Les grands défis ont ceci de particulier ; stimuler la motivation de prise de grandes décisions. Celle de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Amir Al Mouminine, de créer la Fondation Mohammed VI des Ouléma africains en est incontestablement une. Au-delà de ses caractères religieux et diplomatique évidents, c'est là un acte historique de dimension majeure, qui restera dans les annales. L'Islam d'Afrique s'organise, pour mieux s'affirmer et faire face aux courants idéologiques importés, qui n'ont amené au continent que sang et larmes, en semant les graines de l'intolérance, la haine, la division, et le chaos. Il s'agit, pour les Oulémas africains, cibles privilégiés des discours propagandistes des courants religieux extrémistes du fait de leur attachement aux véritables préceptes de l'Islam, de faire face et même de contre-attaquer. C'est leur rôle naturel que de dévoiler à la communauté des croyants du continent africain la nature dévoyée du discours religieux tenus par les courants extrémistes et de mettre en lumière les valeurs d'ouverture et de tolérance de l'Islam, et ce en offrant aux imams de leurs pays l'encadrement théologique dont ils ont besoin, afin accomplir au mieux leur mission de proximité. La création de la Fondation Mohammed VI des oulémas africains vient, donc, mettre à la disposition de ces derniers un cadre institutionnel adéquat pour coordonner leurs efforts et revenir sur le devant de la scène religieuse continentale, que les courants extrémistes cherchent à s'accaparer. Les fausses idées religieuses ne pouvant être combattues que par la connaissance des véritables fondements de l'Islam, la diffusion de cette connaissance relève, dès lors, du devoir. Progresser vers le niveau supérieur de la pensée islamique Porter cette confrontation idéologique à un niveau académique reviendrait à porter un coup fatal aux interprétations saugrenues, mais non moins dangereuses, des « muftis » de bazar autoproclamés. Ce rôle de gardien de l'orthodoxie religieuse, l'Université de la Qaraouiyine l'assumé des siècles durant, dans le Royaume comme au sud du Sahara, à travers la formation des oulémas, qui repartaient, à la fin de leur cursus académique, enseigner les sciences religieuses dans leurs contrées. Durant toute la moitié du siècle dernier et jusqu'à présent, des oulémas africains sont venus éclairer de leurs savoirs les causeries hassaniennes du mois de Ramadan. Oulémas marocains et africains sont, en effet, porteurs d'un patrimoine commun, dont les quatre constantes sont la doctrine achaârite, le rite malékite, le soufisme et la récitation du Coran selon la lecture de Ouarch. La Fondation Mohammed VI des oulémas africains est bien plus qu'une simple institution religieuse transafricaine destinée à contrer les influences néfastes de conceptions religieuses erronées, étrangères à la culture du continent. C'est aussi l'instrument idéal pour défendre et promouvoir les concepts théologiques et sagesses spirituelles, développés par les oulémas et cheikhs soufis africains, qui donne son cachet mystique spécifique à l'Islam en Afrique. Là encore, les Tariqa Tijaniya et Qadiriya, qui ont fait des millions de disciples en Afrique en partant du Maroc, ont tracé une voie soufie toujours suivie par les croyants en quête de sérénité spirituelle. Moderniser les liens historiques Les Oulémas de 19 pays africains ont participé à une réunion préliminaire portant sur la création de la Fondation Mohammed VI, qui s'est déroulée le 1er juin 2015, à Rabat, apportant leurs propositions, celles-ci ayant constitué autant de pierres au nouvel édifice. Des Alimates ont font également partie, la participation de la femme à l'encadrement religieux, étant une des caractéristiques notables du modèle marocain, ce qui représente en soi un choix civilisationnel adapté aux attentes des sociétés musulmanes africaines en matière d'instauration de la paix et de la sécurité et de promotion du développement. A la réussite de ce grand œuvre intellectuel, la possibilité de collaborer demeure ouverte à tous les oulémas africains qui n'ont pas pris part aux démarches préliminaires de la création de la fondation. La mission de la Fondation Mohammed VI des oulémas africains est vocation éminemment continentale, cette institution religieuse est donc appelée à se renforcer de sections à travers les pays africains. Afin de parer à toute mésentente et dans le respect du domaine de compétence des institutions religieuses des pays africains ou ces sections seront mises en place, le dahir royal stipule clairement que les sections à créer doivent se conformer aux législations et contextes locaux. Il ne s'agit pas de s'ériger en donneurs de leçons, comme se plaisent tant à le faire les courants religieux extrémistes, mais au contraire de collaborer afin de mieux servir la grande cause de l'Islam. Maintenant que la parenthèse coloniale, qui a mis en veilleuse mais non interrompu les relations entre le Royaume et les pays amis musulmans africains, est close, que les idéologies importées postindépendance ont démontré leur faillite, il est temps de revivifier les liens transsahariens tissés le long des millénaires, autant par les échanges commerciaux que culturels. La création juridique de la Fondation Mohammed VI des oulémas africains s'est faite par dahir royal, émis par Amir Al Mouminin, Commandeur des Croyants, publié au Bulletin Officiel du 25 juin 2015. L'annonce officielle de cette genèse a été célébrée en parallèle à la commémoration de Lylat Alqadr, la « Nuit du Destin ». Un acte et une date à fortes connotations symbolique, présages de temps nouveaux, ceux d'une Afrique musulmane qui se redresse de toute sa taille sur le champ religieux, culturel et civilisationnel, en élevant la confrontation idéologique à un niveau académique, de manière concertée et coordonnée entre oulémas africains.