En ouverture du Préforum international des droits de l'Homme (17-18 février 2023) à Rabat, la présidente du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), Amina Bouayach a eu des critiques à l'égard des pays occidentaux, en matière de protection des migrants. Dans son discours, elle a mentionné notamment le déphasage entre les principes universels et les pratiques. La présidente du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), Amina Bouayach a ouvert les travaux du Préforum international des droits de l'Homme par un discours adressé principalement aux nations du Sud, ce vendredi matin à Rabat. Lors de cette rencontre qui s'étend sur deux jours, une cinquantaine de pays d'Afrique et d'Amérique latine se réunissent, en préparation du troisième Forum mondial des droits de l'Homme, prévu en mars prochain à Buenos aires (Argentine). En attendant ce rendez-vous, les participants au préforum sont appelés à formuler des recommandations qui devront être portée au Forum mondial. Dans ce cadre, ils échangent à Rabat autour de trois axes : la justice transitionnelle et la mémoire, la migration et les mobilités, ainsi que le changement climatique. Dans son allocution, Amina Bouayach a rappelé que ces thématiques étaient «extrêmement interdépendantes» pour les deux continents. «Les pays dits 'émergents' peuvent beaucoup apporter à ce débat, comme l'ont montré les rencontres lors de la préparation du Pacte mondial de la migration, ou lors de son adoption à Marrakech», a-t-elle déclaré. Dans ce sens, Amina Bouayach a adressé ses critiques aux pays du Nord, en matière de protection des droits humains dans la gestion internationale des migrations, surtout au cours de dernières années. Elle a estimé qu'il était «d'ailleurs préoccupant de voir qu'aucun pays 'occidental' n'a ratifié la Convention internationale de protection des migrants et de leurs familles, alors que nos pays se soumettent volontairement à l'examen et à l'évaluation universelle, comme si une certaine couleur de peau ou une certaine croyance religieuse dictait la dignité de l'Humain ou prédisposait à une certaine injustice innée». «Au moment où certaines démocraties dites traditionnelles usent des droits humains comme armes dans d'obtus jeux politiques, trahissant leur essence même, nous avons choisi de dialoguer dans un conclave à haute symbolique morale.» Amina Bouayach Un rappel du passé colonial en Afrique et en Amérique latine La présidente du CNDH a, par ailleurs, dit «un mot sur ce qui nous rassemble ici». «Malgré la distance géographique, la différence de langue et de culture, nous avons une histoire commune et partagée», a-t-elle insisté, rappelant que «d'abord, nous partageons le statut d'anciennes colonies, avec toutes les répercussions économiques, politiques et sociales de cette période douloureuse». «Ensuite, nos trajectoires en matière de consolidation de l'Etat de droit se recoupent. Les 'démocraties émergentes', comme désignées par certains, partagent, pour beaucoup d'entre elles une dynamique de construction similaire : un passé lourd des violations graves des droits de l'Homme, une expérience unique de justice transitionnelle, une contribution remarquée à la Jurisprudence internationale en matière de réparation et de garantie de non répétition, une dynamique inégalée de leurs sociétés civiles», a ajouté Amina Bouayach. Pour les défenseurs des droits humains, «l'appartenance au Pays du Sud est une fierté», selon la présidente du CNDH. «Nous avons fait ce chemin et nous nous devons de protéger la mémoire de ces victoires, tout en étant conscients des défis qui nous attendent», a-t-elle souligné. «Notre contribution à la conception et à l'élaboration des normes et valeurs universelles n'est pas un incident d'étape, il est bien la tracée de nouveaux chemins, NOS chemins, vers l'Etat de droit.» Amina Bouayach La responsable a par ailleurs considéré qu'au Maroc, «comme dans beaucoup d'autres pays», on est «à l'étape d'implémentation d'une horizontal accountability / responsabilidad horizontal, pour user des termes du penseur Argentin Guillermo O'Donnell». En d'autres termes, «après une première étape de construction des procédures et cadres généraux – des élections libres et transparentes, une constitution démocratique, une justice indépendante – nous en sommes à l'étape de construction institutionnelle, en un réseau efficient qui puisse évaluer, avertir et intervenir lorsqu'une violation des droits fondamentaux des citoyens advient ou est susceptible d'advenir», a déclaré Amina Bouayach.