Jusqu'à 1876 dossiers de recouvrement jugés chaque jour par bloc en mode «pilotage automatique», chacun des juges épinglés est revenu à une cadence «humaine». L'année 2020 aura connu un retour au respect des procédures et des droits des prévenus par les juges chargés des affaires commerciales au tribunal de première instance de Casablanca. En mars dernier, Yabiladi révélait le système d'«injustice expeditive» pour les dossiers de recouvrement au tribunal de première instance de Casablanca, où plusieurs milliers de contentieux étaient jugés dès la première audience, à l'insu des prévenus et de leur défense. Le système bien huilé consistait à envoyer les convocations à de fausses adresses et les décisions rendues en bloc. En vigueur depuis 2017 au moins, on retrouve les mêmes juges, avocats, huissiers de justice, clercs et entreprises plaignantes créancières. Les révélations avaient alors déclenché des réunions de crise, des audits internes au sein de certaines institutions financières et d'assurance de la place casablancaise. Des plaintes avaient été déposées auprès du bâtonnier à la tête du Conseil de l'ordre des avocats de Casablanca, alors que le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) s'était saisi de l'affaire. Moins de décisions rendues dans les dossiers de recouvrement Alors que les juges à l'origine de ces usages avaient considérablement ralenti leur cadence, moins d'une semaine après notre enquête, la chute drastique du nombre de dossiers traités par jour s'est confirmée tout au long de l'année. En décembre 2020, certains noms ayant occupé le podium de la productivité dans les dossiers de recouvrement depuis 2017 n'ont traité aucun dossier : Samiha El Alaj, Noufissa Hazim, Amal Khaddar et Ilham El Barhoumi. Les autres juges Amina Redouane, Bahija Laabidi et Aziz Arsaoui ont présidé 14 sessions, statuant ainsi sur 1 545 affaires sur le mois. Un total sans commune mesure avec le millier de dossiers traités par jour et par juge en 2019. Scandale au tribunal de Casablanca : Les avocats, les juges et les entreprises Premier au podium des affaires de recouvrement traitées en 2019, le juge Aziz Arsaoui a traité, à lui seul, 1007 affaires le mois dernier. Il a ainsi rendu 136 verdicts donnant raison aux entreprises plaignantes créancières et ordonnant un paiement à leurs clients. Pour rappel, un an auparavant, Aziz Arsaoui s'accaparait à lui seul 47,1% des dossiers traités pour l'année 2019. En plus de ce coup de frein sur les audiences au rythme inhumain, il est lieu de noter la nature des décisions de ce juge en terme de respect des procédures. Pour décembre 2020, Aziz Arsaoui a ainsi brandi l'«incompétence territoriale» dans 91 affaires et en a reporté 593 pour différentes raisons, dont 319 pour des raisons liées à la «présentation du contrat d'emprunt». Le juge a également préféré attendre un «retour du recommandé» adressé par le tribunal aux prévenus dans 120 dossiers. Plusieurs audiences et reports avant le verdict final Bahija Laabidi apparait, pour sa part, dans cinq sessions qu'elle a présidées en décembre 2020 et durant lesquelles la juge n'a statué que sur 270 dossiers. Elle n'a rendu que 11 verdicts en faveur des entreprises plaignantes, contre un seul refus. Elle a remis les dossiers aux parties prenantes dans 121 affaires, a saisi ou attendu l'avis d'experts dans 51 dossiers et préféré reporter 24 audiences pour un besoin de «présentation de l'adresse exacte» des consommateurs. Deuxième au podium des dossiers traités en 2019, après avoir rendu son jugement dans 24,5% des affaires, Amina Redouane a également levé le pied, reculant même à la 3e place. En effet, elle n'a traité, tout au long du mois passé, que 268 dossiers, dans lesquels elle a rendu une centaine de jugements, parmi lesquels 76 verdicts donnant raison aux entreprises créancières. Toutefois, les décisions ne sont pas toutes favorables aux entreprises plaignantes : 100 affaires ont été reportées en décembre pour «délibération», 22 ont vu leurs dossiers retournés aux parties de l'affaire et 10 ont été transférées soit au parquet général ou à d'autres tribunaux. De plus, lors des audiences du 31 décembre 2019, la juge a déclaré une «incompétence territoriale» dans 35 affaires sur un total de 41 dossiers. Le point de la compétence territoriale du Tribunal de Casablanca était l'un des principaux dysfonctionnements révélés par Yabiladi. Des dossiers qui devaient être traités dans les tribunaux des autres régions, où résidaient les prévenus, étaient déroutés vers Casablanca via l'usage de fausses adresses. Des communes rurales loin de la capitale économique avaient été jugées à Casablanca alors qu'elles n'avaient jamais été notifiées par huissier. Selon un comptage aussi long que fastidieux sur le site Mahakim.ma, 81 375 dossiers de recouvrements ont été traités par bloc entre janvier 2017 à février 2020 sans respect de la procédure et des droits des prévenus. Un rapide calcul permet aujourd'hui d'affirmer qu'environ 20 000 particuliers, entreprises, associations ou collectivités locales ont été épargnés en 2020 par le rouleau compresseur qui était en vigueur au sein de la 6è chambre chargée des affaires commerciales au Tribunal de Casablanca. Retrouver tous les articles du #MahkamaGate