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Perspectives pour les instruments du marché financier islamique
Publié dans L'opinion le 09 - 08 - 2012

Le financement de projets peut être mobilisé également par le truchement de l'émission de sukuk. Les sukuk sont des titres échangés ou potentiellement échangeables, souvent appelés obligations islamiques, bien que celles dont la rentabilité est variable ressemblent davantage aux obligations à taux variable qu'aux instruments à rendement fixe. La caractéristique particulière des sukuk est qu'ils doivent être adossés à des actifs, car les transactions de titres d'emprunt sont interdites par la Charia. Lorsque les sukuk sont échangés, c'est un droit sur l'actif sous-jacent que l'on achète et vend. Ceux qui investissent dans les sukuk ne peuvent percevoir des intérêts, mais plutôt un revenu autorisé, notamment les loyers dans le cas des sukuk de type idjara ou une partie du bénéfice dans les cas de moudaraba ou de sukuk de type moucharaka.
La majeure partie des transactions de sukuk se font en Malaisie. Un certain nombre de transactions se font de gré à gré au sein du GCC. Mais, en Afrique du Nord, l'émission de sukuk est limitée à l'Égypte où aucune transaction n'a été enregistrée jusqu'ici. Toutes les émissions de sukuk effectuées en Égypte à ce jour ont été structurées selon la méthode idjara, les investisseurs recevant un loyer variable lié aux taux prêteurs interbancaires.
Le financement sous forme de sukuk s'est fait pour des périodes de trois années, les sukuk d'Al Baraka étant libellés en dollars. Suite à la restructuration d'Al Baraka en Égypte, l'on s'attendait à ce que les sukuk améliorent le bilan de la banque et augmentent ses ressources afin de financer le développement des activités. Les sukuk d'Al-Tawfeek ont été organisés par la Commercial International Bank of Egypt, la principale banque d'investissement privée au niveau local. Al-Tawfeek est la plus grande société de crédit-bail en Égypte et compte 297 contrats, pour un montant total de 599 millions de LE. Les sukuk devaient permettre de mobiliser des ressources en livres égyptiennes pour l'achat d'équipements. Ceux qui investissent dans les sukuk perçoivent un revenu mensuel équivalant à 10 pour cent du revenu annuel sur une période de 36 mois. Middle
East Rating and Investors Service (MERIS), qui appartient en partie à Moody's, a attribué la note AA aux sukuk, qui sont considérés comme un investissement sûr, compte tenu de la réussite commerciale de Al-Tawfeek Company.
L'Égypte dispose du marché d'emprunt le plus développé pour les bons du Trésor et les obligations, dont le volume des transactions dépasse 80 milliards de $ EU et qui, jusqu'au récent soulèvement populaire, était attractif pour la mobilisation du financement public que privé, en raison de l'abordabilité de ses prix. L'engagement de l'ancien gouvernement à réduire le déficit budgétaire et le niveau de liquidité dans le système bancaire égyptien a contribué au développement du marché. Naturellement, la situation a changé considérablement au lendemain du soulèvement populaire, les investisseurs étrangers s'étant retirés.
Néanmoins, l'on s'attend à ce que la confiance revienne, une fois la situation politique stabilisée, ce qui pourrait favoriser le développement de l'émission de sukuk qui a tendance à être liée au développement du marché obligataire.
Des opérations sur obligations sont effectuées à la Bourse de Casablanca, les obligations d'État représentant la majeure partie des émissions tant en monnaie locale qu'en euros. Les emprunts intérieurs représentent environ trois quarts de la dette publique du Maroc. Mais, le 5 octobre 2010 les échanges de nouvelles obligations décennales ont atteint 1 milliard d'euros, HSBC et Barclays Capital agissant en qualité d'in termédiaires. La rentabilité des obligations a atteint 4,5 pour cent, ce qui a suffi à assurer une sursouscription, 57 pour cent des a cquéreurs d'obligations venant d'Europe.
Les obligations tunisiennes , qui sont constituées essentiellement de la dette souveraine du pays, sont échangées à la Bourse de Tunis, la majeure p a rtie d'entre elles étant détenue par des investisseurs locaux, notamment les banques, tout comme au Maroc.
L'obligation souveraine la plus importante est une obligation décennale de 600 millions d'euros, qui arrivera à échéance en 2 020. Cependant, suite à la révolution de janvier, Moody's a ramené la note de la dette extérieure de la Tunisie à Baa3, contraignant la levée des fonds sur le marché.
Étant donné que le nouveau gouvernement tunisien sera appelé à mobiliser d'importantes ressources en vue de stimuler l'économie, il pourrait s'avérer nécess aire de diversifier les sources de finance ment. Afin d'attirer l'investissement des institutions financières islamiques basé es au se in du GCC et ail leurs dans le monde islamique, l'émission de sukuk pourrait répondre à ce besoin, en partic u lier parce que ceux-ci peuvent contribuer au développement des marchés financiers.
Ceci s'applique également au Maroc qui a d éjà attiré d'importants i nvestissements directs étrangers du GCC, essentiellement pour des projets immobiliers et touristiques. L'émission de sukuk souverains libellés en euros pourrait être attrayante pour les institutions financières islamiques basées au sein du GCC qui s'emploient à diversifier leurs avoirs par rapport au dollar américain. Les Sukuk de type idjara seraient la structure la plus simple, car c'est le type de sukuk préféré des investisseurs du GCC. Pour qu'une émission donnée soit couronnée de suc cès et ses tari fs attra ctif s, il est nécessaire que sa note soit favorable. Ceci dépend de la stabilité politique future de la Tunisie.
Fonds gérés conformément à la Charia
Les fonds gérés conformément à la Charia ont plus de trois décennies d'expérience, cette activité ayant commencé en Arabie saoudite, avant de s'étendre très rapidement aux autres pays du GCC, ainsi qu'à la Malaisie qui est devenue un important centre de gestion de fonds islamiques. La plupart des fonds investissent dans les fonds propres de sociétés cotées en bourse, mais certains investissent dans les projets immobiliers et dans d'autres produits échangés. Il existe également des fonds sukuk qui détiennent un portefeuille de placements sukuk, l'équivalent conforme à la Charia d'un fonds d'obligations.
Dans le cas des fonds axés sur les capitaux propres gérés conformément à l'enseignement islamique, les sociétés dans lesquelles les ressources sont investies sont examinées afin de s'assurer du respect de la Charia. Il existe des critères sectoriels et financiers qui sont largement reconnus. L'investissement dans une banque utilisant riba est interdit, par exemple, tout comme l'investissement dans la transformation d'aliments à base de viandes haram telles que le porc et les casinos qui promeuvent les jeux de hasard. Les critères financiers concernent le ratio d'endettement des sociétés, car bien que l'on reconnaisse que la plupart des sociétés cotées en bourse auront un passif classique sous forme de dettes, si celui-ci dépasse un tiers de la valeur de l'actif ou de la capitalisation boursière de la société, l'investissement est considéré comme excessivement risqué et encourageant la spéculation .
L'Islam interdit la spéculation et la prise de risque excessive pour des gains monétaires.
En Afrique du Nord, les fonds islamiques sont limités à l'Égypte, hormis un fonds proposé en Tunisie. L'Égypte compte neuf fonds dont le premier créé était un fonds d'actions proposé par Faisal Islamic Bank à ses clients en 2004.
Le fonds Faisal est géré par EGF Hermes, la banque d'investissement égyptienne qui est cotée à la Bourse du Caire et celle de Londres56 . Elle a beaucoup d'expérience en matière de gestion d'actif et dispose d'une solide équipe d'analystes spécialisés dans les marchés arabes et du Moyen-Orient. La sous-traitance de la gestion des fonds islamiques est une pratique très répandue, la contribution de Faisal Bank consistant à veiller au respect de la Charia et à mener des campagnes de promotion auprès de sa clientèle. Le fonds est ouvert sans frais de souscription, mais prévoit des frais de rachat de 0,25 pour cent. Il affiche une bonne performance, les investisseurs ayant plus que doublé le montant de leurs ressources au cours de la période 2005-07. Pendant la crise financière mondiale de 2008, le fonds a enregistré un recul de 35,1 pour cent, avant de se redresser à moitié par la suite. Son portefeuille comprend essentiellement Orascom Construction, Orascom Telecom, Ezz Steel et le projet de construction des résidences de Palm Hills en dehors du Caire.
Le fonds Al Baraka, qui a été lancé en 2006, est géré également par EGF Hermes avec une gamme d'investissements et une performance similaires à celle du fonds Faisal. Tel qu'il ressort du Tableau 9, le fonds Bashayer – le plus important en Égypte – est également proposé par Al Baraka Bank, mais est géré par Al Ahly
Mutual Funds, une filiale de National Bank of Egypt. Son portefeuille d'investissement comprend Abu Kier Fertilizers, Mobinil, la principale société de téléphonie mobile égyptienne, Alexandria Iron and Steel, Misr Benisuef Cement et Asec Mining. Le Fonds de la Banque Misr est géré par H.C. Securities and Investment Company, une petite société spécialisée dans la gestion des actifs basée au Caire. Sa performance a été moins bonne que celle des autres fonds, sa valeur ayant accusé une baisse de 64 pour cent en 2008.
Il va sans dire que les investisseurs égyptiens ont le choix entre une large gamme de fonds islamiques. La piètre performance qui a caractérisé la période de la crise financière mondiale de 2008 n'a pas empêché le lancement de nouveaux fonds, trois fonds ayant été créés en 2010.
Ceci est de bon augure pour l'avenir, une fois que l'activité économique en Égypte se sera redressée après l'entrée en fonction d'un nouveau président élu et de son gouvernement.
FCP Valeurs Al Kaouther, l'unique organisme de placement collectif islamique en Tunisie, a été lancé par Amen Bank en septembre 2010, en collaboration avec Tunisie Valeurs, une société locale de gestion d'actif. L'organisme est ouvert et considéré comme ayant un risque faible et équilibré, avec au minimum 50 pour cent de placements totaux dans des sociétés cotées à la Bourse des valeurs de Tunisie, au maximum
30 pour cent de placements monétaires et 20 pour cent de liquidité58 . Le capital initial a été souscrit à 10
pour cent par la BID, 20 pour cent par Bechir Tamarza, 20 pour cent par Omar Benzina et 10 pour cent par Bank Zitouna, la banque islamique tunisienne. Il est trop tôt pour évaluer la performance, qui a pâti du soulèvement, mais les perspectives à plus long terme sont potentiellement prometteuses, bien que limitées par la taille limitée et la sélection restreinte des actions à la bourse des valeurs tunisiennes.


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