Cause essentielle de l'immigration lorsqu'elle sévit dans le pays de départ, la crise économique l'est aussi quand elle frappe le pays de résidence en inversant le flux dans le cadre d'un retour qui s'effectue comme un voyage sans fin. « La migration de retour vers le Maroc : Un voyage sans fin » est l'intitulé de l'étude de Myriam Cherti publiée également dans la dernière éditions de « Marocains de l'extérieur » 2013 de l'Observatoire de la Communauté Marocaine à l'Etranger. Ces dernières années, des milliers de personnes ayant émigré vers les pays européens ont commencé leur retour dans leurs pays d'origine après avoir perdu leur travail à cause de la crise financière et économique dont souffre la zone euro. Certains de ces expatriés ont passés des décennies à construire l'économie européenne et ont dû retourner dans leurs familles les mains vides, alors qu'auparavant ils étaient une source de devise forte à la fois pour leur famille et pour l'économie locale. On ne dispose pas de chiffres exacts sur le nombre de Marocains résidant légalement à l'étranger et qui sont rentrés au Maroc ces dernières années, en particulier depuis la crise économique. Toutefois quelques estimations selon les différents pays de résidence existent. Par exemple, selon des estimations préliminaires, environ la moitié des 800.000 immigrés marocains (la plupart originaires du nord du Maroc) travaillant en Espagne ont perdu leurs emplois. Le taux de chômage des Marocains en 2010 a battu des records chez les immigrés (47%), ce qui représente plus de 265.000 Marocains qui étaient au chômage selon un rapport du ministère espagnol de l'emploi. Alors qu'en 2011, le nombre de chômeurs marocains a atteint les 400.000 personnes en Espagne, 62% ayant moins 25 ans et 38% plus de 40 ans (d'après l'Institut de recherche de la bourse espagnole). Le Gouvernement espagnol a commencé à attribuer des compensations financières à ceux qui accepteraient de quitter le pays et renonceraient à leur résidence en Espagne. On estime qu'environ 100.000 personnes ont déclaré vouloir quitter volontairement ce pays. La plupart de ces personnes travaillaient dans les secteurs de la construction, du tourisme et de l'agriculture et certains d'entres eux n'arrivaient plus à payer leurs factures. La situation de l'Italie n'est pas tellement différente de celle de l'Espagne. 30% des immigrés dans ce pays ont ainsi perdu leur travail à cause de la crise, surtout parmi les Marocains qui constituent la première communauté non européenne en Italie. Ils font face à des problèmes qui découlent de la dette publique, de la croissance économique en déclin, de la hausse du chômage et de la hausse du nombre des personnes demandant des aides sociales. Les marchés de Fkih Ben Salah regorgent de marchandises provenant d'Italie et introduites au Maroc. Elles ont été importées par des migrants, qui ayant perdu leur travail, ont décidé lors de leurs retours au pays de vivre de la vente de ces marchandises dans la rue. Ces migrants critiquent le gouvernement marocain du peu d'attention porté à leur cas et réclament des projets industriels et commerciaux locaux qui leur permettraient de mettre en oeuvre l'expertise acquise à l'étranger. Les chiffres des immigrés marocains résidant en Europe en situation irrégulière sont, par définition, plus difficiles à produire. Toutefois, à partir du nombre d'expulsions forcées, de régularisations et de retours volontaires assistés, on peut se faire une idée sur l'importance de ce phénomène. La population marocaine en situation irrégulière en Europe est concentrée dans les pays de l'Europe du Sud. Ceux en situation irrégulière qui ont été expulsés d'Espagne représentent environ les deux tiers (65%) des immigrés marocains en situation irrégulière expulsés des 27 pays membres en 2010. Les pays expulsant le plus d'immigrés marocains en 2010 ont été la France puis l'Italie. Le Royaume-Uni, représente le neuvième pays ayant expulsé le plus d'immigrés marocains (MIREM 2012, Robert Schuman Centre for Advanced Studies 2012). Plus de 297.000 immigrés marocains en situation irrégulière ont bénéficié de campagnes de régularisation qui ont eu lieu en Espagne et en Italie entre 1990 et 2005 (Mghari 2006). Et si ce chiffre illustre le nombre considérable de Marocains ayant régularisé leur situation, il démontre aussi l'importante population en situation irrégulière, à la fois dans le passé et, selon toute probabilité, dans le présent. Le bureau des statistiques européennes Eurostat, produit des données annuelles sur les immigrants qui ont quitté l'UE à la suite d'un ordre d'expulsion. Après une augmentation significative entre 2002 et 2006, le nombre de Marocains s'est stabilisé ces quatre dernières années (2008-2011). En 2008, le nombre de Marocains ayant quitté l'UE à la suite d'un ordre d'expulsion était de 16.020, soit 8% des 243.110 personnes toutes nationalités confondues ayant quitté l'UE, alors qu'en 2011 ce nombre est tombé à 7%, 14.160 sur 194.050 (Eurostat 2012). Le nombre de retours au Maroc par le biais du retour volontaire assisté et de la réintégration (AVRR1) demeure relativement bas. Le nombre de Marocains ayant bénéficié de ces retours sur la période 2000 à 2011 est de 281 seulement. En dépit du fait que les expulsions restent le premier recours pour la plupart des Etats membres afin de gérer les populations en situation irrégulières, un accord général semble établi sur le fait que l'AVR2, le retour volontaire assisté, « imposé » ou « choisi », reste la meilleure option à la fois pour les Etats membres européens et pour les immigrants de retour au pays. C'est plus digne et plus humain pour l'immigré et plus rentable pour les Etats membres, plus viable qu'un retour forcé et cela ne nécessite pas la même collaboration entre les Etats comme dans le cas de retours forcés. Bien qu'il soit compliqué d'avoir des chiffres exacts, le coût des retours forcés est généralement environ 10 fois plus élevé qu'un AVR (Black et al 2011). Les politiciens ont aussi besoin de donner plus de considérations aux questions de soutiens aux retours spontanés (sans implication des autorités) d'immigrés en situation irrégulière. A la suite de son retour, la question de la réintégration du migrant devient primordiale. La réintégration reste une question controversée, qu'il s'agisse de retour de migrants en situation régulière ou irrégulière. L'OIM mesure la durabilité du retour en utilisant des indicateurs de retour au pays (par exemple, si les migrants retournés sont restés dans le pays d'origine depuis au moins un an) et des indicateurs d'intégration sur le marché du travail.