Karim Tabit est né en 1980 à Casablanca où il vit et travaille. Technicien infographiste, il est licencié en Littérature arabe et poète et termine actuellement des études supérieures en Publicité et Communication à la Faculté d'Aïn Chok. En même temps, il peint et a déjà à son actif quelques bonnes expositions, collectives pour la plupart. Handicapé physique (suite à une paralysie des membres inférieurs), cela semble stimuler davantage sa pugnacité et sa sensibilité créative. Il vient d'exposer, dans le cadre de la FIAC, un ensemble d'oeuvres récentes qui augurent d'un talent qui promet beaucoup. Deux approches intéressent la peinture de Karim Tabit, celle de l'organisation de l'espace considérée comme immanente et dont l'artiste fait varier la tonalité générale, et celle du traitement de la couleur comme expression lyrique donnant lieu à des manifestations incidentes, à des formes pseudo abstraites le plus souvent centralisées, s'agglutinant, se disloquant puis se regroupant, créant un fouillis de touches et un mouvement instant qui donnent à l'ensemble une dynamique de corps vivants. La notion d'espace chez Tabit est omniprésente, elle fonde son imaginaire et objectivise sa stratégie. Une stratégie qui se traduit par des opérations à caractère abstrait, postulant une monochromie graduellement menée, avec de légers estompages, et des aplats qui seraient les zones inertes du tableau où, si l'on veut, les zones inconnues (comme en cosmologie). C'est un espace topologique, plastiquement parlant, dont les régions étendues ne servent pas seulement d'arrière-fond technique. Tel que le gère l'artiste, il préfigure le plan de ses expressions et intègre la perspective qui stabilise les formes et les enrobe de connotations paysagistes. De ce point de vue, espace et formes jouent un rôle thématique, ces dernières, saisies dans leur matérialité, prenant un aspect singulier de plantes aquatiques, varech et autres goémons, ou d'anaérobies insolites et de flores abyssales indéfinies. Karim Tabit rehausse son chromatisme allusif d'un graphisme qui tient des jambages et des déliés de la calligraphie arabe. Ecriture tonale et tonique, qui rapproche l'image perspective des formes de leur image directe, en instaurant une relation proxémique tout à fait favorable. L'artiste dit à propos s'être inspiré des fonds marins pour visualiser son imaginaire pictural, autant dire sa perception intuitive des choses. C'est aussi une manière de se sonder, une espèce de plongeon introspectif. Théorie qui n'exclut pas la qualité sensitive du travail. L'univers aquatique est certes tout aussi dispensateur de formes et de sensations inédites que pourrait le faire l'inconscient. C'est un univers matriciel, symboliquement parlant. K. Tabit serait ainsi arrivé à nous en dévoiler un peu « l'atmosphère » feutrée, les nuances colorées et la lumière en photosynthèse.