Modérée de manière professionnelle par la journaliste Farida Moha, le ministère chargé des Marocains résidant à l'étranger et des affaires de la migration a organisé le lundi 15 décembre 2014 à Rabat, la "Rencontre avec les compétences marocaines du monde sur le thème : quelle contribution des compétences MRE dans le développement du Maroc ?" La séance d'ouverture a été marquée par la participation de Anis Birou, ministre chargé des MRE et Lahcen Daoudi, ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, qui ont rappelé les grandes lignes de la politique de leurs départements en la matière. La première session, sans débat, avait pour thème : l'état des lieux et perspectives en matière de mobilisation des compétences marocaines du monde. La présentation a été faite par la directrice de la communication et de la mobilisation des compétences au ministère des MRE, ainsi que par le responsable de la cellule FINCOME au CNRST, relevant du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Si le bilan de l'action est déjà connu, ayant été maintes fois présenté, on aurait aimé que les interventions de ces responsables focalisent sur les leçons tirées de l'expérience et sur les choix retenus pour l'avenir. La présentation dans cette même session du programme TRQN III de l'OIM, était en fait une opération de "com" institutionnelle. La seconde session de la matinée a vu l'intervention des responsables de réseaux géographiques de compétences MRE d'Allemagne (DMK), des États Unis (AMCN), du Canada (FCMRC), de France (2 Rives et Synergie France-Maroc) et de réseaux thématiques de Belgique concernant les Compétences Médicales Marocaines du Monde. L'objet de cette session était de débattre des possibilités d'optimiser la contribution des compétences MRE au développement du Maroc. Dans cette optique et dans le cadre du débat général avec la salle, l'auteur de ces lignes a fait la courte intervention suivante, en focalisant sur certains messages. Prise de parole "Merci tout d'abord au ministère chargé des Marocains résidant à l'étranger et des affaires de la migrations, d'associer également à cet échange pluriel des chercheurs en migration qui sont à l'intérieur du Maroc. "On a beaucoup parlé depuis ce matin, de l'impératif de coordination des structures publiques qui interviennent dans le domaine des compétences marocaines à l'étranger, du besoin pressant de rationalisation de ces instruments d'intervention et de la nécessaire mutualisation des efforts. Les organisateurs de cet espace d'échange ont insisté également sur la nécessité de formuler des suggestions concrètes, à même d'optimiser l'efficacité des politiques publiques du Maroc en matière de mobilisation des compétences marocaines à l'étranger pour le développement de notre pays. "Dans cet esprit, je souhaiterai formuler brièvement quelques observations et présenter quelques suggestions. La première observation est la suivante. Nous sommes à quelques jours du septième anniversaire de la mise en place du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger, le 21 décembre 2007, jour où Sa Majesté le Roi a nommé à la tête de cette institution M. Driss El Yazami en tant que président, et M. Abdellah Boussouf comme secrétaire général. Placé directement auprès du Souverain, le CCME a, de par le dahir du 21 décembre 2007 portant création, une double mission : consultative et prospective. La dernière consiste à présenter au Roi un rapport stratégique tous les deux ans, relevant l'observation des évolutions prévisibles dans le domaine de l'émigration sur les plans politique, économique, culturel et scientifique. Ceci pour permettre aux gestionnaires du dossier migratoire, d'anticiper et de prendre les mesures qui s'imposent. Or il y'a lieu de constater avec grand regret, le fait que depuis sept ans, aucun rapport stratégique n'a été produit. "Plus importante encore, la mission consultative du Conseil consiste à présenter à Sa Majesté le Roi des avis consultatifs sur le champs très vaste des politiques publiques marocaines en direction des citoyens marocains à l'étranger, et notamment pour tout ce qui touche au domaine des compétences marocaines à l'étranger, sachant que parmi les six groupes de travail dont s'est doté le Conseil, un est dédié spécifiquement aux compétences MRE scientifiques, techniques et économiques pour le développement solidaire. Or dans sa globalité, la mission consultative n'est nullement assurée. Dans aucun des domaines touchant le vaste champs de la communauté marocaine résidant à l'étranger, aucun avis consultatif n'a été présenté après sept années d'existence du Conseil, alors que l'institution dispose annuellement d'un budget de 49 millions de dirhams, voté au Parlement, comme rubrique dans le cadre du budget de la Primature. "Devant ces défaillances manifestes et avec le respect que l'on doit à tous les responsables chargés du suivi de dossiers d'intérêt national comme celui de la communauté marocaine à l'étranger, il serait hautement souhaitable que le Cabinet royal, qui aide Sa Majesté le Roi dans l'accomplissent de sa mission de Guide suprême de la Nation, fasse le point de la situation pour tirer les enseignements appropriés. "Relevons par ailleurs que la Constitution marocaine rénovée de Juillet 2011, a introduit cinq articles très importants en faveur des Marocains résidant à l'étranger. Dans le cadre de la démocratie participative, l'article 18 a prévu d'associer les MRE à toutes les institutions consultatives du pays. Mais, on constate que ceci n'a pas été le cas pour les conseils mis en place entretemps comme le Conseil économique, social et environnemental, le Conseil de la Concurence, le Conseil de l'Enseignement. "Par ailleurs, l'article 163 de la loi suprême du pays a consacré la constitutionalisation du CCME qui appelle à l'adoption d'une loi le concernant. Sur ce plan et en dépit de l'engagement pris par le gouvernement dans le cadre du "Plan législatif", d'opérationnaliser l'article 163 à travers la préparation d'un projet de loi, durant la période 2013-2014, on constate que cette responsabilité n' pas été assumée, "Par contre, des groupes parlementaires à la Chambre des représentants ont pris leurs responsabilités. C'est ainsi que quatre propositions de loi concernant le CCME ont été déposées : PAM (juillet 2013), USFP (février 2014), Istiqlal (avril 2014) et partis de la majorité à la mi-novembre 2014. Mais jusqu'à présent, la Commission des Affaires étrangéres,de la défense nationale et des MRE, n'a pas encore inscrit ce dossier à son ordre du jour.Voilà pourquoi, à l'adresse des parlementaires présents parmi nous, nous souhaitons l'activation de la procédure d'examen de ces propositions de loi. "Une autre observation concerne l'intitulé du thème de la rencontre qui nous réunit : "Rencontre avec les compétences marocaines du monde: quelle contribution des compétences MRE dans le développement du Maroc?". A notre sens, cette contribution au développement ne devrait pas s'entendre uniquement au plan scientifique, technologique, économique et social'. Le développement a aussi des dimensions politiques, démocratiques et institutionnelles. De ce point de vue, les compétences marocaines à l'ètranger, sont également des compétences citoyennes par rapport au Maroc. Dés lors, on ne devrait pas les considérer uniquement au travers de leur "citoyenneté économique", mais aussi à travers leur citoyenneté politique, en les reconnaissant comme citoyens marocains à part entière, disposant notamment de leurs droits politiques pleins et entiers par rapport au Maroc. "Sur ce plan, on marquera notre désaccord total avec les propos tenus tout derniérement à Paris, lors d'une conférence publique, par le Chef du gouvernement Abdelilah Benkirane sur le thème de la participation politique des MRE. Benkirane a reproché aux MRE de revendiquer leur représentation au parlement marocain, en leur demandant d'attendre que les conditions soient réunies. Or, comme il l'a déjà exprimé à Rabat, à l'occasion du 10 août, Journée nationale de l'émigré, le Chef du gouvernement fuit ses responsabilités de par ses attributions constitutionnelles, l'énoncé de l'article 17 de la Constitution et les multiples discours royaux en faveur de la pleine citoyenneté des Marocains résidant à l'étranger, depuis le discours royal fondateur du 6 novembre 2005. "Dans ce domaine, le Chef du gouvernement devrait cesser de pratiquer le double discours, puisque le groupe parlementaire de son propre parti, le PJD, a déposé après ceux de l'opposition (USFP et Istiqlal), des amendements à la loi organique de la Chambre des Représentants, tendant à la députation des citoyens marocains à l'étranger.Voilà pourqoui, nous formulerons une dernière suggestion. Il serait hautement souhaitable que pour toute la législation concernant le dossier MRE, qu'un débat national soit organisé par le Parlement avec l'implication étroite notamment de la société civile MRE, qui recèle de hautes compétences en la matière" (Fin de l'intervention). Respecter aussi la Convention de 1990 de l'ONU Le rappel de ces propos, n'a que plus de sens à l'occasion de la célébration de la Journėe internationale des migrants, en commémoration de l'adoption par l'Assemblée générale de l'ONU, le 18 décembre 1990, de la Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, convention que le Maroc a été le second pays dans le monde à ratifier. L'article 41 de cette convention internationale stipule notamment : " les travailleurs migrants et les membres de leur famille ont le droit de prendre part aux affaires publiques de leur État d'origine, de voter et d'être élus au cours d'élections organisées par cet État, conformément à sa législation" L'article 17 de la Constitution marocaine adoptée en juillet 2011 par référendum auquel ont participé également les citoyens marocains à l'étranger, et qui constitue la loi suprême du pays, n'est-il pas clair là-dessus ? Rabat, le 18 décembre 2014 *Universitaire à Rabat, chercheur spécialisé en migration