Les derniers résultats du recensement général de la population en 2014 montrent les prémices d'une transition de nuptialité qui pourrait avoir pour effet d'augmenter le nombre de naissances par femme, après plus de 10 ans de baisse continue. Si ce phénomène s'opère, le Maroc vivra le même retournement que tous ses voisins maghrébins. Parmi les chiffres du recensement 2014 révélées hier, mardi 14 octobre, par le HCP il y en a un qui a visiblement laissé perplexes les statisticiens : l'âge des Marocaines au premier mariage. Contre toute attente, les Marocaines se marient de plus en plus tôt. «Globalement, l'âge au premier mariage féminin a diminué de 26,3 ans à 25,8 ans entre 2004 et 2014», a annoncé Ahmed Lahlimi Alami, Haut commissaire au Plan. En parallèle le HCP a fait d'autres constats qui vont dans le même sens. «La proportion de célibataires a diminué, parmi les hommes de 45,7% en 2004 à 40,9% en 2014 et parmi les femmes de 34% à 28,9% respectivement, et ce en faveur des mariés dont la part a augmenté de 53% à 57,3% parmi les hommes et de 54% à 57,8% parmi les femmes», a-t-il révélé. Transition de la nuptialité «La proportion de célibataires est moins importante qu'avant, les mariages sont plus nombreux et l'âge au mariage des filles se réduit, donc on devrait logiquement voir le taux de fécondité raugmenter, pourtant il s'est stabilisé depuis 2002», remarque Jamal Bourchachen, secrétaire général du HCP. Il a même encore baissé, passant de 2,5 à 2,2 enfants par femme entre 2004 et 2014. La «transition de la nuptialité» que constate Jamal Bourchachen pourrait alors avoir un effet à l'avenir sur la fécondité, qui n'aurait pas encore été constaté ; «d'autant plus que le niveau de contraception (67%) est déjà élevé. On le voit mal limiter les effets de cette nuptialité», remarque-t-il. La transition démographique qui devait s'achever avec la stabilisation du taux de fécondité autour du seuil de renouvellement des générations sera-t-elle bouleversée ? Ce retournement de tendance qui interrogent les démographes et statisticiens du HCP a été clairement constaté dans les autres pays du Maghreb, même si beaucoup d'analystes s'attachent encore à la théorie de la transition démographique. En Algérie, le nombre d'enfants par femme n'a cessé d'augmenter depuis 2000 «L'Algérie, comme la Tunisie et le Maroc, est en voie d'achever sa transition de fécondité, malgré une remontée ces dernières années selon l'état-civil : 2,2 en 2002 puis 2,8 en 2008, au-dessus de 3 en 2012 pour redescendre à 2,93 en 2013», assure ainsi le démographe franco-algérien Kamel Kateb, en juillet 2014, dans une tribune intitulée «Moins d'enfants pour l'Algérie : La transition démographique s'achève». Il reproduit pourtant dans sa tribune un graphique qui montre au contraire une nette augmentation de la fécondité à partir des années 2000 en Algérie. Dans ce pays, si le nombre d'enfants par femme est passé de 4,5 à 2,4 entre 1990 et 2000, il n'a cessé d'augmenter depuis, pour atteindre, en 2014 3,03 enfants par femme. En Tunisie, le phénomène, s'il existe, est plus difficile à mesurer puisque le dernier taux de fécondité connu date de 2011 et s'établit à 2,2 enfants par femme tandis que le dernier recensement de 2014 n'en fait pas état. «En Tunisie, la baisse de fécondité s'est arrêtée il y a cinq ou six ans. Ces réalités sont parfaitement méconnues car les bases de données statistiques utilisées aux Nations unies ne sont pas à jour», indique cependant le démographe français Philippe Fargues, dans une interview à Atlantico. Le taux d'activité des Marocaines baissent En Egypte, le nombre d'enfants par femme est passé de 3 en 2005 à 3,5 en 2014, selon les statistiques nationales relevées par le démographe français Youssef Courbage en juillet 2015 dans une tribune intitulée «Egypte, une transition démographique en marche arrière», parue sur Orient XXI. Parallèlement, l'évolution à la hausse du taux de natalité ne laisse aucune place au doute. Comment expliquer alors cette inversion de tendance qui date déjà de plusieurs années mais qui est passée largement inaperçue ? Youssef Courbage fait une hypothèse. «La baisse de la fécondité pourrait n'être qu'éphémère si, munies d'un bagage éducatif, les femmes ne trouvaient pas à s'employer sur le marché du travail dans le secteur organisé (non informel). Elles seraient tentées de renoncer à chercher un emploi, gagnées par le découragement. C'est bien le cas en Egypte», écrit-il en juillet. Est-ce aussi celui du Maroc ? La récente évolution de la nuptialité pourrait-elle trouver là son origine ? De fait, le taux d'activité des femmes a baissé, passant de 17,6% des femmes à 14,7% entre 2004 et 2014.