L'acteur exerce-t-il un métier ordinaire? Pas le moins du monde. Celui à qui l'on demande constamment de changer de peau, d'intégrer d'autre personnalité que la sienne, de se livrer à un comportement qui lui est étranger, exerce certes un métier peu commun. Cela fait appel aussi bien à la sociologie qu'à la psychologie pour mieux cerner les spécificités de ce singulier métier. Incarner un facteur, un médecin, un concierge, un chauffeur de taxi, peut paraître une incarnation sans grande difficulté, tant que le travestissement est facilité par le maquillage, le costume, les dialogues, les gestes. Ce n'est pas aussi facile pour d'autres spécimens aux allures trompeuses. C'est le cas de ces malades, déséquilibrés mentaux et psychopathes qui inondent les films d'aujourd'hui. Révolu le temps des westerns, des films historiques ou romantiques, hissés au rang de légendes aussi bien en Amérique qu'en Europe, place aujourd'hui aux thrillers et films d'horreur où les personnages, s'ils ne sont pas de pures machines à tuer, s'avèrent des malades assoiffés de sang, tout à la ferveur d'un spectateur enthousiasmé à tort. L'acteur devant incarner le mal est choisi parfois selon son allure, simple, normale et insoupçonnable. Il s'agit d'un mal enfoui susceptible des plus éclatantes des surprises à l'adresse d'un public fervent de frayeur. "Le silence des agneaux" en a fourni le modèle. Film régulièrement plagié, il repose sur les prestances d'un acteur hors-norme en la personne du Britannique Anthony Hopkins. Dans les films précédents celui de Jonathan Demme, l'acteur n'attirait pas d'attention particulière et ne prétendait nullement devenir une star. Pour lui, "Le silence" va marquer un tournant et désormais il a cantonné des personnages obscures, introvertis, repliés sur eux mêmes, livrés à une vengeance incompréhensible. L'humanité toute entière est son ennemie. N'est-il pas devenu le roi des psychopathes que le public admire et en même temps craint?