Les Assises de la fiscalité sont prévues les 26 et 27 février 2013. Objectif : améliorer le rendement du système de taxation actuel tout en répartissant mieux la charge fiscale sur les contribuables. Elles seront articulées autour de trois thématiques majeures : fiscalité et compétitivité, fiscalité et équité et, enfin, relation entre l'administration fiscale et les usagers. « Ces Assises permettront d'avoir une fiscalité plus équitable avec en même temps des rendements importants », avait souligné le ministre de l'Economie et des Finances, M. Nizar Baraka, dans un entretien accordé durant cette année à un confrère casablancais. « Nous allons remettre à plat la fiscalité nationale pour déterminer les améliorations à apporter», avait-il ajouté. « Ces Assises permettront la refonte en profondeur de la fiscalité des entreprises. Elles devraient constituer un moment privilégié de réflexion et de débat à même de doter d'une fiscalité en phase avec ses aspirations de développement et de compétitivité », indique-t-on à la CGEM. « Le système fiscal marocain peut aujourd'hui, dans son architecture générale, être considéré comme un système moderne, semblable à ce qui se pratique dans les pays à économie ouverte. Il n'en demeure pas moins qu'il souffre de certaines carences importantes, aussi bien dans sa pratique que dans la gestion de la relation entre l'Administration fiscale et les citoyens, ainsi que dans l'incivisme fiscal qui fait que de grands pans de l'activité et de nombreux contribuables continuent d'échapper à l'impôt », affirme le Conseil Economique et Social (CES) dans son nouveau rapport sur la réforme de la fiscalité . Approuvée en assemblée plénière le jeudi 29 novembre, cette importante étude devrait servir de base de travail et de propositions lors de ces Assises. Il en ressort ainsi que le système fiscal marocain, profondément remanié dans les années 1980, reste un domaine en perpétuelle réforme. A la longue, poursuit la même source, le système a perdu en lisibilité et a très largement renforcé la Doctrine Administrative, qui, via les circulaires de la Direction Générale des Impôts ou ses autres publications, fixe la manière dont la loi doit être interprétée. Par ailleurs, si les principaux impôts ont été modernisés, d'autres prélèvements, comme la Patente, ou Taxe Professionnelle, sont restées, même si elles comportent un aspect discutable au sens de l'efficacité économique, étant calculés sur le montant des investissements. De même, le poids de la fiscalité ne pèse pas de façon équilibrée sur les agents économiques, ainsi le poids de l'IS reste supporté par une petite minorité d'entreprises, et l'IR repose pour l'essentiel sur les revenus sous forme de salaires dans les secteurs organisés. La TVA ne touche pas de grands pans de l'activité économique. Des circuits entiers, de production ou de distribution restent en effet en dehors du champ des impôts, alourdissant d'autant la part supportée par le secteur formel, et dans celui-ci des entreprises les plus transparentes. Pour leur part, les recettes fiscales constituent aujourd'hui le poste de recettes le plus important pour couvrir les dépenses de l'Etat (72% du total). Dans ces recettes, les impôts indirects (TVA et TIC) représentent la part prépondérante, avec une TVA à l'import qui en constitue la partie la plus importante (60% du total de la TVA collectée), marquant ainsi le poids dominant des importations dans la consommation. De façon général, le CES appelle à une réflexion sur le système fiscal marocain pour que ce dernier puisse être moderne, semblable à ce qui se pratique dans les pays à économie ouverte. Pour cette institution, la réforme doit rester centrée sur l'Impôt sur les Sociétés (IS). Les taxes locales doivent être simplifiées, et leur base de calcul harmonisée. Pour se faire, le CES recommande un certain nombre de mesures. D'abord, une fiscalité qui s'articule de manière forte avec les autres axes des politiques publiques pour répondre aux objectifs de la justice sociale. « La politique fiscale ne peut plus être dissociée d'autres sujets des politiques publiques concernant les thèmes de la solidarité, du soutien aux populations démunies et de la stratégie de couverture sociale. Ainsi, le problème de la Caisse de Compensation, qui consomme aujourd'hui plus du quart des recettes fiscales du pays, et qui représente l'un des postes de dépenses les plus importants de l'Etat, a bien évidemment une incidence sur la politique de recettes de l'Etat, et par voie de conséquence sur sa politique fiscale ». Il appelle aussi à une juste répartition de la charge fiscale et la sauvegarde du pouvoir d'achat de la classe moyenne. « L'élargissement de l'assiette fiscale est devenu aussi bien une affaire de justice et d'équité, qu'un problème de recette pour l'Etat et de pression fiscale sur les contribuables. Le rejet de l'impôt, ou simplement l'impression d'être trop prélevé sont moins dus à l'importance de l'impôt lui-même, qu'au sentiment que tout le monde ne s'acquitte pas de ses obligations de la même façon, et que la charge qui pèse sur chacun n'est pas équitablement répartie ». Le CES recommande également une fiscalité qui permet de lutter contre la spéculation. « Les expériences à l'international montrent que l'impôt sur le patrimoine est difficilement cernable et par conséquent ne représente pas une pratique généralisée à travers le monde faisant ainsi l'objet de débats controversés ». Autre recommandation : une fiscalité qui encourage le secteur productif et l'investissement. « La réforme principale concernant le secteur productif concerne la TVA qui représente aujourd'hui un vrai problème pour le tissu productif du pays et un frein sérieux à l'investissement. Il faudra revenir à un principe fondateur de ce type d'impôt, à savoir sa neutralité pour le tissu productif ». Le Conseil appelle aussi à une fiscalité qui permet de réduire le champ de l'informel. Pour lui, la lutte contre l'informel et l'évasion fiscale ne saurait se faire que par la sanction. « L'environnement économique doit susciter les réflexes pour que s'opère naturellement le transfert des activités informelles vers la sphère officielle de l'économie organisée « . Le CES appelle, en outre, à une fiscalité qui prend en charge partiellement le financement de la couverture sociale afin de réduire la pression sur les salaires et les coûts du personnel. « La pression fiscale et sociale atteint aujourd'hui 22% pour les salaires proches du SMIG, et monte à 45% pour les salaires élevés. Or, le problème de la compétitivité des entreprises marocaines dans une économie ouverte comme celle du Maroc aujourd'hui, se joue beaucoup sur le coût du travail. Si nous voulons que le Maroc reste dans la compétition internationale, sans que cela pèse sur le salaire net payé aux employés, il est fondamental que la pression sociale et fiscale ne dépasse pas les niveaux actuels, et que d'autres sources de financement de la couverture sociale soient étudiées et mises en place ». Le Conseil recommande enfin une fiscalité permettant d'instaurer un climat de confiance entre l'Administration fiscale et les contribuables. « L'amélioration du climat de confiance entre l'administration fiscale et l'administration des impôts passe nécessairement par une plus grande transparence et une meilleure lisibilité des règles. Ainsi, la publication de barèmes d'imposition pour l'immobilier, la clarification des règles de détermination des résultats des entreprises, la possibilité d'interroger l'administration fiscale préalablement à des opérations d'investissement, d'acquisition ou de vente de biens, sont de nature à diminuer l'aléa fiscale et à restaurer la confiance ».