Alors qu'il avait pris une position hostile contre les journaux gratuits, le quotidien «Le monde» a ouvert ses rotatives à « 20 minutes ». Cet accord très surprenant répond en grande partie aux pressions d'un puissant syndicat. Après des mois de négociations, le quotidien gratuit «20 Minutes» a signé un accord pour être imprimé sur les rotatives du quotidien «Le Monde», rapporte le quotidien français «Libération» dans son édition du 18 août. L'issue de cette négociation surprend plus d'une personne. «Le Monde » a consacré en effet un édito au mois de février aux journaux gratuits. Il a fustigé cette concurrence déloyale. Ce qui s'apparente à un reniement satisfait une des principales revendications du syndicat Livre-CGT qui souhaitait voir «20 Minutes» imprimé dans une imprimerie dite «de presse», et non pas dans une imprimerie dite «de labeur» (magazines, livres, etc.). «Metro», le concurrent de «20 Minutes» est quant à lui imprimé en partie sur les rotatives de «France Soir». Ce journal n'a pas pris de position hostile à la presse gratuite. À signaler qu'une grande part des 450 000 exemplaires quotidiens de «20 Minutes» continuera d'être fabriquée sur une imprimerie de labeur. Les rotatives du Monde encombrées par plusieurs publications ne peuvent rouler pour «20 minutes» que le lundi et le mardi. Depuis son lancement en Ile-de-France, la distribution des quotidiens gratuits d'information a été très perturbée par le Syndicat du livre-CGT. «20 Minutes» a été particulièrement visé, parce qu'il est imprimé hors du système habituel. « 20 Minutes» est distribué par des colporteurs vêtus de coupe-vent et de casquettes bleues aux couleurs du journal. Il est disponible également sur des présentoirs, à l'intérieur de quelque 50 gares SNCF et de RER, conformément à un accord avec la régie France Rail Publicité. Inspiré de feu «Infomatin», «20 Minutes» propose, sur 32 pages en couleur, des articles courts sur des événements parisiens, nationaux et internationaux, ainsi que des informations culturelles et pratiques. «20 Minutes est un vrai journal, réalisé par des journalistes professionnels», qui a pour ambition de «répondre aux attentes d'un lectorat jeune, actif et urbain», écrit son directeur de la rédaction, Frédéric Filloux, un ancien de «Libération». À l'opposé de «Métro» qui sélectionne essentiellement des dépêches, «20 minutes» comprend des articles signés. Il appartient à 20 Minutes Holding qui est contrôlé par le principal groupe de presse norvégien, Schibsted, présente déjà dans cinq villes (Zurich, Bâle, Berne, Madrid et Barcelone). Pour prendre pied sur le marché hexagonal, ce groupe s'est allié au groupe Ouest-France, via ses filiales Spir Communication et Sofiouest. L'opposition, parfois musclée, aux journaux gratuits avait moins trait à leur gratuité qu'au système de leur fabrication et de leur distribution. Les plus farouches opposants aux journaux gratuits ne sont pas les journalistes, mais les personnes travaillant dans les imprimeries et les circuits de distribution. L'organisation syndicale du livre CGT est celle qui est passée à l'action, en entravant la distribution des gratuits. Elle exige que leur fabrication et leur distribution aient lieu dans le cadre du système en vigueur dans la presse payante. Un système fragile, qui accorde une place centrale au Livre CGT. Ce syndicat obtient donc gain de cause avec l'accord signé entre «Le Monde» et «20 minutes». C'est la position du journal « Le Monde» qui est surprenante à plus d'un titre. Il a dû plus céder aux syndicalistes du livre CGT, nombreux dans ses locaux, qu'à l'espoir d'un bénéfice. Un commentaire de cet accord dans les colonnes du «Monde» est très attendu.