Comment arriver à attirer l'attention des pouvoirs publics sur la situation précaire dans laquelle sévissent quelques uns de nos artistes? En effet, on est parfois choqué à la vue d'un artiste: comédien, cinéaste, musicien ou peintre qui, pour de multiples raisons, se trouve aujourd'hui dans un besoin matériel pressant. On est doublement affecté quand il s'agit d'une figure familière, publique, qui a servi le Maroc et les Marocains à sa manière, en développant pour eux toutes ses capacités artistiques en vue de les amuser ou les éclairer. Nous les rencontrons à l'occasion de festivals, dans les rues, dans les cafés et autres lieux publics, prêts à tendre la main, laissant de coté leur dignité et la fierté de la scène et de l'écran. C'est hélas une réalité de presque tous les jours que, ni l'artiste ni les humbles citoyens que nous sommes, sommes disposés à oublier. Les artistes, personnalités publiques par excellence, bénéficient d'un statut social particulier, et il revient à l'Etat de prendre en considération leurs situations en instaurant une législation adéquate et efficace pour éviter de tels drames. Les historiens retiennent l'exemple de la France, en la personne de Georges Méliès, inventeur et artiste de renom, pionnier avant l'heure, qui, à la suite d'une faillite, s'est retrouvé vendeur de jouets à la gare de Montparnasse, objet d'un courant d'air permanent. La mairie de Paris, touchée par la situation de l'illustre citoyen, a fini par faire un geste en plaçant le génie créateur en maison de retraite pour lui garantir au moins une mort digne. Le cinéaste américain Martin Scorsese rend si bien compte de cette situation dans son récent film «Hugo Cabret», réalisé en guise d'hommage à cet homme unique dans son genre. Plus près de chez nous, Mohamed Lagnous, magicien de cabaret, mais surtout comédien principal de Mohamed Ousfour, ayant côtoyé Harry Baur au sommet de sa carrière, a fini ses jours dans la peau d'un «clochard» dans les rues de Rabat, dans une allure méconnaissable voire pire que la situation de son personnage «El Oufir» du célèbre film «L'enfant maudit». Les critiques et journalistes de la capitale n'ont peut-être jamais soupçonné qu'il donnaient la charité à un comédien dont le nom est définitivement retenu par l'Histoire du cinéma au Maroc. Lagnous ne constitue nullement un cas isolé, car nombreux malheureusement les cas similaires à celui de Lagnous, à Casablanca, à Marrakech et à Tanger, où des comédiens, amuseurs de foules autrefois, se retrouvent maudits par le destin, condamnés à solliciter la générosité de leurs concitoyens bien loin de leur bravoure, héroïsme et autre gloire utopique que procure l'écran.