Sans aller jusqu'à une co-souveraineté politique avec Rabat sur Ceuta et Melilla, le gouvernement espagnol propose, sur le modèle de l'accord sur Gibraltar, la création d'une «zone de prospérité partagée avec le Maroc». Quel avenir économique pour Ceuta et Melilla ? La question taraude, depuis plusieurs mois, le gouvernement de coalition de gauche au pouvoir en Espagne. Parfaitement conscient que le modèle économique basé uniquement sur la contrebande est intenable, l'exécutif de Pedro Sanchez a confié à une société publique de consulting la prospection d'autres voies à même de redonner vie aux économies des deux villes, lourdement frappées par la fermeture des frontières avec le Maroc, et ce, bien avant la propagation de la pandémie de la Covid-19. Ce jeudi 16 décembre, les premières conclusions de l'étude ont été présentées par le secrétaire d'Etat à la Politique Territoriale, Alfredo Gonzalez, qui effectue une visite à Ceuta et Melilla. Selon des médias ibériques, le responsable a proposé à ses interlocuteurs locaux de mettre en place «une zone de prospérité partagée avec le Maroc». L'intégralité de la feuille de route sera dévoilée en juin 2022, a expliqué Gonzalez. Il a également promis des investissements publics et des centaines de millions d'euros qui seront injectées dans les économies des deux présides. D'ici cette échéance, les élus locaux auront suffisamment du temps pour introduire leurs observations. Un projet déjà évoqué par Arancha Gonzalez L'idée de la «zone de prospérité partagée avec le Maroc» a été, pour la première fois, révélée en janvier dernier par l'ancienne ministre des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya, lors de sa comparution devant la Commission mixte de la Chambre des représentants et du Sénat chargée des relations avec l'Union européenne. Sur le modèle de l'accord sur l'avenir de Gibraltar, conclu fin décembre 2020 entre l'Espagne et le Royaume-Uni, après l'officialisation du Brexit, Mme. Gonzalez avait précisé que «comme la prospérité de la rive européenne nécessite cet entrelacement entre Gibraltar et El Campo (de Gibraltar comprenant Algerisas et Tarifa) sur des fondations saines, la prospérité de la rive africaine sera un mirage si une vision similaire n'est pas promue entre Ceuta et Melilla et les régions marocaines voisines». Des propos qui avaient soulevé des craintes dans certains milieux espagnol. «Par sa proposition, la la cheffe de la diplomatie a laissé planer une grande incertitude quant à la souveraineté de l'Espagne sur les villes de Ceuta et Melilla», écrivait alors El Faro de Melilla. Pour rappel, l'accord sur le Rocher a fait tomber les frontières entre la colonie britannique et les villes andalouses. La création d'une zone économique bénéficiant à la fois à l'Espagne et au Maroc a été examinée par des officiels marocains en 2014. Elle permet surtout de mettre en veilleuse l'épineuse question de la souveraineté politique et militaire sur Ceuta et Melilla, pour se concentrer qur les avantages économiques. La «zone de prospérité partagée avec le Maroc», présentée par le secrétaire d'Etat à la Politique Territoriale, Alfredo Gonzalez, ne devrait pas être accueilli avec enthousiasme du côté des deux présides, notamment par ceux ayant défendu l'arrimage à l'économie de l'Union européenne ou encore ceux qui avaient tenté de jouer la carte de l'Algérie, notamment dans le cas de Melilla.