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Problématique réforme de la Caisse de compensation
La solution douteuse des aides directes aux ménages les plus démunis
Publié dans L'opinion le 08 - 01 - 2013

«Prenez quelques centaines de dirhams mensuellement et débrouillez-vous ! » C'est, en substance, la démarche préconisée par le gouvernement Benkirane en vue de libéraliser les prix des produits de nécessité. Cette aide directe au profit des populations vivant en dessous du seuil de pauvreté relatif, qui représente 8,9% de l'ensemble de la population marocaine, soit 2,8 millions de personnes ou 560.000 ménages, constitue-elle une véritable solution ? Non seulement il est légitimement permis d'en douter, mais une libéralisation mal accompagnée des prix de la farine, du sucre, du gaz butane et des produits pétroliers risque de coûter plus cher sur le plan sociopolitique que la charge financière actuelle de la compensation.
Il faudrait d'abord souligner que le constat de non-viabilité et d'iniquité du système actuel de subvention des prix des dits produits est justifié et unanimement admis. 50 milliards de Dirhams, tel est le montant alloué par la loi des finances 2013 à la Caisse de compensation. Si aucune réforme n'est engagée, cette charge qui épuise les finances publiques devrait se chiffrer à 200 milliards de Dirhams d'ici à 2016, contre 123 milliards de Dirhams de 2009 à 2011. La compensation a représenté 5,5% du PIB et un cinquième du budget de l'Etat en 2011, montant équivalent au déficit budgétaire enregistré au cours de cette année. C'est évidemment intenable à terme pour le Trésor public.
Mais ce n'est pas l'unique effet négatif.
«Le plus important à prendre en considération, c'est que le système de subvention actuel des produits de base, est injuste», souligne le Pr Saâd Belghazi, consultant, coauteur de «Maroc-solidaire», un rapport sur la réforme du système de compensation commandité par le Ministère chargé des Affaires économiques et générales à des universitaires marocains et publié en 2010. «Les effets de ce système sont négatifs. Le principal effet négatif, c'est que cette mesure à caractère sociale profite surtout à la frange de la population jouissant d'un fort pouvoir d'achat. Il privilégie les classes sociales qui ont un pouvoir d'achat élevé et soutien la consommation des produits subventionnés par rapport aux produits non subventionnés. Le système de subvention ne favorise pas le sentiment de responsabilité. L'utilité de la Caisse de compensation en tant que système de redistribution est à revoir de fond en comble. Il est devenu nécessaire de procéder d'une autre manière au lieu d'une distribution aveugle qui profite surtout aux plus nantis».
Créée en 1941 par le protectorat français, pour faire face à la flambée des prix provoquée par la seconde guerre mondiale, la caisse de compensation a, après l'indépendance, servi à l'Etat marocain à venir en aide aux secteurs d'activités en difficulté. Avec la mise en oeuvre du programme d'ajustement structurel, au début des années 80, la caisse de compensation ne servira plus qu'à subventionner les produits de base, dont la liste s'est rétrécie au fil du temps et de la libéralisation des prix. C'est devenu un fonds destiné, de fait, à soulager la pauvreté.
Seulement, cette forme de subvention est profondément inique. Qu'on en juge: les 20% de ménages les plus pauvres ne profitent de ce système qu'à hauteur de 9%, alors que les 20% de ménages les plus riches en profitent à hauteur de 43%. 22% de ces subventions vont aux 40% de Marocains les moins riches, 66% aux plus aisés. Le gaz butane, dont le prix de la bouteille est resté invariable depuis des années, est subventionné par l'Etat pour que le cinquième des Marocains les plus riches en bénéficient à hauteur de 32%, alors que les plus pauvres n'en profitent qu'à hauteur de 10%.
Outre les dysfonctionnements du système et les distorsions introduites dans le fonctionnement des marchés, les retards de paiement des subventions, qui entraînent des surcoûts pour les opérateurs, sont à l'origine d'une pratique généralisée de la «triche». Faute de toucher leur argent à temps et au regard de ce que leur coûte ces retards cumulés, les opérateurs se «rattrapent» sur la qualité et la quantité des produits subventionnés.
Un système coûteux et inique
«Une partie du pouvoir d'achat transférée, par le biais des subventions, aux ménages, se trouve, in fine, capturée par les multiples intermédiaires sur les marchés de distribution, à travers les prix de vente et/ou la fraude sur les quantités et la qualité. Une estimation approximative peut laisser supposer que les prix de détail varient entre 40, pour la farine nationale de blé tendre et 20% pour le sucre, par rapport au prix officiel et que la fraude sur certains carburants (diesel 350 et poids des bouteilles) représente un prélèvement sur les consommateurs d'environ 10%», indique le rapport «Maroc solidaire».
En outre, les subventions dissuadent les opérateurs d'opérer des corrections de leurs prix en y incluant des marges de protection contre les hausses des prix internationaux. Les consommateurs, pour leur part, sont ainsi portés à privilégier l'acquisition des produits subventionnés au détriment des produits de substitution. Le transport individuel est, de la sorte, privilégié par rapport au transport collectif, la farine de blé tendre à celle du blé dur, le diesel à l'essence sans plomb, etc. Ce système est donc tout aussi intenable sur le plan budgétaire qu'indéfendable sur le plan de l'équité sociale.
Sauf que le système actuel de compensation, malgré toutes ses tares, est parvenu quand même à juguler pendant des années un accroissement trop important de l'indice du coût de la vie, surtout en ce qui concerne le prix des produits pétroliers. Par ailleurs, il n'y a pas que les ménages pauvres et vulnérables qui ont besoin de ces subventions pour maintenir un certain pouvoir d'achat. Les franges inférieures des classes moyennes sont tout aussi concernées.
Les ménages dont les revenus se situent dans la fourchette de 3000 à 6000 Dirhams représentent 54% de la population. Et comme cette catégorie sociale ne peut prétendre bénéficier du soutien de l'Etat, en raison du critère du revenu, elle risque tout simplement de sombrer dans la vulnérabilité, voir la pauvreté si les prix des produits de nécessité sont libéralisés sans des mesures d'accompagnement adaptées.
«Une abolition brutale des subventions risque d'être perçue par les bénéficiaires (les catégories pauvres, vulnérables et les franges inférieures des classes moyennes), et de là l'opinion publique comme une décision susceptible de porter atteinte au pouvoir d'achat si elle n'est pas adossée à une action publique alternative bénéficiant de la confiance et de l'adhésion des populations concernées», estimaient déjà les auteurs du rapport précité.
Le débat actuel sur le ciblage des ménages auxquels il faudrait verser une aide directe semble quelque peu surréaliste. Un sommaire et rapide sondage auprès des citoyens interrogés sur la pertinence d'une aide directe de 500 Dirhams mensuels, voire 1000 Dh aux familles les plus démunies pour contrebalancer les effets d'une libéralisation des prix des produits jusqu'ici subventionnés, laisse penser que cette démarche à fort peu de chance de susciter la confiance et remporter l'adhésion de l'opinion publique.
En fait, mots savants et arguments «scientifiques» peu accessibles au commun des mortels auront beaucoup de peine à venir à bout de la suspicion des citoyens envers cette «solution». Il semble évident que le souci, légitime au demeurant, de réaliser quelques millions de Dirhams d'économie pour le budget de l'Etat en consacrant 34 millions de Dirhams à l'aide directe pour accompagner la libéralisation des prix des produits subventionnés a pris le pas sur toute autre considération. Et le gouvernement de M. Benkirane estime avoir le courage politique qui aurait manqué aux gouvernements précédents, qui se sont bien gardés de démanteler de manière radicale le système de compensation.
Imprévisibles conséquences de la libéralisation des prix
C'est qu'il n'y pas que la question du pouvoir d'achat à prendre seule en considération quand il est question de libéraliser les prix des produits subventionnés. Plus exactement, il faudrait également tenir compte des conséquences économiques d'une telle mesure. Le raisonnement est simple. Un renchérissement conséquent et rapide du coût de la vie ne manquerait pas d'entraîner des revendications salariales, non moins légitimes, que les opérateurs économiques ne parviendront pas à minimiser à travers les négociations sociales. Or, toute hausse significative des salaires ne saurait tarder à se répercuter négativement sur la compétitivité des produits marocains, aussi bien au niveau des marchés extérieurs que du marché local. Et aucune étude n'a été réalisée, à notre connaissance, pour chiffrer, dans une telle perspective, le manque à gagner pour l'économie nationale.
Dans le contexte actuel de crise économique mondiale, des difficultés de toute évidence durables dans lesquels sont embourbés les débouchés traditionnels du Maroc, forçant les opérateurs économiques nationaux à explorer d'autres horizons, il serait du plus mauvais effet de porter un coup aussi sévère à la compétitivité de l'appareil productif national face à une concurrence acharnée. Se serait presque suicidaire.
Si la charge budgétaire que représente le système actuel de compensation est indéniablement un vrai problème, une aide directe aux familles démunies limitée à 6.000 Dirhams par an ne semble pas constituer une véritable solution. Ceci en admettant que ces aides directes, que seul le département de l'intérieur, à travers son réseau de «chioukhs» et «mokadams», est apte à distribuer de manière «ciblée», parviennent effectivement et intégralement à leurs destinataires. «Il faudrait repenser le concept de travailleur social et aller vers le niveau infra communautaire», indique le Pr. Belghazi, qui regrette que le programme de formation et de déploiement de 10.000 travailleurs sociaux n'ait jamais vu le jour. «La décentralisation semble la solution la plus appropriée pour mettre en œuvre cette démarche de distribution directe des aides aux ménages les plus démunis, l'idée étant d'accompagner une transition, d'amortir le choc de la libéralisation des prix des produits subventionnés. Il est donc nécessaire de responsabiliser autant les communes, les provinces et les régions et susciter le débat à ce sujet dans le cadre de la régionalisation avancée».
En attendant, fonder l'espoir sur une moralisation hypothétique des intervenants sur le terrain paraît aussi utopique qu'hypocrite.
Ahmed NAJI et Asmaa RHLALOU


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