Suite aux rafles de Subsahariens à la fin de semaine dernière pour les expulser, un Congolais de 40 ans, père de deux enfants, est mort à l'hôpital Mohamed V de Tanger. Un adolescent aurait aussi été tabassé, et 5 demandeurs d'asile avec deux bébés ont été placés dans un centre à Berkane. Le Congolais qui aurait été poussé à travers la fenêtre d'un bus en marche par des policiers, selon les témoignages des autres passagers, est mort. «Nous nous sommes rendus, avec son épouse arrivée d'Espagne à l'hôpital avant-hier [mardi 30 juillet, à l'hôpital Mohamed V de Tanger, ndrl] pour voir Toussaint. On nous a fait attendre un long moment, puis un vigile est venu nous voir et nous a dit que notre frère était mort», raconte Moussa*, l'un de ses amis. Mercredi 24 juillet Toussaint avait été arrêté avec 13 autre Congolais et Sénégalais, à Tanger pour être expulsé via Oujda. Pendant le trajet, les immigrés furieux se révoltent et des coups sont échangés avec les policiers. «Pendant la bagarre, sur l'autoroute au niveau d'Asilah, un policier est venu à côté d'un Congolais et l'a poussé, il est passé par la fenêtre et il est tombé sur la route alors que le bus roulait à pleine vitesse !», raconte Moussa. Amené rapidement à l'hôpital Mohammed V de Tanger, il avait été placé en réanimation. «Quand nous l'avons vu, le lendemain de son accident, ils lui avaient mis pleins de tubes partout, mais j'ai bien remarqué : il ne respirait plus», soutient-il. 3 morts depuis janvier Depuis, ces amis cherchent à obtenir un certificat de décès, mais «le commissariat nous renvoie à la gendarmerie, la gendarmerie nous demande une attestation de l'hôpital qui nous demande d'aller voir le procureur», raconte Moussa. «Dans ce type de situation, une enquête doit en principe êre ouverte», précise Aminata Tagni, chargée de suivi juridique au GADEM, association de défense des droits des migrants. Père de 2 enfants, âgés de 40 ans, vraisemblablement en situation régulière, venu à Tanger pour aider un ami, Toussaint serait le troisième Subsaharien connu à mourir dans le cadre de la lutte du Maroc contre la migration irrégulière. En février, déjà, Papi, un Camerounais, était décédé dans une course poursuite avec la police dans la forêt de Gourougou, près de Mélilia. En juin, Clément était également mort des suites des coups des polices espagnoles et marocaines et d'absence de soins, selon ses compagnons d'infortune. «A notre connaissance, le corps est toujours à la morgue. L'un des membres d'ALECMA se rendra au Cameroun dans quelques semaines et pourra rencontrer sa famille», indique Eric William, membre de l'association de migrants ALECMA. Un adolescent passé à tabac Après les rafles de fin de semaine dernière, la pression sur les Subsahariens ne s'est pas atténuée. «Dimanche, j'ai été expulsé à Oujda. Je ne suis revenu qu'hier.», affirme Mohamadou* que la police était déjà venue chercher chez lui, mardi dernier, avant de renoncer à le refouler à la frontière. A Boukhalef, «les gens ont peur, des militaires se sont installés dans les universités à proximité, la police est revenue plusieurs fois. A présent, les gens vont dormir dans la forêt avoisinante pour ne pas être pris», raconte-t-il. Dans la forêt de Selouane près de Nador, les forces de l'ordre sont venues chasser les migrants, vers 6 heures du matin, le 27 juillet 2013. «L'Eglise catholique de Tanger nous a rapporté le cas d'un mineur passé à tabac par la police dont la situation devient alarmante car il doit rester cacher dans la forêt pour échapper à la police», précise Aminata Tagni. Le lendemain, lors d'une nouvelle rafle, 147 personnes ont été arrêtées et refoulées, selon l'AMDH. Un centre de rétention à Berkane ? Personne n'est épargné : 5 demandeurs d'asile, dont des femmes et deux bébés de moins d'un an ont été arrêtés et sont actuellement au centre de Berkane, selon le HCR. «C'est la première fois que nous entendons parler d'un centre et il en existerait au moins un autre. Nous ne savons pas s'il s'agit d'un centre fermé ou non, si les personnes qui s'y trouvent sont libres d'en partir, si nous pouvons leur rendre visite...», explique Marc Fawe, responsable des relations extérieures du HCR Rabat. Selon la convention de Genève relative au statut des réfugiés et ratifiée par le Maroc, les réfugiés ne doivent pas être retenus par les autorités de leurs pays d'accueil, mais rien n'est spécifié pour les demandeurs d'asile. «Le Comité exécutif du HCR dans une décision officielle invite cependant fermement les pays à ne pas arrêter les demandeurs d'asile», précise Marc Fawe. Certains pays, en Europe, comme la Belgique font toutefois fi de cette recommandation et enferment dans certaines conditions des demandeurs d'asile. En dépit des révélations faites par plusieurs associations des droits de l'homme, le ministère nie en bloc. «Le Ministère de l'Intérieur a rejeté les informations relayées par certains organes de presse selon lesquelles les autorités marocaines auraient fait preuve de brutalité et de violation des droits de l'Homme, en procédant à des arrestations abusives d'immigrés clandestins et à des refoulements arbitraires, notamment de femmes enceintes et de mineurs lors de plusieurs opérations de reconduite aux frontières menées dernièrement au niveau des villes de Tanger, Oujda, Nador, Al Hoceima et Ksar el Kebir», indique-t-il dans un communiqué. Si le ministère assure que «l'action des services de sécurité dans le cadre de leur lutte contre la migration illégale est strictement encadrée par la loi», il ne livre aucune information concernant les expulsions massives de migrants ayant eu lieu en fin de semaine dernière pour corriger les données, les témoignages et les chiffres des associations.