La relation de Khalid Naitzehou avec le métier de cordonnier a commencé dès son plus jeune âge à Taroudant. Après un long parcours à l'étranger, il s'est retrouvé à Los Angeles, aux Etats-Unis. Son rêve américain : lancer un centre de formation de cordonnerie. Lorsque Khalid Naitzehou est entré dans un atelier de cordonnerie et de fabrication de chaussures dans son quartier à Taroudant à l'âge de neuf ans, il n'imaginait pas qu'il deviendrait plus tard cordonnier à Los Angeles, aux Etats-Unis. Il n'a pas appris le métier par choix, mais par obligation économique afin de maîtriser un métier, comme beaucoup d'enfants de sa génération. C'est sa mère qui le pousse vers cet apprentissage. «Elle craignait que mes frères et moi ne réussissions pas à l'école, alors elle a tenu à ce que nous apprenions un métier qui nous permettra de vivre à l'avenir», confie à Yabiladi, l'artisan qui a désormais 35 ans. «J'avais l'habitude de travailler dans l'atelier pendant les vacances et les week-ends, gratuitement au début. Avec le temps, j'ai commencé à être payé 10 dirhams par semaine, puis 20, jusqu'à ce que le salaire passe à 80 dirhams, que je gardais de côté pour acheter mes livres scolaires.» Khalid Naitzehou Une quête de soi en Europe Au fil des années, Khaled gagne en expérience jusqu'à maitriser parfaitement toutes les ficelles du métier. Il passera ainsi de la réparation à la confection de chaussures, améliorant sensiblement sa situation financière. «Avec l'émergence des cybercafés, j'ai commencé à commercialiser mes produits via Internet, alors que j'étais en première année de lycée», se souvient-il. Après son baccalauréat obtenu en 2007, l'une de ses sœurs va vendre ses bijoux pour que Khalid puisse financer ses études supérieures en relations internationales européennes en Roumanie. Un an et demi plus tard, il change de filière et part pour la Belgique, où il suit une formation en infirmerie. «J'ai choisi cette option car elle me garantissait l'obtention d'un permis de séjour pour m'installer en Belgique», se rappelle-t-il, soulignant avoir suivi en parallèle une formation dans un atelier de soudure. «A ce moment-là de ma vie, je me cherchais, je ne savais pas ce que je voulais, alors j'essayais d'apprendre plusieurs métiers en même temps», reconnaissant s'être éloigné de la cordonnerie pendant cette période. Mais la nostalgie pour ce métier ne le quitte pas. Il commence alors à fréquenter l'atelier de réparation de chaussures usées appartenant à un Italien. «En 2013, j'ai eu la tuberculose avec un traitement qui a duré huit mois. Pendant cette période, ma vie s'est arrêtée et j'ai commencé à voir mon avenir s'assombrir. Mon corps affaibli par la maladie, j'ai à travaillé comme traducteur pour les immigrés résidant en Belgique qui ne parlent pas couramment le flamand.» Khalid Naitzehou Un rêve américain qui se réalise Khalid Naitzehou est désormais père de deux filles, nées d'un mariage avec une américaine. Ils décident de s'installer aux Etats-Unis. «C'est là que j'ai réalisé ce que je voulais vraiment : créer ma propre entreprise», confie le Marocain. «Quand je suis arrivé à Los Angeles, j'ai travaillé dans la construction et en parallèle, j'ai essayé de voir à quel point les Américains exerçaient la cordonnerie, qui me procure un réconfort psychologique, contrairement à d'autres professions.» La découverte d'un atelier de cordonnerie datant de 1934 à vendre, changera sa vie. «Ce magasin était à l'origine destiné uniquement à la réparation de chaussures. Mais je l'ai développé pour en faire aussi un espace spécialisé dans la confection de chaussures et de sacs, avec une touche marocaine, ce qui m'a distingué des autres cordonniers», se félicite l'artisant. «Je suis le quatrième et le plus jeune cordonnier à posséder cet atelier. Sauter le pas de l'achat n'a pas été chose aisée. Mais voir les outils de travail et de sentir l'odeur émanant du cuir et de nos matières de travail me dit chaque jour que je suis au bon endroit.» Khalid Naitzehou L'artisan marocain veille à employer des artisans de sa ville natale, Taroudant, mais aussi de Fès et de Marrakech, avec la demande qui devient plus forte. En effet, il a réussi à lancer sa marque, qu'il a baptisée «WLhandmade». Malgré les difficultés liées à la crise de la Covid-19, il se félicite d'avoir essayé, autant que possible, de maintenir le cap. Outre le grand public, des célébrités se sont retrouvées dans la boutique de Khaled. «J'ai reçu la visite de plusieurs personnalités bien connues, tels que cheb Khaled, l'acteur Danny Trejo, le comédien Jimmy Kim, le consul général du royaume à Washington, Abdelkader Jamoussi, l'acteur Fahd Benchemsi, Sacha Baron Cohen qui a fait réparer ses chaussures, et bien d'autres», déclare-t-il avec un brin de fierté. Les ambitions de Khalid ne s'arrête pas là. Il a désormais l'intention de créer un centre spécialisé dans l'enseignement des techniques de fabrication et de réparation de chaussures. «Au début, je recevais ceux qui voulaient apprendre dans l'atelier. L'idée m'est venue alors de créer une école, qui sera ouverte dès l'amélioration de la situation épidémiologique. J'ai réalisé ce que j'espérais et je suis devenu cordonnier aux Etats-Unis. J'en suis fier !», conclut-il. Article modifié le 2021/03/14 à 14h17