L'Arabie saoudite a annoncé mercredi avoir abandonné ses efforts de médiation conjoints avec la Syrie dans la crise politique libanaise et qualifié la situation de "dangereuse", mettant en garde contre une "partition" du pays du Cèdre. Dans une déclaration à la chaîne satellitaire Al-Arabiya, le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Saoud al-Fayçal, a expliqué que le roi Abdallah avait tenté par des contacts directs avec le président syrien Bachar al-Assad de "parvenir à une solution globale au problème libanais". Mais il a ajouté que ces efforts n'avaient "pas abouti" et que le roi s'était par conséquent "retiré de ces efforts de médiation". Le prince Saoud a estimé que la situation au Liban était "dangereuse" après le dépôt de l'acte d'accusation du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), chargé d'enquêter sur l'assassinat de Hariri et de juger ses responsables. "Si on arrive à une partition ou une sécession, cela signifierait la fin du Liban en tant qu'Etat où coexistent pacifiquement différentes communautés, religions et parties", a-t-il encore dit. La tension n'a cessé de monter depuis que le Hezbollah et ses alliés ont claqué la porte du gouvernement de Saad Hariri provoquant sa chute le 12 janvier. Le Hezbollah, qui a dit s'attendre à être mis en cause dans l'assassinat de Rafic Hariri, faisait pression depuis des mois sans succès sur son fils pour qu'il désavoue le TSL. Le mouvement chiite a prévenu qu'il se défendrait contre toute accusation du TSL. L'armée libanaise a renforcé sa présence mardi à Beyrouth et des écoles ont fermé de crainte de violences après de brèves rassemblements de jeunes non armés dans les rues, au lendemain du dépôt de l'acte d'accusation. Les médiateurs turc et qatari rencontrent Nasrallah Les ministres des ministres des Affaires étrangères de la Turquie, Ahmet Davutoglu, et du Qatar, Hamad ben Jassem ben Jabr Al-Thani, se trouvent à Beyrouth depuis mardi pour tenter une médiation. Ils ont rencontré mardi soir le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah après s'être entretenus avec le président Michel Sleimane, le président du Parlement Nabih Berri, et le Premier ministre en exercice, Saad Hariri. La télévision du puissant mouvement armé, Al-Manar, a montré des images d'une réunion tenue dans un endroit secret entre Hassan Nasrallah et les ministres des Affaires étrangères de la Turquie, Ahmet Davutoglu, et du Qatar, cheikh Hamad ben Jassem ben Jabr Al-Thani, en compagnie du conseiller politique du chef du Hezbollah, Hussein el-Khalil. "Les discussions ont porté sur la crise politique au Liban et notamment la question du tribunal international et celle du nouveau gouvernement. Les idées et les solutions proposées ont été discutées", a indiqué mercredi un communiqué du parti. La crise a pour origine le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), dont le procureur a déposé lundi l'acte d'accusation, encore confidentiel, dans l'enquête sur l'assassinat en 2005 de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri. Le Liban s'en remet à l'étranger Incapable de trouver un terrain d'entente concernant le jugement des assassins de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, la classe politique libanaise s'en remet une fois de plus à ses "parrains" étrangers pour régler une crise intérieure. Après deux précieuses années de paix relative, le pays est à nouveau au bord du gouffre, après la chute du cabinet d'unité nationale de Saad Hariri, le fils de Rafic, assassiné en février 2005 à Beyrouth dans un attentat au camion piégé qui a fait une vingtaine de victimes. Le Hezbollah et ses alliés de l'opposition ont fait savoir qu'il ne voulait plus de Saad Hariri, qui expédie les affaires courantes. Le pays est donc de nouveau divisé en deux camps antagonistes. Chacun des deux étant parrainé de l'extérieur - le premier par l'Arabie saoudite et les Etats-Unis, le second par la Syrie et l'Iran -, ils s'accusent mutuellement d'être au service d'intérêts étrangers. La Turquie et le Qatar tentent de jouer les médiateurs. "En tant que pays et alliés régionaux, nous ne pouvons rester les bras croisés alors que le Liban s'enfonce dans une nouvelle crise politique", a déclaré Ahmed Davutoglu. Mais les lignes de clivage au Liban semblent difficiles à effacer comme le montre l'échec des récents efforts communs de l'Arabie saoudite et de la Syrie, imputé par le Hezbollah à des obstructions américaines. Au mieux, les puissances extérieures peuvent-elles espérer éviter une nouvelle guerre civile du type de celle qui avait ravagé le Liban entre 1975 et 1990. Pour laisser à la diplomatie étrangère toutes ses chances, le président libanais Michel Souleïmane a différé lundi d'une semaine ses consultations pour former un nouveau gouvernement