régression. Néanmoins, fallait-il appliquer le principe de discrimination positive, même pour des postes de ministres ou de hauts fonctionnaires ? Il est clair que non. Hakkaoui a déclaré à ce sujet qu'elle n'est pas pour la parité à tout prix. Les critères de compétences et de mérite seront observés au même degré, qu'il s'agisse de l'homme ou de la femme. Ceci n'empêche pas d'œuvrer à la promotion du rôle de la femme dans les postes à responsabilités via l'éducation, les programmes dédiés, les fonds de soutien ou tout simplement la sensibilisation. C'est aussi une question de mentalité qu'il va falloir changer sans la brusquer. Le poids des coutumes est toujours contraignant, mais pas autant qu'il y a 30 ou 40 ans. Interrogée à ce sujet, Hakkaoui a exhorté les hommes à aider leurs femmes dans les tâches ménagères et dans l'éducation des enfants. Son sourire en évoquant cette idée en dit long sur le chemin qu'il reste à parcourir avant d'arriver à l'acceptation par tous du rôle de l'homme marocain dans le foyer, pas uniquement en tant que patriarche, mais aussi en sa qualité de partenaire. Bassima Hakkaoui Ministre de la Solidarité, de la femme et du développement social Le taux de candidatures féminines est inférieur à 10% Les ECO : Pouvez-vous nous donner la cartographie féminine des nominations dans les hautes fonctions ? Bassima Hakkaoui : Vous savez, sur 245 nominations, les femmes n'ont décroché que 27 postes. Ce qui représente un taux de 12% en moyenne. Sachant, par ailleurs que le taux des candidatures féminines ne dépasse pas les 10%, je considère que le gouvernement a fait de son mieux pour arriver à ce taux réel de représentativité des femmes dans les hautes fonctions, qui est de 12%. L'exemple des secrétaires généraux des ministères est assez probant. Sur les 10 nouveaux secrétaires généraux, 2 sont des femmes, ce qui porte le taux à 20%. Nous avons aussi 12 femmes dans les postes de nouveaux directeurs dans les différents départements et 86 pour les hommes. Au sein de mon département et concernant la nouvelle direction de la femme qui vient d'être créée, la donne est différente. Il y a eu autant de candidatures masculines que de candidatures féminines, soit 16 pour chaque catégorie. Le premier tri a permis de choisir 7 femmes. Ce qui montre que lorsque les candidatures féminines sont nombreuses, les femmes ont plus de chance de prétendre aux postes élevés. En tout cas, nous avons l'ambition de porter la représentativité des femmes dans les hautes fonctions à 22% en 2014. Comment expliquez-vous qu'il y ait moins de candidatures émanant des femmes ? Une étude du ministère de la Fonction publique a montré que le mariage impacte le rendement de la femme au travail. Ses responsabilités au sein du ménage l'obligent à privilégier le foyer. Vous savez, la plupart des femmes qui sont dans les postes à responsabilités n'ont pas d'enfants. Par ailleurs, la femme doit fournir plus d'efforts pour prétendre à la promotion. Je pense que les hommes doivent aussi aider leurs femmes dans leur vie familiale. Je lance un appel aux femmes pour qu'elles se dotent de plus de courage et aient l'ambition d'obtenir de grandes responsabilités.