A la faveur des réactions des factions palestiniennes contre l'accord militaire entre le Maroc et Israël, l'Algérie tente un retour sur la question palestinienne. Un terrain où Rabat et Alger s'affrontent depuis des années. La question palestinienne est un enjeu d'influence entre le Maroc et l'Algérie depuis de nombreuses années, et jusqu'à aujourd'hui. En témoigne, la promesse d'un soutien financier de 100 millions de dollars à l'Autorité palestinienne faite, hier, par le président Abdelmadjid Tebboune, ainsi que son projet de réunir les factions palestiniennes à Alger dans le cadre d'un «congrès de réconciliation». Une lutte maghrebine qui a commencé il y a pres d'un demi-siècle. En effet, c'est au sommet arabe de Rabat, en octobre 1974, que les chefs d'Etats arabes ont reconnu, grâce au concours du roi Hassan II, l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP), comme représentant légitime du peuple palestinien. A l'issue de ce conclave, le gouvernement marocain a même imposé une taxe sur les billets de cinéma et les cigarettes pour assurer le financement de l'OLP. Depuis, les liens personnels entre Hassan II et Yasser Arafat se sont raffermis. Le Palestinien commence alors à mettre en sourdine l'option révolutionnaire au profit d'une solution politique avec Israël. Cette entente avec le défunt roi n'était pas pour autant un long fleuve tranquille, quelques brouilles publiques viendront ponctuer les relations. L'une d'elles remonte à 1986, lorsque le chef de l'OLP rallie le camp des dirigeants de la région (le colonel Kadhafi et le président syrien Hafez El Assad) ayant condamné la visite au Maroc effectuée par le Premier ministre israélien Shimon Perez, en juillet 1986. La création de l'Etat de Palestine est proclamée à Alger Après le départ, en 1982, de l'OLP de Beyrouth vers Tunis, l'Algérie a commencé à accueillir des sessions du conseil national de l'organisation palestinienne. En novembre 1988, c'est depuis Alger que Yasser Arafat proclame la création de l'Etat de la Palestine. Un événement majeur dans l'histoire de l'OLP. Néanmoins cette proximité avec l'Algérie a causé la plus grave rupture des relations entre le groupe d'Arafat et le royaume. Au conseil national de l'OLP en 1987, l'Algérie a réussi à imposer la présence du Polisario, parmi les mouvements de libération invités à la grande messe des révolutionnaires. Pire, Mohamed Abdelaziz a pris la parole devant les participants, fustigeant «l'occupation par le Maroc du Sahara occidental», et n'hésitant pas à la comparer «à la colonisation israélienne de la Palestine». Yasser Arafat écoutait impuissant le discours de cet hôte encombrant. Pourtant, quelques jours auparavant, il avait promis à une délégation marocaine conduite par Ahmed Bensouda, le conseiller de Hassan II, et une vieille connaissance d'Arafat, que le chef du Polisario ne sera pas sur la liste des conviés au conseil national. Colère immédiate du monarque qui prononce un discours radical, le 21 avril 1987. «A partir d'aujourd'hui, tous nos représentants, officiels et non officiels, ont reçu l'ordre ne plus assister à des réunions où des Palestiniens parleront au nom de la Palestine», avait ordonné Hassan II. Avec Mohammed VI, priorité à l'humanitaire Sous le règne de Mohammed VI, le Maroc a opéré une remise en question de son soutien aux Palestiniens, préférant agir sur le terrain humanitaire au profit de citoyens palestiniens et non plus au service des intérêts des responsables des entités politiques. C'est dans le cadre de cette nouvelle stratégie que s'inscrit, notamment, le déploiement d'hôpitaux de campagne militaire à Gaza en 2012, 2018, 2020, et le financement d'un hôpital spécialisé à Gaza inauguré en août 2021. Le royaume a également financé la construction de la faculté Hassan II à Gaza. L'Agence Bayt Mal Al-Qods Asharif, créée en 1998, est le bras humanitaire du Maroc pour déployer ses actions au profit des habitants de la Ville sainte. En revanche l'ouverture de Rabat sur les factions palestiniennes est restée timide à l'exception d'une initiative, en 2012, menée par Ilyas El Omari, alors l'homme fort du PAM, pour réunir des représentants du Fatah et du Hamas au Maroc. Une entreprise qui s'est révélée non-concluante. Par ailleurs et à la faveur de la présidence du PJD du gouvernement, le Maroc avait accueilli, en décembre 2017, l'ancien chef du bureau politique du Hamas, Khalid Mechaal. Son successeur Ismail Haniyeh a été traité avec égards lors sa visite au royaume en juin dernier. Un déplacement effectué seulement sept mois après la reprise des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël. Justement c'est sur ce rapprochement Maroc-Israël que la «nouvelle Algérie» du tandem Chengriha-Tebboune parie pour rallier des Palestiniens dans sa guerre contre le Maroc. Dans la nouvelle configuration maghrébine, la cause palestinienne a la particularité d'être à la fois un levier régionale mais aussi interne dans chacun des deux pays.