Bien que, de façon globale, les choses avancent pour les femmes au Maroc, en particulier au niveau de la législation, les associations qui luttent en faveur des droits des femmes déplorent le fait que les mariages des mineures aient augmenté, en dépit d'une loi censée encadrer ce type d'union. Les archaïsmes mentaux ont la vie dure. Malgré les avancées incontestables réalisées depuis la promulgation du Code de la famille marocain, voilà déjà 5 ans, les textes se heurtent encore trop souvent à certaines pratiques ancestrales toujours en cours au sein de la société. Parmi celles-ci: le mariage des petites filles, violant ainsi la Convention internationale des droits de l'enfant, que le Maroc a ratifiée et qui fixe, comme le Code de la famille, à 18 ans l'âge minimum pour se marier – quel que soit le sexe. Seulement voilà ! Contournant de fait une convention internationale qui a pourtant préséance sur le droit national, le Code n'est lui-même pas inflexible sur la question du mariage précoce. «Le législateur a autorisé exceptionnellement le mariage précoce et l'a soumis à l'autorisation du juge sans que l'âge minimal ou les conditions de contraction de ce type de mariage ne soient précisés. Le résultat est que le mariage des mineurs est toujours pratiqué», souligne Fatiha Mesbahi, membre du bureau central de l'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH). Du coup, le mariage des filles mineures est loin d'être une exception. En 2007, sur 38 710 requêtes d'agrément de mariage de mineures, 33 560 ont été acceptées, soit 93,98% des demandes. Affinant les chiffres, on découvre que la justice a autorisé, en 2007, le mariage de 1900 filles âgées de 15 ans et de 159 filles âgées de 14 ans ! Cela n'a pas empêché le ministre marocain de la Justice, Abdelwahed Radi, le 8 janvier 2009, devant la Chambre des représentants de déclarer sans rire : cela «confirme une application saine des dispositions du Code de la famille». «Le fait qu'il existe des rejets de requêtes (environ 6%) démontre qu'il n'y a pas d'aval automatique». La justice a autorisé, en 2007 le mariage de 1900 filles âgées de 15 ans et de 159 filles âgées de 14 ans. Concernant les autorisations accordées au mariage de toutes les jeunes filles, Abdelwahed Radi ajoute : les requêtes ont été acceptées en raison de la «particularité de leurs conditions sociales». Oubliés, les élans généreux qu'avaient suscité la fameuse fatwa * : «un crime contre l'humanité, une atteinte aux droits de l'enfant et un appel au viol et à la pédophilie». La Ligue démocratique des Droits de Femmes (LDDF) dans son rapport annuel de 2007 s'indignait déjà qu'en fait, le mariage des mineures ait augmenté depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code de la famille en 2004, atteignant 10,30% des mariages en 2007. Sans compter que les bases sur lesquelles les dérogations sont accordées restent souvent floues. Des associations des droits de la femme dénoncent régulièrement des cas de violations des procédures. Bien souvent, indique le même rapport, «le contexte dans lequel s'effectuent l'écoute et l'enquête de la mineure, ne lui offre pas les conditions pour exprimer sa volonté de manière franche». Il est ainsi arrivé à l'organisation militante d'accueillir dans ses centres des filles qui ont accepté le mariage, car elles n'ont pas pu exprimer leur refus devant le fiancé, en présence de leur tuteur, par peur de la famille. Le juge s'étant basé sur l'observation (la structure corporelle de la fille) et non sur l'expertise dans le sens procédural stipulé dans l'article 20 de la loi. «Stratégies de contournement de la loi» Rabia Naciri, Présidente de l'Association Démocratique des Femmes du Maroc, interrogée par un confrère, estimait aussi bien pour les mineurs que pour certains hommes qui épousent une deuxième femme : on a souvent recours à des «stratégies de contournement de la loi». En fait, on met «le juge devant le fait accompli» après s'être déjà uni selon le rite religieux, qui est très largement accepté parmi la communauté. Le tribunal n'a alors d'autre choix que de bénir le mariage. La militante des droits des femmes pointe aussi du doigt le problème des «juges corrompus» et ceux qui privilégient les «valeurs patriarcales», dont ils se croient les dépositaires, aux dépens de la loi. «Il ne faut pas justifier l'injustifiable ! Les enfants sont sous la responsabilité des parents jusqu'à 18 ans, pas sous celle d'un mari !», s'emportait naguère Saïda Drissi Amrani, qui qualifie de «frustrés» et «malades» ceux qui cherchent des prétextes dans la religion pour faire passer leurs idées. ■