Les victimes de Da'ech ne sont pas seulement humaines. 8.000 livres rares sont partis en fumée, dimanche 22 février, dans la bibliothèque de Mossoul, en Irak, emportés par la folie des jihadistes. Sur leur lancée, les combattants de Da'ech ont également brûlé, le même jour, une vieille église de Mossoul, l'église de la Vierge Marie, ainsi que le Théâtre de l'Université. En décembre, ils avaient brûlé une autre bibliothèque, celle de l'Université de Mossoul. Au début de la semaine, les combattants de Da'ech ont envahi la bibliothèque centrale de la ville irakienne de Mossoul et brûlé 8.000 livres rares, a indiqué le directeur de la bibliothèque Ghanim al-Taan. "Ils ont utilisé des bombes artisanales", raconte Ghanim al-Ta'an. Des responsables locaux ont tenté de convaincre les da'echiens d'épargner la bibliothèque. En vain. Fondée en 1921, à l'époque où l'Irak était placé sous mandat britannique, la bibliothèque renfermait des manuscrits araméens, des ouvrages sur la culture et l'histoire du XVIIIe et XIXe siècle, des livres syriens imprimés dans la première imprimerie d'Irak au XIXe, des livres de l'ère ottomane, des journaux irakiens du début XXe et des antiquités de l'Arabie préislamique, comme un astrolabe et un sablier. La bibliothèque a recueilli les bibliothèques personnelles de plus de 100 éminentes familles de Mossoul du siècle dernier. La Bibliothèque de Mossoul a déjà été pillée à plusieurs reprises, les premières fois par des bandes de maraudeurs, après la chute du régime de Saddam Hussein. En 2003, les habitants les plus aisés s'étaient mobilisés pour reconstruire la collection de la ville en rachetant les livres que les pilleurs tentaient de revendre. En décembre dernier, d'autres sites culturels comme une bibliothèque sunnite, l'Église latine et le monastère des Dominicains ont subi de lourdes pertes. En l'espace d'un mois, Da'ech a perpétré au moins trois attentats à l'encontre d'objets culturels. Après avoir mis le feu à plus de 2000 livres début février, puis à des instruments de musique en Libye, la semaine dernière, l'organisation terroriste récidive en brûlant 8000 ouvrages de la bibliothèque de Mossoul. Au cours du mois de janvier, les jihadistes avaient déjà organisé des autodafés de milliers d'ouvrages pillés dans une autre bibliothèque, celle de l'université. Selon des responsables locaux, depuis le début de cette terrible campagne d'autodafés, 100.000 livres ont été détruits au total dans la province d'al-Anbar, dans l'ouest de l'Irak. Selon certains libraires de Bagdad, les da'echiens ont à plusieurs reprises perpétré des autodafés de livres qu'ils jugeaient "contraires aux normes de l'Islam". Un combattant de Da'ech a déclaré que "de nombreux livres faisaient la propagande de l'athéisme et appelaient à désobéir à Allah". Voici pourquoi ces livres doivent être détruits". Entre-temps, le gouvernement irakien et les états-majors occidentaux continuent à concevoir des plans de libération de Mossoul. A cet effet, 20.000 soldats irakiens entraînés par des instructeurs américains s'apprêtent à lancer une offensive sur la ville. L'opération est prévue en avril ou en mai. Toutefois, l'annonce américaine d'une offensive de l'armée irakienne au printemps pour reprendre Mossoul, la deuxième ville d'Irak, à Da'ech agace à Bagdad et laisse sceptiques les experts. Da'ech contrôle Mossoul depuis l'offensive fulgurante qu'il a lancé, en juin 2014, au nord de Bagdad, et c'est de cette cité que son chef, Abou Bakr al-Baghdadi, a proclamé un "califat" sur les territoires conquis en Irak et en Syrie voisine. La reprise de Mossoul n'a jusqu'à présent pas été une priorité pour la coalition internationale dirigée par les États-Unis qui lance des raids contre les positions jihadistes depuis l'été dernier. Ces frappes ont cependant permis aux forces fédérales et kurdes de s'en rapprocher. Un responsable du Centcom, le commandement militaire américain au Moyen-Orient, a surpris en déclarant la semaine dernière souhaiter que les forces irakiennes lancent leur offensive sur Mossoul "en avril-mai", sauf si leur degré de préparation n'était pas suffisant. Dimanche 22 février, le ministre irakien de la Défense, Khaled Obeidi a semblé agacé à l'idée que le Pentagone ait fixé un calendrier pour la bataille de Mossoul. "Un responsable militaire ne devrait pas révéler le moment d'une attaque", a-t-il déclaré. "Le timing revient aux commandants militaires irakiens. D'où ce responsable américain tient-il cette information ? Je ne sais pas". Pour Hakim al-Zamili, un député et haut responsable de la milice chiite Sarayat al-Salam, il est bien plus urgent de libérer la province d'Al-Anbar, voisine de Bagdad, en grande partie aux mains de Da'ech. "Nous avons besoin de plus de temps pour reprendre Mossoul. Peut-être d'ici la fin de la l'année", a-t-il indiqué. "L'armée a besoin de plus d'entraînement, d'équipements et d'armes pour y arriver". "Nous voulons libérer Mossoul (...) mais il y a d'importants secteurs qui devraient être sécurisés avant et nous ne devrions pas nous dégarnir" en mettant toutes nos forces à Mossoul, selon M. Zamili. Cette ville à majorité sunnite située à 350 km au nord de la capitale, était habitée par près de deux millions de personnes avant juin 2014. Il y a dix ans, les États-Unis avaient dû mobiliser 10.000 soldats hyper entraînés pour reprendre aux insurgés la ville de Falloujah, à l'ouest de Bagdad, dont la population est dix fois inférieure à celle de Mossoul. Le défi de reprendre Mossoul "est énorme" et représentera "la plus grande opération que l'armée irakienne aura à mener depuis 2003", année de la chute de Saddam Hussein. Selon le responsable du Centcom, l'offensive sur Mossoul, tenue par "1.000 à 2.000" combattants de Da'ech, doit être menée par quelque "20 à 25.000" hommes. Les forces irakiennes constitueront la plus grosse partie des troupes, mais trois brigades kurdes participeront aussi à l'offensive, selon la même source. "Cela sera extrêmement difficile de réunir de tels effectifs des forces de l'armée et du ministère de l'Intérieur à Mossoul d'ici l'été 2015", estime un expert américain. Les États-Unis ont officiellement des centaines de soldats en Irak, avec la tâche de conseiller et entraîner l'armée irakienne, mais rien ne permet de dire que ce processus va s'achever rapidement. En dehors du fait que l'armée irakienne devra trouver les effectifs nécessaires, elle aura aussi besoin de faire d'énormes progrès sur le plan logistique pour coordonner et fournir différentes forces pour cette opération d'envergure.