Le secret derrière le mythe de «Nass El Ghiwane» et son succès populaire durant plus de quatre décennies réside dans la capacité de ses membres à sublimer leur ‘'folie'' et dans leur anarchie créatrice, a révélé Omar Sayed, un des fondateurs de la formation. Dans une interview donnée à la MAP, il ajoute que le groupe a su se démarquer et s'imposer sur la scène nationale et ailleurs, en tirant profit des différences dans le tempérament de ses membres et leur singularité artistique, jusqu'à même s'interroger lui-même sur cette longévité exceptionnelle et ce, malgré le poids des années, le changement des goûts musicaux d'une génération à l'autre et également et surtout la maladie et la disparition précoce de plusieurs membres du groupe. Mais le leader de ce groupe mythique ne reste pas longtemps en proie à cette interrogation. Il pense plutôt que le secret derrière le succès phénoménal de Nass El Ghiwane et leur immortalité réside en fait dans leur fragilité. «Le groupe Nass El Ghiwane puise sa force dans sa fragilité comme cela est d'ailleurs le propre de l'artiste, profondément sensible et toujours en perpétuelle remise en cause face au doute et aux questionnements existentiels», dit-il, en réaffirmant que la «folie» ainsi que la sensibilité spirituelle des membres du groupe ont apporté une grande richesse à leurs œuvres. Il n'oublie pas aussi l'apport considérable de leur quartier d'appartenance, en l'occurrence Hay El Mohammadi qui représente un creuset de cultures, de musiques et des traditions reflétant toute la richesse et les diversités culturelles du Maroc. Nostalgique mais pas amer. Omar Sayed se laisse submerger par les souvenirs à l'évocation de ses compagnons de route disparus très tôt, trop tôt et ceux encore qui luttent contre la maladie. D'abord, le sémillant et le généreux Boujmiaâ mort alors qu'il avait à peine 27 ans. Pour Omar Sayed, il était un artiste précoce d'une grande éloquence, acquise certainement sur les planches du théâtre. Feu Larbi Batma, le fou et le sage. En un mot «Majdoub El Ghiwane», Abderrahmane Paco, «un artiste qui en vaut dix» et qui était doté d'un charisme ravageur. Et enfin, Allal qui lutte toujours contre la maladie, un virtuose et un multi-instrumentiste qui représente à lui seul une école musicale. A la question, comment est-il possible d'assumer le rôle de leader d'un groupe qui compte autant de monstres sacrés et de bohémiens invétérés ? Omar Sayed répond en toute modestie, qu'il a pu relever ce défi en partageant un peu de leur folie. Nass El Ghiwane, un groupe très populaire ici et ailleurs et très respecté par les artistes de toutes les nationalités, aurait pu encore atteindre une popularité planétaire s'il disposait d'une véritable direction artistique et une stratégie de communication, note-t-il, en disant que le groupe ne s'en souciait guère car l'important était avant tout de chanter pour et devant un public en transe. Par ailleurs, Omar Sayed ne semble pas être un adepte de la fusion musicale qui «fait feu de tout Hautbois», citant, à ce sujet, l'échec rencontré par une compilation réalisée par une société de production sans même l'accord du groupe «Nass El Ghiwane». Toutefois, Omar Sayed s'est dit très satisfait d'une représentation en fusion donnée par le compositeur et arrangeur algérien Safi Bouttela lors d'un hommage rendu à Nass El Ghiwane dans une précédente édition du festival Mawazine Rythmes du monde. Une compilation de bonne facture qui sera prochainement dans les bacs, a-t-il annoncé, réaffirmant aussi que le groupe est très fier de l'estime et l'admiration que leur vouent le cinéaste américain Martin Scorsese qui s'est, à maintes fois dans ses films, inspiré de Nass El Ghiwane après avoir découvert leur musique dans le film «Transe» (Al Hal) réalisé par Ahmed Maanouni. Et le mythe perdure avec à l'horizon des airs d'un autre genre puisque le groupe s'apprête à lancer un nouvel album qui comprend pour la première fois une chanson en amazighe. L'occasion pour Nass El Ghiwane d'entamer une nouvelle lancée et surtout de célébrer la diversité et la richesse culturelles et linguistiques de leur pays tant aimé. Au grand plaisir de tous les amoureux de Nass El Ghiwane, de 7 à 77 ans.