La Présidente de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA), Mme Latifa Akharbach a appelé samedi, à Marrakech, à promouvoir et favoriser un traitement médiatique plus précis, plus équitable et plus éthique de la question migratoire. Intervenant à un atelier sous le thème « Le rôle des médias et des régulateurs africains et méditerranéens face à la crise des migrants et réfugiés », Mme Akharbach a mis l'accent sur la nécessité d'un traitement objectif et indépendant de l'information, y compris dans les nouveaux médias, ainsi que la sensibilisation des professionnels des médias à l'utilisation d'un langage approprié et la promotion de la culture de la tolérance. Après avoir souligné que la migration est un phénomène complexe et global dont la représentation et le traitement médiatique posent partout de nombreux problèmes, elle a noté que les « médias mainstream » ont une responsabilité dans l'instrumentalisation politique de la question migratoire. « Cela apparaît dans la banalisation de la terminologie sensationnaliste (« déferlement », « tsunami », « invasion » entre autres) et une manipulation fréquente d'images lors de la couverture des faits relatifs aux migrants et une prolifération des « fake-news » sur la migration surtout dans les médias numériques. Et de noter que l'action des médias a ainsi participé à exacerber l'obsession identitaire, le repli nationaliste et a libéré le discours anti-immigration renforçant par la même occasion les stéréotypes et clichés à l'égard des migrants et de leurs familles. Dans un tel contexte, a-t-elle expliqué, le régulateur est interpellé pour déployer plus de programmes et d'actions afin notamment de participer à la réduction des pratiques médiatiques stigmatisantes et à la promotion par la formation et la sensibilisation entres autres de traitements médiatiques sensibles aux droits et à la dignité des migrants. Et de plaider en faveur de la mise en place d'un mécanisme ad hoc inter réseaux pour le suivi du traitement par les médias de la question migratoire qui permettrait de prolonger « notre connaissance de la question et servirait en même temps de support pédagogique pour les formations qui pourraient être mises en place sur cette question qui nous intéresse tous ». « La HACA, membre à la fois du Réseau des instances de régulation méditerranéens (RIRM) et du Réseau des instances africaines de la régulation de la communication (RIARC) voudrait contribuer au renforcement de l'échange et du dialogue entre les deux réseaux autour de la question migratoire et à contribuer à enrichir cette réflexion par la perspective africaine », a-t-elle insisté. Et de relever par ailleurs, que « le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières », en tant que nouvel instrument de coopération internationale en vue d'une gouvernance mondiale de la migration, offre une occasion de greffer la contribution commune et concertée des régulateurs des médias à l'effort global souhaité afin de renforcer le référentiel des droits humains, dans les pratiques médiatiques. → Lire aussi : Pacte mondial sur les migrations: la mairesse de Montréal au Maroc pour présenter la déclaration des villes Pour sa part, Josep Maria Guinart, membre de la Commission nationale des Marchés et de la Concurrence (CNMC, Espagne), a relevé que la méditerranée jadis espace d'échanges et de partages, est devenue aujourd'hui « une fosse commune » des migrants à la recherche d'une vie meilleure, appelant les médias à un traitement objectif et véridique et à une couverture beaucoup plus équilibrée de la question migratoire. Dans ce cadre, il a noté que les médias occidentaux se focalisent aujourd'hui sur les aspects négatifs de la migration et reflètent des idéologies populistes et nationalistes et des clichés simplistes. Les médias des pays du Sud ont de leur côté, tendance à reproduire le récit et la narration des pays du Nord, a-t-il regretté. Le président de la HACA de Côte d'Ivoire, Ibrahim Sy Savané, s'est réjoui que le Maroc ait consacré la HACA au rang d'institution constitutionnelle, « qui présente toutes les garanties d'impartialité, de neutralité et d'autorité morale, technique et juridique pour réguler le secteur de la communication audiovisuelle ». Il a en outre, souligné que les médias occidentaux ont fait du migrant « une espèce à part entière », synonyme de « radeau de fortune », appelant à la mise en place d'un réseau ou d'une coalition pour permettre un traitement de l'information sur la migration. Pour le représentant de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), Leonard Doyle, l'Europe traverse une crise politique plutôt qu'une crise migratoire, appelant à reconnaître les valeurs positives de l'immigration. La représentante adjointe du Haut-commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) au Maroc, Bettina Gambert, a relevé de son côté, une nette amélioration de l'image du migrant dans les médias marocains durant les deux dernières décennies, ce qui est de nature à contribuer à un meilleur vivre-ensemble et une meilleure cohabitation entre les populations locales et les migrants. Organisée par la HACA (Maroc), le Réseau des instances de régulation méditerranéens (RIRM) et le Réseau des instances africaines de la régulation de la communication (RIARC), en marge de la Conférence intergouvernementale sur la migration, cette rencontre à la quelle ont prit part des représentants d'instances de régulation des médias membres du RIRM et du RIARC, des représentants des deux agences onusiennes « l'OIM et l'UNHCR » et des opérateurs audiovisuels et professionnels des médias, vise à contribuer à la réflexion sur ce phénomène humain vieux comme le monde qu'est la migration mais qui est souvent présenté et représenté comme un fléau d'aujourd'hui et une crise géopolitique d'une extrême gravité. C'est aussi l'occasion de mettre en exergue le rôle et la valeur ajoutée de l'action des instances de régulation pour promouvoir et favoriser un traitement médiatique plus précis, plus équitable et plus éthique de la question migratoire. Il s'agit principalement de mettre en lumière le rôle et la responsabilité des médias ainsi que ceux des régulateurs pour une meilleure compréhension du phénomène migratoire et un traitement médiatique respectueux des droits de l'Homme.