«Je t'aime, je ne veux pas me séparer de toi, mais je suis pas encore prêt pour aller chez un adoul». Et hop ! On aménage ensemble. Au jour d'aujourd'hui, les chiffres exacts concernant le concubinage au Maroc n'existent pas. Mais son avancée est certaine. Bien que la pratique soit interdite tant du point de vue juridique que religieux, cela n'intimide pas les couples qui décident de vivre à deux sans se passer officiellement la bague au doigt. Sur la question du concubinage, la loi marocaine est on ne peut plus claire. Le code pénale dans son article 490 stipule que «sont punies de l'emprisonnement d'un mois à un an, toutes personnes de sexe différent qui, n'étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles». A côté de la législation, il y a la religion. L'Islam interdit les relations sexuelles hors mariage qui sont considérés comme étant un péché : la fornication pour les célibataires et l'adultère pour les mariés. Mais ces principes, de plus en plus de Marocains sont prêts à le braver pour plusieurs raisons et l'amour en serait la principale. «C'est l'amour d'abord qui fait que l'on ne veut pas se séparer», affirme la sociologue, universitaire et écrivaine, Soumaya Naamane Guessous, dans une interview accordée à l'Economiste. C'est le cas de Marwan et Soundous qui vivent ensemble depuis deux ans à Marrakech. Ils se sont rencontrés sur les bancs de l'université à Paris où ils concubinaient déjà. Mais, «aucun de nous deux n'a senti le besoin de se passer la corde au cou», confie Soundouss à la même source. En outre, certains couples vivent en concubinage par manque de moyens suffisants pour organiser le mariage. En effet, se marier au Maroc peut coûter entre 70 000 et 100 000 dirhams. Et pour ceux qui démarrent leur carrière, ce n'est pas toujours évident. Ali est commercial et Nabila est infirmière. Assumer un mariage comme il se doit, ils n'en ont pas encore les moyens. Pour l'instant, ils se contentent de vivre leur idylle, qui a commencé par un coup de foudre à Casablanca depuis plus d'un an. Par ailleurs d'autres considèrent cette période comme une préparation au mariage, de sorte à mieux se connaitre avant de franchir le cap de l'engagement définitif. C'est le cas d'Adil qui s'y est prêté pendant une année avant de se marier. Pour lui, «le concubinage est une sorte de période d'essai, avant de passer à un CDI». Il faut dire que même si la chose est une réalité, le concubinage n'est pas encore rentré dans les mœurs. La majorité des Marocains condamnent cet acte, qui reste mal vu. Ainsi, les concubins en général, «font croire qu'ils sont mariés pour éviter les problèmes avec le voisinage», explique la sociologue. Pour passer inaperçus, Ali et Nabila «graissent la patte de temps en temps» au moukaddem. La gangrène de la classe ouvrière Mais en milieu modeste, pas forcément besoin de porter le masque. «La notion de mariage n'existe pas dans le bidonville où je vis. Chacun vit avec qui il veut» confie Aziza à l'Economiste. Selon Mme Naamane Guessous, le concubinage, contrairement aux a priori, «est nettement plus présent au sein des classes les plus démunies en particulier en milieu ouvrier». Ici, les raisons sont principalement d'ordre économique et ce sont très souvent les jeunes qui y sont contraints, indique la sociologue. Très souvent venues des milieux ruraux, elles perçoivent des revenus en dessous du SMIG qui devrait leur permettre à la fois de subvenir à tous leurs besoins et charges personnels et de soutenir la famille restée à la campagne, explique le professeur Guessous. Les étudiants aussi s'y mettent Par ailleurs, une autre catégorie de plus en plus touchée est celle des étudiants. Et même cela est très mal accepté par la société, le fait serait beaucoup plus le commun des jeunes issus de la classe aisée, surtout quand ils vont étudier dans une autre ville ou à l'étranger. «Il existe une infime minorité de parents qui peuvent accepter le concubinage de leur enfant. Souvent cela se fait en cachette du reste de la famille», souligne la sociologue. Le phénomène est donc bien là au sein de la société et touche toutes les couches. Au vue de son avancée, il serait tant que les autorités mènent une étude approfondie sur le concubinage au Maroc. D'autant que 46%, soit près d'un sur deux bébés aujourd'hui, est issu d'une relation hors mariage, selon l'association Solidarité féminine. S'agit-il uniquement des bébés nés des «relations d'un soir» ? L'AMDH a demandé en juin dernier, l'abrogration de l'article 490 condamnant les relations sexuelles hors mariage. Mais le gouvernement Benkirane s'oppose à une telle mesure.