Plus de 5.000 délégués de l'African National Congress (ANC), au pouvoir depuis plus de 20 ans, se réunissent à partir de samedi à Nasrec, sud de Johannesburg, pour élire un successeur du Président Jacob Zuma, une élection qui intervient dans une conjoncture difficile pour le parti et pour toute l'Afrique du Sud. Le parti, qui préside aux destinées des Sud-Africains depuis les premières élections multiraciales de 1994, est plus que jamais divisé notamment autour de cette question de succession du Président Zuma, qui fait l'objet de controverses en raison de son implication présumée dans des scandales politico-financiers. L'incertitude politique née de ces divisions s'est répercutée sur la situation économique de l'Afrique du Sud, une des puissances économiques du continent africain. Le pays souffre sous le coup d'un ralentissement alarmant avec un taux de croissance ne devant pas dépasser 0,7 pc cette année au milieu d'un chômage et d'une pauvreté qui s'aggravent. L'ANC entame cette conférence élective polarisé entre deux candidats de gros calibre. Il s'agit de Nkosazana-Dlamini-Zuma, ancienne présidente de la commission de l'Union africaine et ex-épouse du Président Zuma, et le vice-Président Cyril Ramaphosa, le populaire candidat des milieux des affaires. L'enjeu est de taille lors de cette conférence d'autant plus que l'heureux vainqueur sera le candidat de l'ANC pour la magistrature suprême du pays à l'occasion des élections générales, prévues en 2019. Au-delà de cet enjeu politique, les analystes s'accordent que la question de la croissance économique doit être au centre de la course à la direction du parti de Nelson Mandela. Sur ce registre, les analystes estiment que Ramaphosa est le candidat le mieux placé pour rétablir la confiance des investisseurs. Nazmeera Moola, analyste à la firme Investec, fait état de craintes des milieux d'affaires d'une victoire de Mme Dlamini-Zuma. L'analyste rappelle, dans ce contexte, la rhétorique jugée populiste adoptée par l'ancienne ministre des Affaires étrangères durant sa campagne pour le poste de Président de l'ANC. «L'Afrique du Sud a besoin de redynamiser la croissance de son économie afin de la rendre plus inclusive», indique l'analyste, soulignant que les politiques populistes mises en œuvre dans des pays comme le Venezuela et l'Argentine «ont conduit ces pays à l'impasse». La reprise de la croissance passera inéluctablement par une amélioration de la confiance des investisseurs, estiment les analystes. Selon eux, le pays peut passer sans encombre à 3 pc de croissance de son PIB en 2018 une fois la confiance des investisseurs rétablie. A la veille de l'ouverture de la conférence de l'ANC, des données publiées par la presse ont fait état d'une avance de M. Ramaphosa dans la course à la présidence du parti. Le vice-Président dispose d'une avance de plus de 300 voix par rapport à sa rivale, a dit Lindiwe Sisulu, ministre de l'habitat, qui soutient la candidature de M. Ramaphosa. Ce dernier s'est classé premier au terme du processus de nominations au niveau des branches de l'ANC sur tout le territoire sud-africain. Cependant, cette avance demeure symbolique dans une course incertaine. Après cette phase de nominations, les délégués de l'ANC, au nombre de 5.240 votants, procéderont au vote proprement dit. Sur ce total de 5.240 votants, 90 pc sont des délégués venant des neuf provinces l'Afrique du Sud, soit 4.731 délégués. Les 509 votants qui restent viennent du comité national exécutif de l'ANC, des ligues des jeunes, des femmes et des vétérans de la lutte contre le régime de l'apartheid en plus des six plus hauts responsables du parti. Outre la désignation du chef du parti, les délégués de l'ANC procéderont à l'élection des titulaires des postes les plus importants au sein de cette formation (vice-président, secrétaire-général, trésorier-général) outre les 80 membres du comité national exécutif (plus haute instance dirigeante du parti). Fondé en 1912 à Bloemfontein, près de Johannesburg, l'ANC tient une conférence élective tous les 5 ans. Crée pour défendre les intérêts de la majorité noire contre la minorité blanche, l'ANC a été interdit en 1960 par le Parti national, la formation des Blancs qui dirigeait l'Afrique du Sud, avant d'être à nouveau légalisé en 1990 alors que l'apartheid est aboli en 1991. Le parti a remporté avec aisance toutes les élections organisées dans le pays arc-en-ciel depuis 1994. Installé dans son quartier général à la Chief Albert Luthuli House, immeuble de vingt-deux étages situé à Johannesburg, l'ANC a été dirigé par Nelson Mandela (1994-1999), Thabo Mbeki (1999-2007) et Jacob Zuma (depuis 2007).