La diplomatie algérienne est en train de subir un brutal déclassement. Le pays qui avait été baptisé «La Mecque des révolutionnaires», sous le règne de Houari Boumediène, s'est enfermé dans ses propres contradictions. Edito. La présidence fantôme des 3e et 4e mandat de Abdelaziz Bouteflika et l'amateurisme de la présidence Abdelmadjid Tebboune ont conduit la politique algérienne dans un cul-de-sac. En plus de la «mutinerie politique» censée donner un semblant de réponse au Hirak populaire depuis 2019, la politique étrangère de la République démocratique et populaire court comme un coq sans tête. Le pays qui faisait sienne les causes révolutionnaires à travers le monde doit désormais composer avec les alliances et la realpolitik. Ainsi la cause de la minorité musulmane ouïghoure en Chine a été ignorée par le pouvoir algérien. En juillet 2019, Alger avait co-signé avec 36 autres capitales (Moscou, Pyongyang…), une déclaration de soutien de Pékin à l'ONU contre les accusations de camps d'internement des Ouïghours dans le Xinjiang. Deux causes musulmanes continuent d'avoir les faveurs de l'Algérie : la Palestine et le Polisario. Pour la Palestine, le soutien est plus de l'ordre de la posture politique, à l'instar de nombreux pays arabes. Pour le Polisario et les Sahraouis de Tindouf, le soutien est total : diplomatique, financier et militaire. Au point où l'engagement du pouvoir algérien en faveur de ses protégés se fait au détriment des intérêts de l'Algérie et de son peuple. Alger confirme son statut de partie au conflit au Sahara Il en est ainsi de la dernière réaction diplomatique irréfléchie d'Alger contre la décision -pourtant souveraine- de Madrid de soutenir le plan d'autonomie au Sahara proposé par le Maroc. Le principe de non ingérence de l'Algérie dans les décisions souveraines des pays a volé en éclats. Rupture des liens diplomatiques, menace sur les livraisons de gaz via le gazoduc Medgaz, restriction sur les vols et liaisons maritimes avec l'Espagne. Mais loin d'être intimidée, Madrid a confirmé son soutien au Maroc, provoquant l'ire du pouvoir algérien qui a rompu l'accord d'amitié et ordonner à ses banques de geler les opérations extérieurs entre les deux pays. Cette improvisation et mesures inédites ont conduit l'Algérie dans un cul-de-sac, puisque l'Espagne étant membre de l'Union européenne, Bruxelles est montée au créneau, dénonçant une atteinte grave à l'accord d'association Algérie-UE. L'UE a même menacé Alger de mesures de rétorsion si aucune solution n'est trouvée pour régler le contentieux. La diplomatie algérienne a ainsi dû rapidement rétropédaler prétextant une incompréhension ou de fausses rumeurs véhiculées concernant les mesures commerciales. Cet amateurisme politique n'est pas le premier signe de fébrilité du pouvoir algérien. On se souvient des accusations fallacieuses visant le Maroc suite aux incendies dramatiques en Kabylie, celles concernant la mort de civils algériens qui auraient été visés par un drone des Forces armées royales (FAR) et qui n'ont pas été prises au sérieux par l'ONU, ou sur un volet plus comique, les accusations sur la corruption d'un arbitre par le Maroc pour que les Fennecs ne puissent pas décrocher leur ticket pour la Coupe du monde de football. Mais au-delà de ce qui ressemble plus à une panique politique qu'à une stratégie diplomatique, Alger est en train de prouver aux yeux du monde, qu'elle n'est plus un allié fiable. Elle confirme également la position du Maroc qui clame depuis le début que le conflit sur le Sahara occidental est en réalité un conflit entre Alger et Rabat. La position du pouvoir algérien a toujours été l'affirmation de son soutien aux peuples désirant s'autodéterminer, et qu'il n'a jamais été partie au conflit opposant le Polisario au Maroc. Bien qu'il finance, soutien et arme ce groupe séparatiste qui lance des attaques militaires contre le royaume depuis le territoire algérien. Brahim Ghali et Abdelmadjid Tebboune / DR Fort avec Madrid, faible avec Berlin et Washington Les derniers coups de menton de l'Algérie contre l'Espagne prouve bien que la cause du Polisario est un «casus belli», une raison pour couper tout lien politique et décider des mesures de rétorsions commerciales inédites. On pourra dire que le Maroc aussi a fait du Sahara un enjeu central pour sa diplomatie, n'hésitant pas à rompre les liens diplomatiques avec l'Allemagne ou l'Espagne par exemple. Mais Rabat n'a jamais prétendu le contraire, gardant ainsi une cohérence politique aux yeux du monde. Alger quant à elle a tenté de reproduire le coup de poing sur la table qui a réussi au Maroc face à l'Espagne, en s'enfonçant dans l'irrationalité. Etonnement, l'Allemagne qui a également pris position en faveur du plan d'autonomie du Sahara proposé par le Maroc, n'a pas connu pareil traitement par Alger. Abdelmadjid Tebboune soigné chez les Teutons n'a peut être pas envie d'être persona non grata si jamais un nouveau pépin de santé survient à l'avenir. Mais que dire alors des nombreux pays ayant ouvert un consulat à Laayoune ou Dakhla reconnaissant ainsi la souveraineté fu Maroc sur tout le territoire ? Motus et bouche cousue à Alger. Et Washington qui a reconnu la marocanité du Sahara occidental sous Donald Trump, maintenant cette reconnaissance sous Joe Biden ? Là aussi, le président Tebboune n'a pas osé rappelé son ambassadeur, ou tenté de hausser le ton avec l'Oncle Sam. Face au désarroi politique interne comme externe, Abdelmadjid Tebboune tente de renouer les anciennes alliances. Dans une scène internationale qu'il ne comprend pas, il se racroche aux fondamentaux de la politique algérienne en se rapprochant de Vladimir Poutine, en faisant ami-ami avec le président iranien, en déroulant le tapis rouge au ministre des Affaires étrangères chinois, ou en invitant Nicolas Maduro à Alger. Fidel Castro étant décédé, il ne lui reste plus qu'à organisé un voyage officiel à Pyongyang pour tenter de renouer les alliances de la Guerre froide ; le président-tacticien de la «contre khota» se rêve en Boumédiene de l'Algérie Nouvelle. Mais entre-temps, la «Mecque des révolutionnaires» s'est transformée en cul-de-sac pour les généraux.