Les récentes déclarations de la présidente de l'Association canarienne des victimes du terrorisme(Acavite), Lucia Jimenez, incluant le "polisario" parmi les groupes terroristes dont l'Espagne a eu à souffrir pour avoir été l'auteur des attaques contre les pêcheurs canariens dans les années 70 et 80, ont suscité l'ire des représentants séparatistes aux îles Canaries et en Espagne. -Par Abdelkrim Kninah- Conscient de l'impact de ces accusations bien fondées, largement reprises par des médias en Espagne et dans l´archipel, les séparatistes ont tenté maladroitement de s'y opposer en s'attaquant aux revendications légitimes des familles des victimes réclamant une reconnaissance officielle du préjudice subi et, plus grave encore, à certains journaux espagnols qui ont repris les déclarations dans lesquelles Mme Jimenez, fille d´une victime des bombes du Polisario, affirmant sans ambages que "L'Espagne a, hélas, connu différents groupes terroristes, comme le Grapo, l'ETA ou le Front Polisario". La vision idéaliste qu'on avait de certains mouvements dans les Canaries les présentaient autrement que comme ils sont en réalité, et l'"on voulait accréditer l'idée qu'ils ne tuaient pas, alors qu'en réalité, ils assassinaient", avait souligné Mme Jimenez. "On n'aimait pas dire d'eux qu'ils séquestraient des innocents, alors qu'en réalité, ils l'ont fait et ils ont mitraillé des bateaux et les ont fait couler, sans qu'on ait jamais retrouvé les corps" des membres des équipages, avait dit Mme Jimenez, après avoir assisté dimanche dernier à Madrid à la cérémonie en hommage aux victimes du terrorisme, présidée par le Roi Juan Carlos d'Espagne et la Reine Sofia au Congrès des députés, à l'occasion de la Journée des victimes du terrorisme. "Cela ne peut pas être toléré dans un Etat de droit et de démocratie", avait lancé la présidente de Acavite, rappelant les attentats perpétrés par les éléments du Polisario contre les employés de "Fosboucraa" à Laâyoune et les bateaux de pêche canariens, qui opéraient dans la zone située entre le Sahara et les Iles Canaries dans les années 70 et le début des années 80. Les propos de la présidente de Acavite, journaliste de profession, s'appuient sur des témoignages et des faits avérés. A l'occasion des Journées des victimes canariennes du terrorisme, organisées le 27 mars dernier dans l´archipel en présence du chef du gouvernement autonome Paulino Rivero, l'un des journalistes les plus en vue aux Canaries, Tristan Angel Pimienta, avait souligné que l'Espagne a connu "une expérience malheureuse" avec les actes terroristes, comme ceux perpétrés par les groupes de l'Eta, du Grapo ou d'Al-Qaida, mais si dans ces cas, il a été toujours établi qui était la partie qui tue et celle qui meurt, et qui est le bourreau et qui est la victime, il y a eu des cas qui ont bénéficié d'une impunité insoupçonnée et incroyable", comme les attentats et les crimes perpétrés par le Polisario qui ont fait des douzaines de morts et des centaines de victimes dans les îles, spécialement en Grande Canarie, Lanzarote et Fuerteventura. "La pomme peut prendre plus ou moins de temps à mûrir, mais elle finit toujours par tomber de la branche", avait dit Angel Pimienta, ex-directeur du journal canarien "La Provincia", pour rappeler que la vérité sur ces attaques du polisario doit éclater tôt ou tard. Début juin 1977, raconte-t-il, un jeune journaliste canarien de la gauche avait assisté avec une délégation de l'"Assemblée Démocratique" (Junta Democratica) à une réunion avec les dirigeants du Polisario dans les camps de Tindouf, où "ils étaient arrivés en provenance d'Alger à bord d'un avion militaire algérien conduit par des pilotes russes". La délégation avait été reçue par le "premier ministre" de la soi-disant Rasd, Mohamed Lamine, au cours de laquelle ce dernier a informé ses interlocuteurs que les prochaines semaines allaient connaître une intensification des "actions militaires" contre tous les bateaux de pêche opérant dans les eaux du Sahara. En novembre de la même année, alors que l'Espagne et la Mauritanie entamaient des discussions sur la pêche, rappelle-t-il encore, des membres du polisario ont abordé, mitraillé et bombardé le bateau de pêche espagnol "Rio Saa", tuant un marin et enlevant trois autres. C'est alors qu'avait commencé une escalade mortelle entreprise, surtout dans la nuit, par des séparatistes à bord de vedettes pneumatiques contre les marins canariens dans la zone. Ainsi, en avril 1978, il y a eu une attaque contre le bateau "Santa Maria Ana"', suivie d'une autre en mai contre le navire "Lérez" et en août contre le "Tela". Un marin a été blessé par balle et deux autres ont disparu, ajoute-t-i, notant que toutes ces attaques avaient été revendiquées alors par le polisario" depuis Alger et même à partir Madrid ou Genève. Les "ambassadeurs" de la "RASD" en attribuaient la responsabilité au "polisario", "avec la même fierté que l'ETA mettait dans la revendication de ses actes contre la population civile", a tenu à relever M. Pimienta, lors d'une conférence à l'occasion des premières journées à la mémoire des victimes, tenues dans le sud de Las Palmas. "Plusieurs porte-paroles du polisario, dont ma vieille connaissance Ahmed Boukhari (ex-représentant à Madrid), m'avaient confirmé ces attaques par téléphone ou même par des contacts avec la rédaction du journal La Provincia", a dit le journaliste canarien. Cinq bateaux "Alada", "Maria Luisa", "Dorotea", "Bat n" et "Mar Caribe" ont été la cible de tirs à la mitrailleuse, alors que huit membres de l'équipage du "Las Palmas" étaient déjà séquestrés à Tindouf après une attaque contre le bateau le 20 avril. Ces marins n'ont été libérés que le 14 octobre, après six mois de captivité, suite à une intervention du sénateur Javier Ruperez, de l'UCD, auprès de la direction du Polisario. Le journaliste rappelle par ailleurs que le raid le plus tragique est celui du 30 novembre 1978 contre le "Cruz del Mar", attaqué par un groupe à bord d'un zodiac. Sept personnes ont été tuées, dont un enfant. Les investigations sur ce crime odieux ont révélé que le Polisario était bien l'auteur de cette attaque. IL a révélé que le 15 juillet 1984, le journal La Provincia a pu accéder à un document secret qui reconstruit ce qui s'était passé dans la nuit du 28 novembre 1978 : La police espagnole avait déterminé que l´un des attaquants lui avait révélé avoir été expulsé de l´île de Lanzarote. Les policiers étaient arrivés à la conclusion que trois sahraouis expulsés pour violation de la loi de séjour des étrangers en Espagne avaient participé à cette agression, dont le dénommée Mohamed Salem Ould Embarek, alias Paquito, auteur des tirs contre le navire. D'autres attaques meurtrières se sont succédées alors contre les bateaux canariens, faisant plusieurs victimes, qui sont restées dans l'oubli durant plus de trente ans, avant d'être reconnues officiellement par l´Espagne. Les attaques du "polisario" contre les pêcheurs et les civils canariens lui avaient valu d'être classé en Espagne parmi les "organisations terroristes" et ses représentants avaient été expulsés conformément à une décision prise par le gouvernement, dirigé à l'époque par Felipe Gonzalez. Les autorités espagnoles avaient expulsé le représentant des séparatistes à Madrid Ahmed Boukhari et fermé leurs bureaux en Espagne en 1985.