Les mentalités sont bien plus difficiles à changer que les lois. Malgré les avancées incontestables réalisées depuis la promulgation du Code de la famille marocain, voilà déjà 5 ans, les réformes se heurtent souvent à certaines pratiques ancestrales toujours en cours au sein de la société. Parmi celles-ci, le mariage des petites filles. Encadré de façon stricte par la Moudawana, le mariage des filles mineures est pourtant loin d'être une exception. En 2007, sur 38710 requêtes d'agrément de mariage de mineures, 33560 ont été acceptées, soit 93,98% des demandes. Commentaire étonnant du ministre marocain de la Justice, Abdelwahed Radi, le 8 janvier 2009, devant la Chambre des représentants : Cela « confirme une application saine des dispositions du Code de la famille ». « Le fait qu'il existe des rejets de requêtes (environ 6%), a-t-il encore estimé, démontre qu'il n'y a pas d'aval automatique ». La justice a autorisé, en 2007, le mariage de 1900 filles âgées de 15 ans et de 159 filles âgées de 14 ans. Concernant ces dernières, les requêtes ont été acceptées en raison de la « particularité de leurs conditions sociales », selon Abdelwahed Radi. En fait, le mariage des mineures a augmenté depuis l'entrée en vigueur de la nouveau Code de la famille en 2004, atteignant 10,30% des mariages en 2007, indique la Ligue démocratique des Droits de Femmes (LDDF) dans son rapport annuel de 2007. En outre, les bases sur lesquelles les dérogations sont accordées restent souvent floues. Des associations des droits de la femme dénoncent régulièrement d'ailleurs des cas de violations des procédures. Bien souvent, indique le même rapport, « le contexte dans lequel s'effectue l'écoute et l'enquête de la mineure, ne lui offre pas les conditions pour exprimer sa volonté de manière franche ». Il est ainsi arrivé à l'organisation d'accueillir dans ses centres des « filles qui ont accepté le mariage, car elles n'ont pas pu exprimer leur refus en présence de leur tuteur, par peur de la famille, et devant le fiancé. Le juge s'étant basé sur l'observation (la structure corporelle de la fille) et non sur l'expertise dans le sens procédural stipulé » dans l'article 20 de la loi. « Stratégies de contournement de la loi » Jointe par Afrik, Rabia Naciri, Présidente de l'Association Démocratique des Femmes du Maroc, estime que, aussi bien pour les mineurs que pour certains hommes qui épousent une deuxième femme, on a souvent recours à des « stratégies de contournement de la loi ». En fait, on met « le juge devant le fait accompli » après s'être déjà uni selon le rite religieux, qui est très largement accepté parmi la communauté. Le tribunal n'a alors d'autre choix que de bénir le mariage. La militante des droits des femmes pointe aussi du doigt le problème des « juges corrompus » et ceux qui privilégient les « valeurs patriarcales », dont ils se croient les dépositaires, aux dépends de la loi. Face à cela, Rabia Naciri prône des « sanctions ». La Moudawana a accordé, à partir du 5 février 2004, une période de 5 ans aux couples en situation « irrégulière » pour qu'ils valident leur mariage auprès d'un tribunal. Le délai, expiré le 5 février 2009, restera sans conséquences, puisqu'il n'est justement assorti d'aucune mesure ou sanction. Une batterie de lois en faveur de l'émancipation de la femme Si sur le terrain le Code de la famille n'a pas encore tenu toutes ses promesses, il n'en demeure pas moins qu'au point de vue juridique le Maroc est en passe de battre le record des lois en faveur de l'émancipation de la femme dans la région. Chantier du moment : les organisations des droits de la femme espèrent arriver à introduire des sanctions contre les maris violents au Code pénal, qui est actuellement ouvert à révision. Le pays vient aussi de lever les réserves sur la Convention internationale de lutte contre la discriminions (CEDAW), avec laquelle il devra maintenant harmoniser toute sa législation. Ce n'est pas tout : Une loi sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes verra sous peu le jour. A la faveur des réformes introduites récemment dans le Code des élections, le taux de représentativité des femmes aux élections est aussi porté à 12% au moins. De même, le Code de la nationalité permet, depuis janvier 2007, à la femme marocaine de donner sa nationalité à son fils, privilège dévolu jusqu'ici au père.