La Fondation du Groupe Crédit Agricole du Maroc pour les Arts et le Patrimoine Rurale organise l'exposition individuelle de l'artiste plasticienne Leila Cherkaoui (peinture, sculptures, stèles et installations) à la Galerie Abou Inane, et ce jusqu'au 20 octobre. Depuis quelques années, la thématique picturale de cette artiste plasticienne n'a pas dérogé à ses fondamentaux : 1) des motifs architecturaux (arcades, cintres, piliers) qui évoque la vielle médina arabe dont l'artiste n'a jamais voulu suggérer que les contours, dans un mouvement spatial nerveux ; - le but en est de réduire le principe à une vision graphique et chromatique fugace, qui confine au croquis ; 2) des personnages silhouettés, réduits parfois à leur ombre, que l'artiste reprend sous forme de sculpture, miniaturisés ici dans des espèces de cadres/niches, là mis en valeur par l'allure et la taille, pris dans les tableaux de ladite architecture fantasmique ;3) la couleur comme sujet de peinture, notamment dans les tout derniers travaux, où l'on assiste à des monochromies spécifiques, à mi-chemin du tachisme, traitées graduellement : sortes d'abstractions unaires, vidées de tout référentiel naturel, où l'œuvre n'exprime plus qu'elle-même. Il y a chez Leila Cherkaoui une véritable filiation théorétique, qui opère en surface comme en profondeur et marque une évolution expressive, certes avec les mêmes moyens et la même palette celle-ci de plus en plus dépouillée jusqu'à l'ascèse. Les bleus familiers à l'artiste ont subi une décantation sémantique qui en occulte davantage la teneur ; le blanc a pris de l'avant et noie les formes reconnaissables dans un brouillard onirique, basculant les procédés techniques de l'artiste dans une entreprise symbolique qui relève de la fiction. Leila Cherkaoui intercepte de nouvelles possibilités d'expression ; elle donne à la lumière plus d'énergie créatrice, plus de place, dans le but de régénérer sa scénographie habituelle, d'où émerge un art anti-form à relents malévitchéens. Les registres conceptuels dont s'inspire cette nouvelle et ardue sensibilité abstraite trouvent un écho dans le mouvement expressionniste abstrait lyrique. Leila Cherkaoui entame une espèce de plongée introspective, en apnée. Elle en ramène un fouillis de souvenirs lointains quasi amorphes, des pulsions d'âme métamorphiques, des visions nocturnes et des bribes d'images d'un inconscient lunaire, qui n'arrête pas de sourdre comme une eau profonde, en perpétuel murmure.