Depuis des décennies, l'Algérie tente vainement de convaincre la Palestine de soutenir sa position sur le conflit du Sahara occidental, en faisant notamment le rapprochement erroné avec le principe d'autodétermination. Au fil de plusieurs décennies, les dirigeants en Algérie ont multiplié les manœuvres pour associer la cause palestinienne à la question du Sahara, afin d'attirer l'attention sur ce différend régional qui dure depuis les années 1970. Tant de fois, ils ont également œuvré à réunir les circonstances pour faire rencontrer des représentants palestiniens avec des cadres du Front Polisario, de façon à ce que ce dernier obtienne un soutien en sa faveur. Cependant, ces actions sont restées vaines, d'autant que la Palestine a toujours observé la neutralité quant au conflit entre le Maroc et l'Algérie. Depuis l'état de siège imposé par Israël sur la bande de Gaza, le 9 octobre 2023, l'Algérie a tenté une nouvelle fois d'exploiter la situation, en organisant une rencontre entre le représentant du Polisario en Algérie et son homologue du Front populaire de libération de la Palestine. Malgré sa présence au comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), le Front n'est pas doté d'un poids décisionnel central dans la politique palestinienne. En définitive, l'Algérie n'a réussi à pousser les factions palestiniennes actives ni à établir des relations avec le mouvement séparatiste, ni à officialiser des positions hostiles à l'intégrité territoriale du Maroc. A l'exception du Front populaire de libération de la Palestine, qui connaît un déclin important qualifié par certains de «mort cérébrale», l'Algérie n'a ainsi pas pu tenir aucune rencontre entre le Front et les différentes tendances politiques palestiniennes. Un succès algérien éphémère Les tentatives algériennes d'impliquer la Palestine dans le conflit du Sahara remontent à des décennies. En 1987, Alger a profité de la réunion du Conseil national palestinien qu'elle a accueilli cette année-là, pour imposer la présence du chef du Polisario comme un fait accompli. Dans son discours, le défunt leader du Polisario, Mohamed Abdelaziz a comparé les Marocains aux sionistes, devant Yasser Arafat. Plus tôt, ce dernier a pourtant affirmé à une délégation marocaine, conduite par le conseiller du roi Hassan II (1962 - 1999) Ahmed Bensouda, que le chef du front séparatiste ne serait pas présent. Hassan II a répondu à travers un discours fort, dans lequel il a déclaré avoir «donné l'ordre» à tous les représentants marocains, «officiels ou non, ceux des partis politiques et d'autres organismes», de «quitter les lieux» au cas où ils participent à une rencontre internationale «et qu'un Palestinien parle de la Palestine». Les choses sont peu à peu rentrées dans l'ordre, après que Yasser Arafat a tenu à se rendre au Maroc pour rencontrer le roi Hassan II et l'informer des derniers développements de la question palestinienne. Après la signature des accords d'Oslo entre l'OLP et Israël, en septembre 1993, puis l'annonce de la création de l'Autorité nationale palestinienne, les responsables en Palestine se sont tenus à la même distance du Maroc et de l'Algérie, de manière à ne pas interférer dans le dossier du Sahara. Le Hamas refuse de traiter avec le Polisario Au fur et à mesure des décennies, de nouvelles factions ont par ailleurs vu le jour en Palestine, notamment le Mouvement de résistance islamique Hamas, en 1987. Au début des années 2000, l'instance s'est renforcée, au point de devenir l'une des plus grandes factions palestiniennes qui comptent dans l'échiquier politique. Le Hamas remporte les élections législatives et en 2007, il entre dans un conflit armé direct avec son principal adversaire politique, le mouvement Fatah, avant de finir par avoir le contrôle sur la bande de Gaza. En 2016, l'Algérie a tenté d'impliquer le Hamas dans la question du Sahara, à travers le Front populaire de libération de la Palestine, qui a écrit au ministère palestinien de l'Intérieur à la bande de Gaza, affilié au Hamas, pour lui permettre d'établir une «coalition palestinienne», sous forme de comité de «solidarité avec le peuple sahraoui». Le Hamas a choisi de répondre par une déclaration officielle diffusée aux médias. Il y a insisté sur l'interdiction de mener «toute action sous cette bannière ou toute initiative liée de quelque manière que ce soit à une activité dans ce sens», sous peine que son ou ses auteurs aient à «assumer leur responsabilité» en conséquence. Les responsables du Hamas ont exprimé vigoureusement leur refus d'impliquer les Palestiniens dans le conflit du Sahara. Salah Bardawil, cadre dirigeant au sein du mouvement, a déclaré que ce dernier, ainsi que sa branche de résistance prenaient leurs «distances de tout conflit arabo-arabe». «Nous ne nous le permettons pas et nous n'avons pas assez de temps pour de telles choses», a-t-il tranché. «Nous n'autorisons pas et nous n'avons pas une telle tendance à Gaza. Nous n'avons aucune association ou comité portant ce nom. C'est un non-sens et cela n'existe pas du tout.» Salah Bardawil, cadre dirigeant du Hamas En 2018, le mouvement a pris ses distances encore une fois, après qu'un drapeau du Front Polisario a été levé dans la bande de Gaza. «Nous ne devons pas nous arrêter à certaines actions individuelles que notre mouvement rejette et qui n'ont rien à voir avec le Hamas», a alors déclaré le porte-parole officiel, Sami Abu Zuhri. «Le mouvement Hamas tient à maintenir de bonnes relations avec toutes les parties arabes, à ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures des Etats et à ne s'associer à aucun des différends entre un pays et un autre.» Sami Abu Zuhri, porte-parole officiel du Hamas L'incident d'El Guerguerat et la Palestine Après l'intervention de l'armée marocaine à l'extrême sud du pays pour sécuriser le trafic routier des marchandises au point frontalier d'El Guerguerat, en novembre 2020, et d'expulser les milices du Polisario qui y ont obstrué le passage, l'Algérie a tenté une nouvelle fois d'impliquer la Palestine dans le conflit du Sahara. Par le biais des médias proches de son cercle de pouvoir, le voisin de l'Est a diffusé des déclarations attribuées à des représentants Palestiniens. Ainsi, l'ambassadeur en Algérie a «désavoué» une sortie précédente de son collègue ambassadeur de Palestine à Rabat. Le gouvernement palestinien est alors intervenu, par l'intermédiaire de son ministère des Affaires étrangères et des expatriés. «A la lumière des déclarations rapportées par certains médias et attribuées aux ambassadeurs de l'Etat de Palestine au royaume frère du Maroc et de la république populaire démocratique sœur de l'Algérie, l'Etat de Palestine affirme sa position traditionnelle et ferme, à savoir de ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures des pays arabes frères. Toute déclaration contraire à cette ligne n'est pas représentative», a indiqué un communiqué de la diplomatie palestinienne. Les tentatives algériennes de cooptation de la partie palestinienne ne se sont pas arrêtées là. Elles se sont même intensifiées, après la signature de l'accord de normalisation entre le Maroc et Israël, en décembre 2020. Cependant, les dirigeants palestiniens ont continué à opter pour garder leurs distances du différend du Sahara.