Le secrétaire d'Etat américain John Kerry rencontrait mardi les dirigeants kurdes pour tenter de pousser à une entente entre les différentes forces politiques d'Irak et éviter au pays de se désintégrer face à l'offensive des insurgés sunnites avançant vers Bagdad. Les insurgés, menés par le groupe ultra radical de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), ont affermi leur autorité sur plusieurs pans du territoire irakien dans le nord, l'ouest et l'est du pays dans une offensive fulgurante face à une armée faible, provoquant des réactions alarmistes dans la région et le monde. M. Kerry est arrivé à Erbil, la capitale du Kurdistan (nord) après avoir promis lundi à Bagdad un soutien «intensif» pour enrayer l'opération jihadiste qui a déplacé des centaines de milliers d'Irakiens et mis sous forte pression le Premier ministre chiite Nouri al-Maliki, dont la politique confessionnelle a été mise en cause dans la crise. Sa mission s'annonce néanmoins ardue, le président kurde Massoud Barzani appelant à la démission M. Maliki qui semble vouloir se maintenir au pouvoir malgré les critiques le visant de toutes parts. «Comme tout le monde le sait, il s'agit d'un moment très critique pour l'Irak, et la formation d'un gouvernement est notre principal défi», a affirmé M. Kerry devant le président kurde. Les profondes divergences qui minaient le pays bien avant l'offensive jihadiste empêchent la formation d'un nouveau gouvernement, issu des élections d'avril où le bloc Maliki était arrivé en tête. Et sa formation est devenue plus urgente après l'assaut. Pour ajouter à la confusion, les forces kurdes avaient pris plusieurs secteurs après le retrait de l'armée face à l'avancée des insurgés, notamment la ville multi-ethnique et pétrolière de Kirkouk, que les Kurdes veulent incorporer à leur région autonome. ‘L'Irak se désintègre' «Nous vivons aujourd'hui une ère différente», a dit M. Barzani en rendant, dans une interview à la chaîne américaine CNN, M. Maliki, «responsable de ce qui est arrivé» en Irak. «L'Irak est clairement en train de se désintégrer et il est évident qu'un gouvernement fédéral ou central a perdu le contrôle sur tout», selon lui. M. Kerry, pour qui l'offensive jihadiste représente une «menace existentielle» pour l'Irak, a promis un soutien plus «efficace» si les forces politiques oeuvrent pour l'unité du pays. Le président Barack Obama a annoncé la semaine dernière l'envoi de conseillers militaires pour aider l'armée, mais a exclu dans l'immédiat des frappes aériennes comme le voulait Bagdad. Mais il n'est pas question pour les Etats-Unis d'envoyer des hommes au sol en Irak, où un lourd engagement militaire américain de huit ans (2003-2011), qui avait renversé le président sunnite Saddam Hussein, avait coûté la vie à des milliers de GI's. Après l'Irak, M. Kerry doit se rendre à Bruxelles pour une réunion ministérielle de l'Otan prévue en soirée, puis à Paris. Il s'était auparavant rendu en Egypte et en Jordanie, pays voisin de l'Irak qui a renforcé son dispositif sécuritaire à la frontière de crainte d'une contagion. Lundi, les insurgés se sont retirés du poste-frontière d'Al-Waleed avec la Syrie, repris par les forces armées qui tentent de combattre les jihadistes mais sans parvenir à stopper leur progression. Ces derniers s'étaient emparés auparavant de la cité de Tal Afar dans la province de Ninive, et de son aéroport, après avoir pris de nouvelles localités de la province stratégique occidentale d'Al-Anbar, dont un poste-frontière qu'ils contrôlent toujours.