S'agit-il de larmes de crocodile ou d'une crise de conscience quand le président du Front populaire ivoirien (FPI), Pascal Affi N'Guessan, appelle au pardon dans le procès qui se tient actuellement au palais de justice d'Abidjan (Côte d'Ivoire), dans le cadre du procès des proches de l'ancien président Laurent Gbagbo ? Faut-il voir dans cette stratégie une façon de se débiner de ses responsabilités dans les atrocités et les massacres qui ont eu lieu au lendemain des élections présidentielles, remportées par Alassane Ouattara, en 2010 ? Ou s'agit-il tout simplement de noyer le poisson à l'heure où le gouvernement ivoirien ne parle que de la réconciliation entre les fils du pays ? Toutes les hypothèses concordent à un déni de justice à l'égard des victimes, des milliers de familles endeuillées, des milliers de personnes handicapées pour le restant de leur vie, par cet appel au pardon. Car Affi N'guessan, dans sa défense, réfute les accusations d'appel à la violence. Le président du FPI se présente plutôt comme celui qui a tenté de trouver une solution à la crise, négociant dans les bureaux entre les différents acteurs politiques ainsi qu'avec les diplomates, loin des violences de la rue commises par les sympathisants de Laurent Gbagbo. Or, à l'époque des faits, comment peut-on imaginer, un seul instant, que le bras droit, sinon la tête pensante, de Laurent Gbagbo n'ait pas contribué à attiser la haine et la violence à l'égard des pensionnaires de l'hôtel Ivoire, encerclé par les chars et autres blindés, décidés à mettre le feu n'eut été l'intervention de la France sous l'égide des Nations unies ? Ou comment pouvait-il laisser son mentor quand celui-ci s'accrochait aveuglement à son fauteuil malgré la médiation internationale et les missions de bonne volonté ? D'ailleurs, il faudra qu'un jour le Président ivoirien actuel et Guillaume Soro, écrivent un mémoire pour décrire les semaines (en compagnie de leurs camarades de « geôle ») d'enfer qu'ils ont vécues dans cette bâtisse. Il est facile aujourd'hui, pour Affi N'guessan, de dire ne pas avoir de rancœur et appeler au pardon au nom de la réconciliation. Mais cette réconciliation ne pourra être juste, acceptable et équitable que si les bourreaux reconnaissent la vérité, rien que la vérité, avant de prétendre au pardon de la nation et des victimes. En la matière, la Commission vérité et réconciliation a fait un travail remarquable. On parle désormais de l'indemnisation des victimes. Une sorte de pacte patriotique, comme ce fut le cas en Afrique du Sud après l'apartheid. Seulement, la clique à Affi N'guessan doit être punie selon la rigueur de la loi pour que plus jamais pareilles monstruosités ne se reproduisent en Côte d'Ivoire, un pays considéré jadis comme un havre de paix. Aussi, peut-on le souhaiter, le cas ivoirien, au terme de ce procès, doit servir de leçon pour tous ces responsables africains qui ne connaissent que le pouvoir, au mépris de la démocratie, de la liberté et de la vie humaine. Car ils doivent comprendre qu'après le pouvoir, il y a une vie.