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Marché marocain des carburants au quatrième trimestre 2024 : le décrochage entre les cotations internationales et les prix de vente sur le marché intérieur n'a jamais été si indécent
Bien que les prix à la pompe soient libres, la formule de calcul du prix final demeure peu lisible pour le consommateur. Un rapport officiel indique que les sociétés fixent des prix de cession aux gérants, lesquels ajoutent une marge détaillant pour constituer le prix à la pompe. Or, ce mode de fixation, couplé à la volatilité des cotations internationales et aux frais annexes variables (assurance, fret, stockage), rend difficile la traçabilité économique du prix final. Ce manque de transparence peut nourrir des suspicions de coordination tacite, ou du moins de comportements parallèles, dans la formation des prix, ce que le Conseil de la concurrence cherche précisément à prévenir ou à encadrer. Expliquons aux profanes : ce qui peut être reproché, aux pétroliers marocains, n'est pas la marge brute elle-même, mais l'existence d'une latence dans la transmission des baisses de coûts aux prix à la pompe. Cette mécanique de "résistance à la baisse", fréquemment dénoncée dans les marchés de carburants, alimente le sentiment d'une asymétrie de comportement : les prix montent rapidement quand les cotations s'envolent, mais baissent plus lentement en cas de détente des marchés. Le Conseil de la concurrence a rendu public, mardi 15 avril, son cinquième rapport trimestriel portant sur l'appréciation scrupuleuse de l'exécution des engagements contractuellement souscrits par neuf sociétés majeures opérant dans le négoce en gros de carburants raffinés, dans le sillage des accords transactionnels conclus avec ladite autorité de régulation. Quelques conclusions de ce fichier sont accablantes. Ce document couvre le quatrième trimestre de l'année 2024 et s'articule autour de quatre axes de réflexion : l'examen des principales fluctuations du marché national du gasoil et de l'essence, l'étude des interactions entre les cours internationaux, les charges d'acquisition et les tarifs de cession internes, l'évaluation des marges brutes réalisées par les distributeurs, ainsi qu'une lecture détaillée de la composition structurelle du prix final à la pompe. Croissance volumétrique des importations en dépit d'un repli de leur valorisation Au terme de l'année 2024, 31 entités étaient habilitées à importer des hydrocarbures liquides, un nombre demeuré stable depuis l'exercice précédent. Les approvisionnements du marché marocain en gasoil et essence ont totalisé quelque 1,68 million de tonnes, pour une contrepartie de l'ordre de 12 milliards de dirhams (MMDH), traduisant une hausse en tonnage de +15,7 % comparativement à l'année antérieure, contre une décrue de -11,8 % en valeur. Les sociétés concernées par le dispositif de suivi représentent, à elles seules, 82 % des volumes et des montants engagés. À titre illustratif, elles ont accru leurs importations de +6,6 % en volume (atteignant 1,377 million de tonnes) tandis que la valeur correspondante enregistrait une contraction de -18,6 % (9,84 MMDH contre 12,09 MMDH un an plus tôt). Redressement des recettes fiscales grâce à l'accroissement des volumes Les recettes budgétaires tirées des taxes afférentes à ces importations ont enregistré une progression notable : 7,10 MMDH au 4e trimestre 2024 contre 6,36 MMDH à la même période de 2023, soit une augmentation de +11,6 %. Cette embellie résulte principalement de l'enrichissement de la Taxe Intérieure de Consommation (TIC), qui a généré 5,34 MMDH, en hausse de +17,9 % sur une base annuelle. Les neuf sociétés suivies ont, à elles seules, contribué à hauteur de 5,86 MMDH aux recettes fiscales totales, réparties entre 4,41 MMDH pour la TIC et 1,45 MMDH pour la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) à l'importation. À la clôture de l'année 2024, la capacité totale de stockage des carburants au niveau national s'élevait à 1,56 million de tonnes, dont 88 % réservés au gasoil. Les sociétés sous observation détiennent 81,7 % de cette capacité, soit 1,27 million de tonnes. Quant au réseau de distribution, le pays comptait 3 534 stations-service à la fin décembre 2024, contre 3 478 un trimestre auparavant. Les sociétés en question exploitent 2 535 de ces points de vente, ce qui correspond à 71,7 % du réseau national. Evolution des ventes et repli du chiffre d'affaires Les ventes globales de carburants (gasoil et essence confondus) ont atteint 2,20 milliards de litres, dont 1,90 milliard à mettre au crédit des neuf sociétés, soit une progression de +7,1 %. Le gasoil prédomine nettement avec 1,61 milliard de litres vendus, représentant 84,5 % des ventes. En valeur cependant, le chiffre d'affaires de ces opérateurs a reculé de -12,6 %, passant de 20,99 MMDH à 18,35 MMDH sur une base annuelle. Corrélation atténuée entre cotations internationales et prix domestiques Les cotations CIF à l'international ont connu des variations modérées : +0,16 dirham/litre pour le gasoil, +0,05 dirham/litre pour l'essence. Cependant, les prix de vente à la pompe ont reculé de -0,45 DH/L pour le gasoil et de -0,56 DH/L pour l'essence. Les prix de cession hors taxes, appliqués aux stations-service indépendantes, ont enregistré des baisses supérieures à celles des coûts d'achat : -0,49 DH/L pour le gasoil contre -0,29 DH/L de baisse de coût, et -0,39 DH/L pour l'essence contre -0,43 DH/L de réduction des charges. Les marges commerciales brutes observées sur les ventes en gérance libre s'élèvent, en moyenne, à 1,28 DH/L pour le gasoil et 1,67 DH/L pour l'essence, en baisse par rapport au 3e trimestre 2024 (1,46 DH/L et 2 DH/L respectivement), et inférieures aux moyennes annuelles (1,35 DH/L pour le gasoil ; 1,88 DH/L pour l'essence). Décomposition du prix de vente à la pompe Le prix final à la pompe s'analyse comme suit : Pour le gasoil : Coût d'achat : 6,23 DH/L (54 %) Fiscalité (TIC + TVA) : 3,58 DH/L (31 %) Marge de distribution : 1,76 DH/L, dont 1,28 DH/L pour les sociétés en gros (11 %) 0,48 DH/L pour les stations-service (4 %) Prix de vente total : 11,57 DH/L Pour l'essence : Coût d'achat : 6,21 DH/L (46 %) Fiscalité (TIC + TVA) : 5,11 DH/L (38 %) Marge de distribution : 2,19 DH/L, dont 1,67 DH/L pour les distributeurs en gros (12 %) 0,52 DH/L pour les stations-service (4 %) Prix de vente total : 13,51 DH/L Le quatrième trimestre 2024 met en évidence un désajustement entre volumes croissants et valorisation décroissante qui traduit, de manière manifeste, la volatilité persistante des marchés pétroliers raffinés et l'incidence différenciée de leurs fluctuations sur les circuits commerciaux nationaux. Les engagements suivis par le Conseil de la concurrence continueront, à n'en pas douter, à constituer un cadre de référence structurant dans l'exercice de la régulation sectorielle.