Selon la BAD, il existe un important débat sur la question de savoir si le développement de l'intermédiation financière favorise le développement économique ou si le développement des banques est la résultante du développement économique. Les services bancaires islamiques sont essentiellement des services de détail qui satisfont, pour l'essentiel, les besoins des salariés. Ils tiennent lieu de moyens de paiement et permettent d'accorder un financement aux particuliers pour l'acquisition de véhicules et de logements. Ces services bancaires de détail peuvent être considérés comme une conséquence du développement économique et de l'émergence d'une classe moyenne relativement nantie, et non comme des services axés sur les projets de développement. En d'autres termes, les services bancaires islamiques de détail apportent une contribution au volet « demande « des activités au sein de l'économie, mais sont moins pertinents pour l'investissement au titre du volet « offre « que le financement du développement vise à appuyer. À cet égard, la BID et les banques islamiques d'investissement, qui peuvent assurer le financement des projets de développement grâce à l'émission de sukuk et au financement syndiqué, sont les institutions les plus indiquées. Les services bancaires islamiques peuvent contribuer au développement de l'intermédiation financière pour autant qu'ils attirent les personnes réticentes à traiter avec les banques classiques qui ont recours aux transactions riba. Dans la pratique, cependant, nombre de ces clients de détail disposaient déjà de comptes bancaires. Par conséquent, les banques islamiques tiennent lieu de substituts aux banques classiques, plutôt que de mobiliser de nouveaux financements. En effet, nombre des clients qui effectuent des dépôts bancaires islamiques possèdent encore des comptes dans les banques classiques, l'attrait des banques islamiques tenant au fait qu'elles peuvent assurer un accès supplémentaire au crédit. En somme, bien que la croyance religieuse puisse être l'un des facteurs qui amènent les clients à recourir aux banques islamiques, les facteurs financiers n'en demeurent pas moins importants. La finance islamique est loin d'être l'apanage des pieux. Promouvoir l'intégration éconopmique En ce qui concerne l'Afrique du Nord, le bien-fondé des services bancaires islamiques réside dans le fait que ceux-ci peuvent attirer des dépôts en provenance de pays situés en dehors de la région, notamment les envois de fonds des expatriés travaillant dans ces pays, y compris ceux du Conseil de coopération du Golfe (GCC). Des millions d'expatriés originaires de l'Égypte et, dans une moindre mesure, des pays du Maghreb ont travaillé en Arabie saoudite au cours des quatre dernières décennies. En dépit d'un ralentissement de la migration de la main-d'œuvre exerçant de petits métiers mal rémunérés dans le bâtiment, un nombre croissant de professionnels tels que les médecins et les avocats exercent dans le GCC et disposent tous de comptes bancaires. Plutôt que d'effectuer des transferts monétaires par le biais des bureaux de change, ils effectuent leurs envois de fonds de plus en plus par les canaux bancaires, notamment des banques islamiques opérant dans le GCC vers les banques correspondantes – respectueuses de la Charia – présentes en Afrique du Nord. Les services bancaires islamiques peuvent renforcer les liens financiers mutuellement avantageux qui existent entre l'Afrique du Nord et les autres régions du monde musulman et promouvoir l'intégration économique. Étant donné que la majeure partie du capital entièrement libéré des banques islamiques opérant en Afrique du Nord a été mobilisée au sein du GCC, ces ressources représentent un flux d'investissement direct étranger. Par ailleurs, étant donné que la taille des marchés du GCC est limitée par des populations peu nombreuses, plusieurs institutions financières islamiques basées au sein du Conseil s'emploient à étendre leurs activités à d'autres marchés en créant des succursales et des coentreprises. Souvent, la publicité faite à travers le monde arabe par le biais des médias assure à l'avance la notoriété de la marque des banques islamiques auprès de la clientèle potentielle. Ainsi, les nouveaux venus sur les marchés de l'Afrique du Nord peuvent tirer parti d'un marché au moins partiellement informé. Un modèle de développement digne d'intérêt concerne Kuwait Finance House qui dispose à présent de plus de succursales en Turquie qu'au Koweït, mais ne dispose encore d'aucune filiale en Afrique du Nord. De même, Dubai Islamic Bank dispose d'un réseau de succursales en pleine expansion au Pakistan, tandis que Qatar Islamic Bank dispose de succursales à KualaLumpur, Beyrouth et Londres. En outre, cette dernière a signé en 2010 un protocole d'accord avec la Banque populaire-caisse d'épargne, deuxième groupe bancaire français le plus important, afin d'avoir accès aux services bancaires de détail français, ainsi qu'aux marchés despetites et moyennes entreprises. L'Afrique du Nord offre d'importantes possibilités pour la microfinance islamique, compte tenu des niveaux de revenu relativement faibles et du manque d'emplois sûrs et réguliers dont souffre la majorité de la population. La plupart des citoyens ne disposent pas de comptes bancaires et n'ont aucune garantie à proposer pour obtenir un financement bancaire. Par le passé, c'était les prêteurs sur gage et les usuriers qui accordaient des crédits aux pauvres. Toutefois, les conditions relevaient souvent de l'exploitation, compte tenu du faible pouvoir de négociation des emprunteurs. Il s'ensuivait souvent un endettement chronique, les emprunteurs payant des intérêts nettement plus élevés que le principal du prêt. De toute évidence, les taux d'intérêt élevés des prêts s'expliquent par les risques encourus et les coûts liés à la gestion d'un nombre élevé de petits prêts. La microfinance islamique peut atténuer ces difficultés, dans la mesure où elle comprend, en général, la création de coopératives d'épargne et de crédit dont les membres s'accordent mutuellement des créances sous forme de prêts qard hasan, la seule forme de prêt autorisée par la Charia, dans la mesure où aucun intérêt n'est perçu. Par ailleurs, la crainte d'abandonner leurs coreligionnaires, en cas de défaillance, incite fortement les membres de ces coopératives à honorer toutes leurs obligations. Afin d'attirer les membres, un don initial visant à mettre en place le fonds à partir duquel les membres peuvent tirer des ressources est nécessaire. L'une des conditions des prêts à taux nul est que les membres doivent effectuer des dépôts, en général pour des montants très modestes, dans le fonds. Non seulement cette condition assure la disponibilité de ressources, mais elle permet également de veiller à ce que les membres aient un sentiment d'engagement lié à la propriété. Les coûts de financement sont infimes, car les déposants ne sont pas rémunérés, ils n'ont droit qu'à des prêts ultérieurs. Des commissions de service sont prélevées pour les prêts afin de couvrir les coûts administratifs et de permettre aux institutions d'être autonomes. Ce type de système de microfinance islamique fonctionne à Hodeibah au Yémen et à Jabal al-Hoss en Syrie, et des systèmes plus développés sont gérés par des banques coopératives islamiques telles que Bank Rakyat en Indonésie. Il existe une expérience suffisante que peuvent mettre à profit les pays d'Afrique du Nord, si des propositions sont soumises en faveur de systèmes similaires en vue de mettre un terme à l'exclusion financière et de promouvoir la création d'emplois par le truchement du développement de petites entreprises.