Une fenêtre s'est ouverte dimanche à la télévision officielle algérienne permettant à Abdelaziz Bouteflika de faire un petit coucou -silencieux - aux Algériens. L'occasion est une rencontre avec son ministre des Affaires maghrébines. Ce dernier lui a remis un dossier que le président a eu du mal à tenir pour le laisser immédiatement choir sur la table. Scène pathétique mais qui a le mérite de montrer un Bouteflika vivant. Pas "très vivant", comme l'a déclaré dernièrement, non sans nervosité, le Premier ministre Abdelmalek Sellal, mais pas "très mort" non plus et c'est déjà ça. Le fait d'exhiber à la télévision un président mort-vivant est-il d'un quelconque apport alors qu'une crise profonde sur fond de guerre des clans ronge le régime et n'augure rien de bon ? De toute évidence, non. Au pouvoir depuis dix-huit ans, Abdelaziz Bouteflika, qui vient de fêter ses 80 ans et qui souffre des séquelles d'un AVC, n'est pas immortel et la logique voudrait que la question de sa succession ne soit pas un tabou, comme c'est bizarrement le cas en Algérie. Pourtant, la Constitution algérienne réglemente la question en accordant au président du Conseil de la Nation la charge d'assumer la fonction de chef de l'Etat durant quatre-vingt-dix jours au maximum au cours desquels une élection présidentielle est organisée. Ce n'est pas très compliqué, mais en Algérie les expériences passées montrent que la mise en oeuvre de cette mesure est toujours tributaire d'un préalable où les différentes forces au sein du système (armée, services spéciaux, partis politiques affidés...) épaulées par une opposition "utile", tombent d'accord sur un nom consensuel, avant de passer à des élections de façade. Si aujourd'hui la question de la succession de Bouteflika est un tabou en Algérie et que l'évoquer relèverait du sacrilège, c'est parce qu'aucun consensus n'a été établi jusqu'ici pour lui trouver un remplaçant, luttes intestines obligent. Il faudra alors s'attendre, au cas où Bouteflika venait à disparaître en l'absence d'un tel consensus, à ce q'un autre mécanisme soit actionné : une période transitoire dont l'armée, véritable détenteur du pouvoir, se verrait confier la gestion en la personne de son patron, Ahmed Gaïd Salah, le temps de mettre de l'ordre dans la demeure. Reste à savoir si le général Salah, dont les ambitions présidentielles sont connues malgré ses 80 ans, ne sera pas tenté du "j'y suis, j'y reste", lui qui, outre le contrôle absolu des troupes, détient aussi, depuis peu, celui de la majorité des services spéciaux.