Je vous parle d'un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître ! En ce temps là, dans les années 1970, 1980 et jusqu'au début des années 1990, « L'Opinion » publiait en avant-première et en exclusivité nationale les résultats du baccalauréat. En fin d'après-midi, en plein été, entre fin juin et début juillet, des centaines d'étudiants et leurs familles s'attroupaient au 11 Avenue Allal Ben Abdallah, devant la porte d'entrée de l'ancien siège du journal ou dans la rue de derrière, juste devant l'imprimerie dans l'espoir d'être aux premières loges une fois que les rotatives des imprimantes se seront mises à tourner. Dès que les résultats étaient fins prêts au siège du ministère de l'Education Nationale, ils transitaient par les services de police - Dieu seul sait pour quelle raison - et puis ils arrivaient au siège de la rédaction de « L'Opinion ». Sur l'avenue, la rumeur enflait tandis que la tension montait de plusieurs crans, car ceux et celles qui n'arrivaient pas à se procurer un exemplaire dans le brouhaha et la densité de la foule restaient jusqu'aux environs de minuit dans l'espoir de se faufiler, jouer des coudes, et voir leur nom inscrit sur le numéro accroché à leur intention sur la vitrine. Il faut dire que la publication des résultats du baccalauréat par le journal « L'Opinion » suscitait énormément de remous et de jalousie chez certains confrères de la presse nationale qui s'imaginaient que cette publication se faisait avec une contrepartie financière, alors que « L'Opinion » offrait et proposait ce service gracieusement à tous les bacheliers. Evidemment, le journal en était gratifié par des ventes record, puisque les tirages plus que conséquents étaient systématiquement épuisés. Tels des reliques, les exemplaires de « L'Opinion » étaient en effet achetés et jalousement gardés par les familles des heureux lauréats du bac, des années durant. Aujourd'hui, à notre époque où les résultats du bac sont communiqués par un simple SMS aux candidats, de telles pratiques et de telles scènes paraissent certes d'un autre âge, mais c'était quand même un bel âge où le bac avait encore toutes ses lettres de noblesse. Hafid FASSI FIHRI