Au lendemain de l'officialisation du Brexit, la ministre espagnole des Affaires étrangères, Arancha González Laya a mis en avant le principe d'«interdépendance», qui implique une cogestion de Gibraltar avec le Royaume-Uni. Il y a quelques semaines, la cheffe de la diplomatie avait une vision différente pour une situation similaire ; celle de Ceuta et Melilla. Si le Brexit a pris effet le 1er janvier 2021, la situation de Gibraltar, territoire sous souveraineté britannique dans péninsule ibérique, continue à poser problème. La diplomatie espagnole a ainsi redoublé les pressions et plaide pour une «cogestion». La ministre des Affaires étrangères, Arancha González Laya, estime que les trois parties concernées, à savoir les autorités britanniques, espagnoles et celles de Gibraltar auraient pu avoir «une longue négociation sur ce que signifie la souveraineté au XXIe siècle». En attendant, elle s'est déclarée favorable pour une «interdépendance» appliquée avec «coresponsabilité». Dans ce cadre, Arancha González Laya a signalé la présence d'agents de Frontex dans les zones portuaire et aéroportuaire du Rocher, sans pour autant préciser si les forces de sécurité espagnoles prendront le relais à un moment donné, pendant ou après une période de transition de quatre ans qui a déjà débuté. S'il s'agit d'un nouveau pas concernant le statut de Gibraltar, certains prédécesseurs de la cheffe de la diplomatie estiment que cet accord reste insuffisant pour garantir que l'Espagne aura des pouvoirs élargis sur le Rocher. Carlos Westendorp, qui a géré le même portefeuille au sein d'un gouvernement socialiste, a déclaré à El Español qu'«une colonie» comme celle du Royaume-Uni sur la péninsule ibérique constituait un «anachronisme», qui n'est pas annulé par ce nouvel accord. Ancien ministre des Affaires étrangères, Felipe González s'est également dit peu convaincu des issues de ces négociations, bien que ces dernières prévoient des facilités de circulation des personnes sans passeport ni visas d'entrée. Leurs termes devront encore être actés dans un traité négocié avec l'Union européenne. Quel positionnement de l'Espagne concernant Ceuta et Melilla ? Une importante partie de la classe politique espagnole défend bec et ongle la souveraineté de Madrid sur Gibraltar. Mais si sa diplomatie a pu arracher un principe de cogestion sur le territoire, considérant la démarche comme une première étape mettant partiellement fin à l'«anachronisme» d'une présence britannique en zone ibérique, l'Espagne se refuse à toute assouplissement du statut de Ceuta et de Melilla, deux enclaves en territoire marocains. «Rabat ne reconnait pas la souveraineté espagnole sur Ceuta et Melilla», affirme l'ambassadrice du Maroc Lors de la même semaine marquée par la fin des négociations du Brexit particulièrement suivi par Madrid, le gouvernement espagnol a convoqué l'ambassadrice du Maroc, Karima Benyaich, après les déclarations du chef de l'exécutif marocain Saâdeddine El Othmani sur la marocanité des deux enclaves. Dans un entretien, ce dernier a souligné que «Ceuta et Melilla sont marocaines, comme le Sahara». Il a par ailleurs ajouté que «le statu quo depuis cinq ou six siècles» ne peut durer indéfiniment et que ce dossier s'ouvrira un jour. La veille du Brexit, alors que Madrid a encore espéré des négociations fructueuses avec le Royaume-Uni autour de la cogestion de Gibraltar, la vice-présidente de l'exécutif a répondu à la sortie d'El Othmani, en soutenant fermement que les deux enclaves sont espagnoles. «Il n'y a pas de sujet. Ceuta et Melilla sont espagnoles. Le gouvernement marocain le sait parfaitement (…) Le gouvernement espagnol ne le discute pas et personne ne le discute dans ce pays», a martelé Carmen Calvo, également ministre des Finances. Au lendemain des négociations entre l'Espagne et le Royaume-Uni, le modèle Gibraltar pourrait inspirer le Maroc pour négocier un modèle de cogestion de Ceuta et Melilla.