Le projet est de taille : apporter une touche moderne au répertoire du groupe mythique Nass El Ghiwane. C'est une idée originale de l'association Maroc Cultures, organisatrice du festival Mawazine, qui voulait rendre hommage au célèbre groupe. Pour réussir ce projet artistique inédit, Maroc Cultures a fait appel à Safy Boutella. C'est ainsi que l'artiste algérien s'est attaqué, il y a sept mois, au répertoire des Ghiwane. «Lorsque les organisateurs de Mawazine m'ont proposé d'orchestrer ce projet, j'ai accepté volontiers. C'est un vrai bonheur de travailler sur un répertoire aussi riche que celui de Nass El Ghiwane. C'est un répertoire qui sent la terre, la sécheresse... et qui a surtout une dimension émotionnelle», nous confie Safy Boutella. Comment enrichir les orchestrations tout en restant fidèle à l'âme de Nass El Ghiwane? «Je me suis toujours posé la question suivante : comment attaquer ce répertoire ? J'ai commencé à travailler étape par étape, en harmonisant avec discrétion les rythmes, en soulignant la force de ces rythmes et surtout en sublimant les moments où l'on parle de l'injustice, de la misère...», ajoute le musicien algérien. «Ghir Khoudouni», «Ma hemouni», «Allah Ya Moulana»... ont été revisités par Boutella qui a travaillé ces morceaux «avec beaucoup de respect». Au total, ce sont six titres qui ont été (re) travaillés par Safy Boutella. «Vous savez, avant d'entamer les répétitions, j'ai demandé à Maroc Cultures de faire écouter ces nouveaux arrangements à des puristes qui aiment Nass El Ghiwane», précise-t-il. La surprise est de taille : les membres de la troupe ainsi que ces puristes ont succombé au charme de l'écriture musicale de Boutella. Juste après, les Ghiwane, avec à leur tête le fameux Omar Sayed, Safy Boutella et Saïda Fikri se sont attelés à la besogne. Des répétitions avaient lieu tous les après-midi à Casablanca, afin d'être prêt au rendez-vous. «La participation de Saïda Fikri est importante pour nous. Elle apporte une touche féminine au projet», explique Omar Sayed, très satisfait du résultat de cette collaboration. «Cette résidence artistique est une belle façon de nous rendre un hommage... Je tiens à préciser que ce projet n'enlève rien au cachet traditionnel et authentique de notre répertoire. Ce n'est qu'une aventure artistique mise en place pour fêter le 10e anniversaire de Mawazine», souligne Rachid Batma. Bref, «Nass El Ghiwane par Safy Boutella» programmé dimanche soir à l'Espace El Menzeh (Yacoub El Mansour) demeure parmi les surprises de cette nouvelle édition de Mawazine. Un spectacle qui a volé la vedette aux autres concerts de la soirée. «Nous tenons à préserver l'authenticité de notre répertoire»Omar Sayed : artiste membre de Nass El Ghiwane Les Echos Quotidien : Pourquoi avoir accepté un projet artistique qui risque de toucher à l'authenticité de vos chansons ? Omar Sayed : Préserver notre authenticité a été depuis toujours notre principal souci. La force de Nass El Ghiwane est dans leur simplicité. Nous utilisons, depuis 43 ans, des instruments traditionnels, ce qui fait d'ailleurs notre particularité. Cette année, le festival Mawazine qui souffle sa 10e bougie a décidé de nous rendre hommage, en mettant en place ce projet artistique, avec Safy Boutella. Nous avons accepté d'entamer cette aventure, qui prendra fin après ce festival. Ce n'est qu'une expérience qui n'aura aucun impact sur notre répertoire. Concrètement, comment se sont passées les répétions avec Safy Boutella ? Le projet date de plus de sept mois. Boutella, qui est un grand musicien, nous a soumis son projet depuis un bon moment. Je peux vous assurer que nous avons été surpris par le résultat. Bref, toutes les personnes qui participent à ce projet inédit, notamment la chanteuse Saida Fikri, se sont impliquées pour le réussir. On reproche souvent à Mawazine de «dénigrer» l'artiste marocain. Qu'est-ce que vous en pensez ? Nous nous sommes déjà produits dans le cadre du festival Mawazine. Nous n'avons jamais remarqué le moindre dénigrement de la part des organisateurs. Vous savez, on parle de la différence qui existe entre les cachets des artistes étrangers et marocains. Ce sujet me fait rire, car on ne peut pas en tant qu'artistes marocains, demander le même cachet que celui de Joe Cocker, par exemple. Je ne suis pas en train de remettre en question le talent de nos artistes, mais plutôt d'aborder le sujet sous un angle logique et raisonnable.