L'un des plus anciens métiers du cuir est celui du cordonnier. Son nom vient de ce que les cuirs employés, de préférence pour la chaussure, ont été pendant longtemps fabriqués à Cordoue , en Espagne. Le secret de la préparation des cuirs a été gardé plusieurs siècles par les tanneurs de Cordoue. Avant, ils s'appelèrent «Les Cordouaniers» qui a donné le mot «Cordwainers». Au fil des temps, le mot est devenu «Cordonnier», qui désigne l'artisan qui répare ou fait les chaussures. Ahmed est âgé de 40 ans et exerce ce métier, qu'il a hérité de son père, depuis dix ans. On le trouve toujours courbé sur son enclume, en train de réparer des chaussures de toutes les pointures. Son tablier est toujours propre, bien qu'il se serve toujours de clous et de colle pour les semelles. Ahmed a une famille nombreuse, mais il arrive à subvenir à ses besoins grâce à la générosité de ses clients : «Les temps ont changé», dit-il. «Révolu le temps où le cordonnier était le père de la chaussure. De nos jours, les usines qui fabriquent les chaussures ne nous ont laissé aucune chance. De surcroît, les chaussures d'aujourd'hui, en général, dès qu'elles deviennent usées, on les jette définitivement, sans penser à les réparer. La marchandise est devenue abondante sur le marché», regrette-t-il. Ahmed aime son métier bien qu'il ne lui rapporte pas grand-chose. Pour lui, il est plus un devoir et un héritage à protéger, qu'un moyen de nourrir sa famille. «L'enclume, le marteau, ajoute-il, appartenaient à mon père décédé, il y a dix ans. Ce matériel incarne sa présence pour moi. C'est un trésor grâce auquel j'arrive à subvenir aux besoins de ma famille. Le prix d'une réparation varie entre 4 et 15 DH». La seule importance que revêt ce métier de nos jours semble être la place qu'il occupe sur le plan touristique, car le cuir marocain est réputé, depuis des siècles, à travers le monde. C'est, d'ailleurs, au XIVème siècle que l'on commence à entendre parler du «maroquin», mot qui désigne le cuir de chèvre et du mouton, provenant du Maroc. Le travail du cuir est une tradition liée à de nombreuses villes marocaines comme Fès, Marrakech, Meknès, Rabat et Tanger. Le cordonnier est un artisan qui défie et le temps et les usages. De nos jours, la majorité des gens n'achète plus que des chaussures neuves et lorsqu'elles s'usent, on ne pense pas au cordonnier. Les personnes âgées sont, la plupart du temps, les seules à connaître toujours l'adresse du cordonnier, là où elles peuvent conserver leurs souliers traditionnels. Alors que les jeunes d'aujourd'hui ne portent que des chaussures à la mode. «La majorité de mes clients, sont les amis de mon père. Ils n'aiment pas les chaussures fabriquées dans des usines, ils n'aiment pas enterrer le passé. Je peux même vous assurer qu'il y a des gens, des voisins qui m'apportent des chaussures que mon père leur a un jour réparées.» L'âge d'or du métier de cordonnier remonte aux années 70. De nos jours, ce métier n'est plus qu'un souvenir du passé. A Béni Mellal, on les trouve encore en grand nombre, sous leurs petites tentes, malgré les conditions dans lesquelles ils travaillent et qui laissent beaucoup à désirer. C'est un métier qui constitue une partie intégrante du patrimoine culturel marocain. Le secret de sa réussite consiste dans le fait qu'il incarne le traditionnel et le retour aux origines pour bon nombre . • DNCR à Béni Mellal Saïd Frix