Les jeunes marocains se sentent de moins en moins attachés à leur pays. Comment en est-on arrivé là ? Explications. Nos jeunes ne croient plus en rien ! qui oserait nier cela ? « Entre le Marocain et son gouvernement, il y a un contrat de citoyenneté. Quand le gouvernement ne respecte pas ses engagements, comment voulez-vous qu'on le fasse nous?», explique Fouad, 23 ans, étudiant en littérature arabe dans la faculté de Casablanca. Parmi une douzaine de jeunes personnes interrogées, l'envie de quitter le Royaume a été une réponse récurrente. Il n y a qu'à voir le nombre de jeunes qui préfèrent tenter le tout pour le tout et emprunter au risque de leur vie des pateras à la recherche d'un avenir meilleur sous d'autres cieux. Pour ceux-là, qui sont doublement marginalisés par un système et une société où seuls les privilégiés comptent, il n y a pas de quoi s'étonner. Mais quand cela concerne des jeunes qui ont eu cette belle opportunité qu'est l'instruction et le savoir, la donne change. « Il n'y a pas de chances pour se réaliser au Maroc. L'avenir est complètement flou », affirme Saloua, 26 ans, étudiante en histoire-géographie. Et de continuer : «Nous continuons d'étudier tout en sachant qu'il n'y a qu'une place dans les rangs de chômeurs qui nous attend. C'est déjà un exploit en soi ». Ce qui interpelle s'agissant de ces jeunes, en majorité étudiants à la faculté de Casablanca, c'est qu'ils changent de filière en cours d'année. Ainsi, un étudiant qui s'inscrit, par exemple, en littérature anglaise, change impulsivement après quelques années pour atterrir dans d'autres cours. « Après la réussite au Baccalauréat, les étudiants sont mal orientés. Cela d'une part, d'autre part, souvent ils choisissent ce qui se présente», explique Othmane, 25 ans, licencié chômeur. Ce qui ressort de tout cela, et loin de toute généralisation, c'est l'hésitation et le manque de confiance de nos jeunes d'aujourd'hui. « Les écoles au Maroc n'ont aucune méthode pédagogique. L'enseignement est à revoir dans le fond comme dans la forme», fait remarquer Dr. Chakib Guessous, socio-antropologue. « Comment voulez-vous qu'un enfant ayant été intimidé et battu durant son cursus scolaire puisse développer un esprit d'initiative et de créativité? Ceci se fait dans la normalité dans un pays qui a ratifié les conventions internationales sur les droits de l'enfant ». Voilà ce qui explique, ne serait-ce qu'en partie, cette attitude velléitaire de nos jeunes. « Pour me rendre à l'école, je parcourais chaque jour environ 10km. Actuellement, les jeunes cherchent la facilité. Ils ne savent pas qu'ils sont privilégiés à plus d'un titre », dit avec énervement Saïd, 44ans, ingénieur fonctionnaire dans le ministère de la Santé. En effet, ce que les étudiants dans les cycles supérieurs ne savent pas, c'est que leur enseignement a coûté de l'argent à l'Etat. Le sens des responsabilités exige d'eux de servir leur pays. « Je sais qu'il faut participer pour faire avancer le pays. Mais je m'avoue vaincu d'avance, sachant que tout en agissant seul, je ne suis pas armé pour », avoue Mohammed, 27ans, détenteur d'une licence appliquée en communication. Ceci rejoint les discours nihilistes qui circulent par ces temps de pessimisme. « Les jeunes gardent une pureté d'enfance que les adultes mûrs n'ont plus. Ils sont incapables de cerner des phénomènes comme la corruption ou le favoritisme », explique Dr. Chakib Guessous. Pour ce dernier, l'inexistence d'occasions favorables de promotion professionnelle et sociale, “bouche” l'avenir de ces jeunes. « Les jeunes d'aujourd'hui sont plus attachés à leur patrie que jamais. Ils aiment leur pays, mais n'aiment pas ce qui s'y passe », ajoute le socio-antropologue. Tout compte fait, on ne récolte que ce que l'on a semé! • Karima Wahabi et Ilham Mountaj