« Limonov, la ballade », film librement inspiré du livre d'Emmanuel Carrière, retrace l'itinéraire d'un dandy russe qui a eu plusieurs vies. Lui qui se rêvait... assassiné, finira sa vie au fond d'un lit, vaincu par un cancer en 2020. Il avait 77 ans. Lui, c'est Edouard Savenko, nom de plume : Limonov. Celui qui vit le jour dans la Russie de 1943 eut une existence pour le moins débridée. Nihiliste dans l'âme dès sa prime jeunesse, il va se glisser dans différents costumes : ouvrier, voyou, poète, majordome, figure de l'avant-garde littéraire, soldat, prisonnier, gourou d'un micro-parti national bolchévique, etc. Moscou, Paris, New York furent ses improbables terrains de jeu. Emmanuel Carrère lui a consacré un fort volume de près de 500 pages (éditions P.O.L 2011) dont s'est inspiré le réalisateur russe Kirill Serebrennikov. Ce que l'on retiendra avant tout de ce film est certainement le geste cinématographique somptueux de ce cinéaste. Fiévreuse, sa caméra alterne tous les possibles, convoquant ainsi à l'écran un chaos faisant écho à la vie de ce sulfureux et toxique personnage terriblement romanesque. Pour incarner ce dandy militant révolutionnaire, étrangement, le réalisateur a choisi un acteur... britannique, rien moins que le célébrissime Q des derniers James Bond : Ben Whishlaw. Un rôle à la hauteur de cet artiste dont il était facile de deviner dans ses seconds rôles tout le potentiel. Le voici, explosif et engagé, sans limites, dans ce personnage.
Biopic stylé et inspiré
Militant révolutionnaire, il fut tout à la fois un poète enragé et belliqueux, un agitateur politique et le romancier de sa propre grandeur. La vie d'Edouard Limonov, telle une traînée de soufre, est une ballade à travers les rues agitées de Moscou et les gratte-ciels de New-York, des ruelles de Paris au cœur des geôles de Sibérie pendant la seconde moitié du XXe siècle. Le réalisateur signe un biopic stylé et inspiré sur la forme, mais sur le fond son sujet s'avère aussi inintéressant que vain. D'abord le réalisateur soigne son sujet (Limonov donc) en occultant les parties de sa vie les plus « tendancieuses », ainsi son passé de truand dans sa jeunesse est occulté, son passage très milicien lors de la Guerre en Bosnie est occultée, et ne parlons pas de la fin de sa vie et de son soutien à la politique de Poutine et son action contre l'Ukraine qui sont résumés vite fait bien fait. Le point fort est que Kirill Serebrennikov a choisi une mise en scène aussi folle et décomplexée que le patchwork spirituel de Limonov. On aime les styles différents, le grain de l'image qui change, les collages, la caméra qui virevolte, les envolées lyriques, les transitions graphiques qui collent à leur époque, les incrustations... etc. Une œuvre d'art fluide et évolutive foisonnante qui tente de magnifier une existence pourtant vaine, une arnaque qui veut nous faire croire à un certain génie chez ce Limonov. En conclusion, Serebrennikov réalise un film dont la forme donne de l'attrait, de la fantaisie même, de la puissance ou du lyrisme, mais sur le fond on finit par se défaire d'un premier intérêt pour Limonov aussi inconsistant qu'insipide car il n'est au final qu'un imposteur auquel on ne s'attache pas une seconde.