Une création entre Safy Boutella et Nass El Ghiwane a été pensée pour le 10e anniversaire du festival Mawazine. Le concert événement du 22 mai à El Menzeh a attiré plus de 2500 spectateurs. Une création entre Safy Boutella et Nass El Ghiwane a été pensée pour le 10e anniversaire du festival Mawazine. Le concert événement du 22 mai à El Menzeh a attiré plus de 2500 spectateurs. Les duos et les fusions musicales ont souvent un parfum attendu. La création inédite signée par Safy Boutella, qui a posé sa veine de compositeur hors pair sur les plus célèbres tubes de Nass El Ghiwane pour le dixiéme anniversaire du festival Mawazine, détonnant à plus d'un titre, reste un événement. Une alliance forte, celle de la rencontre de deux esprits, de deux entités, de deux pays : la vitalité algérienne et la sagesse marocaine. L'aventure artistique débute en septembre 2010. Les organisateurs du festival Musique et Rythmes du Monde, qui n'ont pour le moment communiqué aucun nom, souhaitant entretenir le mystère, demandent à Safy Boutella de travailler le répertoire du mythique groupe marocain, apparu dans les années 70 et surnommé, depuis, les «Rolling Stones» du Maroc. « J'ai d'emblée compris qu'il s'agissait de quelque chose qui aurait une forte résonance. Ce n'était pas un simple arrangement pour un chanteur de pop ou de raï. Nass El Ghiwane chantent la justice, la conscience des peuples, la terre, avec une vraie poésie », explique Boutella. C'est ce que retiennent aussi Nass El Ghiwane à l'issue de cette rencontre avec le compositeur algérien, connu pour avoir révolutionné le raï avec Kutché , album culte de Khaled ayant porté ce son aux yeux du monde. Omar Sayed, au départ réticent, est finalement séduit après avoir écouté le premier résultat : cinq chansons arrangées par Boutella : « Je savais qu'il était un grand musicien, il a réussi à respecter la structure de notre répertoire alors qu'un orchestre philarmonique était également prévu pour cette création », précise le leader de la formation. Lorsqu'on demande à Safy Boutella et Omar Sayed, ce qu'ils retiennent de cette aventure humaine lors de la conférence de presse qui se tient à la Villa des Arts de Rabat le 22 mai, le compositeur n'hésite pas à déclarer « qu'en trente ans de carrière, je n'ai jamais été autant touché par un projet et une rencontre. Je remercie Maroc Culture, car aux côtés de Nass El Ghiwane, j'ai appris l'humilité, la simplicité, la force musicale ». Fidèle à son franc-parler et à sa verve, Omar Sayed confie à la presse que cette conférence est la plus chic de sa longue carrière. « D'habitude on n'a même pas de toilettes à proximité du concert, on pisse dans une bouteille ou sous la scène ! » Le philosophe Sayed poursuit en soulignant que Nass El Ghiwane était à son apparition un groupe pionnier à travers la dimension sociale, humaine de ses textes : « Je suis foncièrement engagé dans l'art. Notre cause, c'est l'art ». Autre élément de taille qui marque notamment cette rencontre, et renvoie à un symbole fort, le fait que Safy Boutella, Algérien et Nass El Ghiwane, Marocains, s'unissent dans un tel projet, alors que depuis plusieurs décennies l'idée d'un Maghreb uni est toujours rêvée : « Les chansons de Nass El Ghiwane doivent survivre, particulièrement dans le contexte actuel de nos pays. Elles doivent être chantées en Tunisie, en Algérie et même en Europe. Ce sont des textes fondateurs, porteurs d'un message », précise Boutella. La répétition du concert se déroule quelques heures plus tard, en milieu d'après-midi au parc El Menzeh. Le Soir échos y assiste en temps réel, grâce à la générosité de Safy Boutella. Plus d'une vingtaine de personnes sont présentes sur scène : Sayed et Rachid Batma, les musiciens aux cordes et Victor Wooten à la basse ; Boutella est d'abord au clavier puis à la guitare. Saïda Fikri est au micro. Les premiers spectateurs sont déjà là, les premières notes d' « Allah Ya Moulana » flottent au rythme de l'air marin fouetté par l'océan. Boutella, électrique à l'issue des ces deux heures, craint qu'il n'y ait pas de monde au concert qui se tiendra dans moins de trois heures. Il est 21 heures et on ne distingue plus l'espace du parc El Menzeh ; le quartier a investi le devant de la scène, plus de 2 500 personnes sont debout pour entonner de concert, les tubes de Nass El Ghiwane. Le Maroc est debout, le Maroc est fier et fidèle, c'est finalement lui la star de la soirée, Batma cesse de chanter face aux spectateurs entonnant d'une seule voix le célèbre et cher répertoire du groupe. Les photographes ne shootent plus les artistes mais se tournent et mitraillent le peuple de leurs flashes…