Quoique le signe soit introduit déjà dans l'image mythique, la figuration symbolique prédomine en général dans les représentations primitives et antiques ; elle est issue essentiellement du mythe et de la pensée mythique, non pas pour les expliquer où les justifier, mais pour les exprimer avant tout et les faire transmettre. Les rites et les coutumes Les rites et les coutumes, des systèmes symboliques par excellence, peuvent être interprétés comme des images symboliques ; ils sont archaïques par essence, héréditaires, se transmettant au fil des générations. Le rite se perpétue par mimétisme des pratiques ancestrales. Suite de gestes, d'images, de chants, de paroles, qui répondent à des besoins essentiels où à des évènements majeurs, le rite rythme l'existence (baptême, circoncision, initiation, mariage et deuil) et accompagne la vie quotidienne (rites de la chasse, du labour, de la moisson, des fêtes, du sacrifice, du culte...). Le rite, comme l'a souligné George Jean, « est un message dont la signification échappe à la conscience individuelle et qui s'ancre dans l'inconscient collectif. Le rite permet à une communauté de signifier son identité à l'adresse des autres, mais aussi de nourrir sa propre mémoire ». (Langage de signes). Les rites et les coutumes trouvent leur origine, comme tout système symbolique, dans le mythe. Au fil du temps, s'inscrivant dans l'histoire de chaque peuple, épurés de leurs fonctions pratiques, ils deviennent symboles, puis signes dans la plupart des cas, tout en perdant leurs significations primordiales. Peinture corporelle, scarification et tatouage La peinture corporelle, comme la scarification et le tatouage, qui tire sans doute ses sources de la Préhistoire, n'est pas spécifique aux Africains ou aux Océaniens, mais à l'histoire et à la culture universelles. Chez certains peuples, comme en Afrique ou en Océanie, elle continue toujours à se perpétuer en rites mythiques, répondant à des exigences culturelles et sociales. En elle se sont développés des motifs traditionnels propres à chaque ethnie et à chaque civilisation. Ces peintures mobiles deviennent parfois de véritables masques, des blasons pectoraux, découvrant dans la danse leur champ d'action et leur véritable signification. Perdant sa signification mythico-rituelle, la peinture corporelle devient chez des peuples seulement ornementale. Elle préfigure ainsi la parure. Les signes qu'elle utilise alors sont de simples motifs plastiques, posés selon une composition homogène de la partie du corps et avec un souci d'harmonie. Suivant cette logique, on peut dire que le maquillage trouve sa source dans la peinture corporelle, que ce soit comme parure ou comme expression, comme dans le carnaval, le théâtre, le mime et le cirque. L'art contemporain, en exploitant le corps comme support d'une peinture mobile, dans le nouveau réalisme, le happening ou le body art, n'essaie-t-il pas de faire circuler dans son message un retour aux sources, à la vie primitive, spontanée et rythmique, mais conçue par une vision théorique ?! L'étape pré artistique Ainsi, d'après ces études, il nous paraît évident que le mythe est la source primordiale du symbole et du signe, que le symbole et le signe sont évolutifs, et que certains d'entre eux sont passés par trois étapes successives : figuration, schématisation et stylisation. Seulement, il n'est pas nécessaire qu'un symbole passe par ces étapes ; déjà, dans l'art pariétal du Paléolithique, on trouve des signes abstraits, et actuellement, on voit, en contraste, des symboles figuratifs banalisés, peints naïvement, employés comme langage anecdotique dans la production artistique, comme la colombe, la balance, la branche d'olivier, la faucille et la lune. D'ailleurs, en général et à première vue, on classifie les étapes artistiques dans un art ou chez un artiste parfois à travers son emploi de tel ou tel symbole. L'étape préartistique se résume en somme dans l'emploi des symboles figuratifs archaïques ; ainsi, l'art préhistorique a vu ses débuts la floraison des « Venus ». L'art chrétien primitif a vu la prolifération des symboles mystiques archaïques, comme l'agneau, la colombe, le poisson, l'œil humain, etc. Aujourd'hui même, les artistes appartenant à l'étape préartistique, comme les peintres naïfs, les peintres figuratifs dits académiques et même certains peintres qui imitent l'art symbolique ou le surréalisme, emploient constamment les symboles figuratifs puisés dans le répertoire populaire ; leur vision reste mythique, soumise à l'influence du milieu local populaire. Ces symboles ne sont pas créés par tel ou tel artiste, mais transmis dans leur état brut, ignorés de toute évolution ; ils nous rappellent l'enfance de l'art dans son aspect archaïque et naïf. Les signes abstraits Par contre, les signes abstraits, même animant l'espace mythique préhistorique et antique, dénotent à ceux qui les ont employés, d'une évolution artistique remarquable. Dans ce contexte, il est légitime de dire que l'alphabet phénicien est une évolution dans l'histoire de l'écriture, qu'aussi l'art islamique, surtout dans l'abstraction géométrique ou florale qu'il a inventée, est considéré comme la symbiose des arts antiques et leur apogée. Toutefois, on doit rappeler que les schèmes initiaux sont constitués en somme à partir de ces signes abstraits, gravés, épurés, transmis à nous depuis la nuit des temps. Le triangle et le chiffre « trois », par exemple, sont universels, en tant qu'images ; mais dans chaque peuple, ils remplissent une signification. On peut dire qu'en certains cas, ils sont sacrés. En Egypte ancienne, ils donnent l'image de la triade (Osiris, Isis et Horus) ; en Mésopotamie, ils donnent la triade de Shamsh, Ishtar et Sin ; chez les Chrétiens, c'est la Trinité qui y apparaît. Dans les religions monothéistes, le triangle peut signifier l'image d'Adam et Eve, debout devant le Pommier, autour duquel apparaît le serpent. Le triangle devient pyramide en Egypte, ziggourat en Mésopotamie, etc. le triangle et la pyramide deviennent l'ossature de la composition plastique en Europe, depuis la Renaissance jusqu'à l'art moderne. Ils sont aussi à la base de la réflexion qui comprend l'évolution de l'homme et du monde en cycles (naissance, apogée et déclin). Enfin, le triangle, qui est la simplification totale des formes géométriques, avec le cercle, est introduit comme motif symbolique et décoratif dans tous les arts, sans exception, tout en restant fécond de significations et d'interprétations symboliques et plastiques.