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«Lfargonette»*
Une Nouvelle de Abdejabbar Shimi
Publié dans L'opinion le 25 - 02 - 2010

Le vrombissement de la voiture troublait le silence nocturne. Elle s'était arrêtée de rouler tout à fait mais le ronflement du moteur continuait de troubler le silence. La femme tendit la main pour remuer l'homme qui dormait à ses côtés. Ce dernier lui dit : « Je ne dors pas ». Elle lui demanda : « Tu as entendu ? » Il répondit : « Ça doit être mon tour alors»
Cela se passait au cœur de la nuit. Ils effectuaient des visites éclair et détalaient en vitesse. Mais ils laissaient toujours des traces. Maintenant tous les habitants étaient réveillés par le vrombissement de la voiture. Ils semblaient avoir deviné de quoi il retournait. Ils voyaient venir ce qui allait arriver.
La femme dit à l'homme couché à ses côtés : « Est-ce qu'ils vont défoncer la porte ? ». Il lui répondit : « Si on ne leur ouvre pas la porte ils la défonceront, c'est clair ». Elle lui demanda : « Pourquoi ils ne viennent pas de jour ? Pourquoi ils se cachent toujours dans les ténèbres pour de pareilles opérations ? »
Le bruit du moteur de la voiture réveilla le garçon de sept ans. Il ouvrit les yeux dans l'obscurité de la chambre et demeura inerte. Leur vacarme dehors portait à croire qu'ils s'apprêtaient à se mettre en branle maintenant. Le vrombissement de la voiture s'arrêta net. Ceux qui avaient jeté un regard furtif, à travers les ténèbres, dans le boulevard aperçurent la grande voiture qui éteignit ses lumières. Dans la petite chambre, le souffle des trois garda sa cadence. L'homme commença à réfléchir à ce qu'il allait entreprendre. Dehors le vacarme se poursuivait de plus belle. Ceux qui regardaient par l'ouverture de leur fenêtre virent une cigarette que l'un des passagers de la voiture allumait.
Maintenant tout le monde sut qu'ils s'ébranlèrent. C'est qu'on entendait le bruit des lourdes chaussures martelant l'asphalte. Ceux qui regardaient par les fentes des volets fermés en se tenant cachés à la faveur des ténèbres, virent les passagers de la grosse voiture qui s'étaient scindés en deux groupes : quatre allant à l'assaut de l'immeuble et trois autres demeurant à l'intérieur de la voiture dont deux étaient en train de fumer.
L'homme dit : « Le mieux serait que je mette une jellaba ». L'épouse dit : « Mets en dessous une veste en laine ». Le petit garçon dit : « Prends avec toi tous mes pistolets. Je n'en veux pas maintenant ». Le père dit : « Non, garde tes pistolets ! ». Le garçon dit : « Tu m'en achèteras d'autres à Achoura ». La femme dit : « Ils s'amènent, ils sont en chemin. Habille-toi en vitesse ». Le garçon dit : « Ils nous racontent des mensonges à l'école ». La femme dit « Est-ce qu'ils vont te torturer ? ». L'homme dit : « Ils ne nous demandent pas notre avis pour ce genre de chose »
Maintenant les quatre individus étaient arrêtés devant la porte de l'immeuble. Ils levèrent les yeux vers les fenêtres. L'un d'eux débita quelques mots. Les trois autres s'esclaffèrent. Le petit enfant sanglota. L'homme dit : « Tu m'as dit que tu n'allais pas pleurer ». La femme garda le silence. Elle s'était assise au bord du lit. L'obscurité de la chambre cachait ses yeux. Ceux qui regardaient par la fenêtre virent que les quatre s'étaient avancés vers l'immeuble. Les voilà qui pénétraient à présent à l'intérieur. L'écho de leurs pas lourds sur les escaliers commença à se faire entendre. L'homme jeta un regard. Il dit à son épouse : « C'est lfargonette ». Le garçon dit : « J'en vois beaucoup près de notre école ». La femme dit : « Est-ce que tu vas leur ouvrir la porte ? ». Il répondit « Oui ». Elle demande encore : « Est-ce que tu vas exiger d'eux un mandat d'arrêt ? » Il répondit : « D'habitude ils ne fournissent aucun rapport sur leur besogne ». Le garçon demanda : « Est-ce que je vais aller à l'école demain matin ? » L'homme répondit : « Bien sûr que oui ». La femme demanda : « Est-ce que je les avertis au travail ? ». L'homme répondit : « Bien entendu, tu peux avertir Latif et Hassan et n'essaie jamais de constituer un avocat pour me défendre. Ça ne sert à rien ». La femme demanda : « Est-ce qu'ils vont me permettre de te rendre visite ? » Il répondit : « Ils vont encore dire qu'ils ne savent rien »
Les pas sur les escaliers produisaient un tel boucan. L'homme avait maintenant achevé de mettre tous ses vêtements. Il alluma une cigarette dans l'obscurité de la chambre. La femme lui demande d'une voix étouffée : « Faut-il que j'allume la lumière ? ». L'homme répondit : « Il vaut mieux pas, pas avant qu'ils frappent à la porte ». L'enfant dit d'une voix étouffée : « J'ai peur ! ». L'homme se rapprocha de lui, le prit à bout de bras de son petit lit et le déposa tout près de sa mère. Il sembla à tous les habitants de l'immeuble qu'on cognait à leur porte dans un tintamarre de tous les diables. Désormais on n'entendait plus les bruits de pas. Mais le silence de la nuit faisait ressortir l'intensité du bruit de voix qu'on devinait accompagnées de gestes violents…
Ceux qui regardaient par les fenêtres virent un ivrogne s'amener titubant. L'ivrogne commença à chanter : « Le tapis marocain est célèbre de par le monde… » Avec sa démarche titubante l'ivrogne dépassa la voiture de police tous feux éteints… Il ne remarqua pas que trois s'y trouvaient tapis à l'intérieur. Il s'arrêta près du mur et reprit le même refrain : « Le tapis marocain est célèbre de par le monde… ». Le bruit de pas sur les escaliers reprit à nouveau. Dans le boulevard les chiens fouillant dans les poubelles entendirent le bruit des pas et entamèrent un concert d'aboiements.
La femme dit en soupirant : « Mon Dieu rétablis-nous dans tous nos droits contre ces gens» L'homme dit : « Tais-toi, les pas ne sont plus tellement loin de la porte ! ». L'enfant dit : « Je parlerai aux enfants à l'école. Aziz nous a dit qu'ils avaient pris son père aussi ». La femme dit : « Est-ce tu vas le rencontrer ? »
La voiture vrombit à nouveau. A présent cinq hommes sont montés à bord, les quatre qui étaient montés dans l'immeuble et un autre homme avec eux. Ceux qui regardaient par la fenêtre de l'immeuble d'en face avaient vu ça. La lumière s'alluma dans un appartement de l'immeuble… L'homme revint s'asseoir au bord du lit près de sa femme et son fils. Son épouse lui dit : « J'entends des sanglots venant d'en haut » Il lui répondit : « Oui, debout ! va voir Amina… ils viennent de prendre son mari Abdallah. C'était donc son tour cette fois-ci »
Lfargonette démarra en trombe, tous feux éteints.
24 mars 1972
Nouvelle de Abdeljabbar SHIMI traduite de l'arabe par Saïd AFOULOUS
* Lfargonette, appropriation en darija du mot fourgonnette. Au simple sens du véhicule utilitaire, la darija greffe au mot français un deuxième sens qui enveloppe le premier en désignant précisément le fourgon de police en ronde la nuit pour des rafles, le mot entré dans la mémoire populaire dans les années de plomb incarnant un instrument particulier de la répression policière.
* Lfargonette, appropriation en darija du mot fourgonnette. Au simple sens du véhicule utilitaire, la darija greffe au mot français un deuxième sens qui enveloppe le premier en désignant précisément le fourgon de police en ronde la nuit pour des rafles, le mot entré dans la mémoire populaire dans les années de plomb incarnant un instrument particulier de la répression policière.


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